«Il y a des sujets qu’on préfère oublier, lance Mgr Lionel Gendron. C’est ce que répond d’abord le président de la Conférence des évêques catholiques du Canada lorsqu’on lui demande pourquoi, dans son rapport d’activités présenté le lundi 24 septembre 2018 à ses confères évêques, il a omis de mentionner sa lettre aux peuples autochtones du 27 mars 2018. C’est dans cette lettre qu’il leur annonçait que le pape ne viendrait pas au Canada présenter des excuses aux victimes des pensionnats autochtones.
«En ce qui concerne l’appel à l’action 58 [de la Commission de vérité et réconciliation], après avoir examiné attentivement la demande et l’avoir discutée abondamment avec les évêques du Canada, [le pape] était d’avis qu’il ne peut pas y répondre personnellement», avait alors écrit l’évêque de Saint-Jean-Longueuil.
Un mois après l’envoi de cette lettre, par un vote majoritaire, les députés de la Chambre des communes ont invité officiellement le pape François «à présenter des excuses» pour le rôle qu’a joué l’Église catholique canadienne «dans la mise en place, les opérations et les sévices des pensionnats autochtones».
«Le Saint-Siège nous avait demandé d’avertir le premier ministre et les peuples autochtones que le pape, personnellement, ne se sentait pas capable de répondre» à cette demande de la Commission de vérité et réconciliation. «On a rédigé un schéma de lettre qui nous est revenu avec des nuances, avec cette notion de ‘personnellement’», a confié Mgr Gendron vendredi, peu après la fin de l’assemblée plénière de la CECC tenue à Cornwall du 24 au 28 septembre 2018.
Dans cette lettre, le pape a aussi demandé aux évêques «de s’engager dans un travail intensif de pastorale visant la réconciliation, la guérison et la solidarité avec les peuples autochtones, et de collaborer dans des projets concrets en vue d’améliorer la condition des Premiers Peuples».
Dans le rapport qu’il a présenté lors de l’assemblée plénière de la CECC, le président a mentionné la tenue de cercles de partage auxquels des évêques ont participé et où ils ont «écouté les récits, les préoccupations et les espoirs des peuples autochtones de partout au pays».
Dans ces rencontres, explique-t-il, les participants expriment, l’un après l’autre et à haute voix, les blessures qu’ils ont subies. Au Québec et en Nouvelle-Écosse, les cercles de partage auxquels Mgr Gendron a participé, des Autochtones ont déploré que le pape ne veuille pas présenter des excuses au noms de l’Église catholique. «Quand mon tour est arrivé de prendre la parole, j’ai expliqué que « celui qui a signé cette lettre, c’est moi »», a-t-il révélé. «Je n’ai pas cherché à défendre cette lettre.»
Témoignage d’une victime
Le président de la CECC a accepté d’en dire davantage sur le témoignage de Deborah Kloos, une victime d’abus, entendue jeudi, la veille, lors d’une séance à laquelle seuls les évêques pouvaient participer. La conférence épiscopale avait refusé de dire combien de victimes étaient invitées à parler aux évêques lors de la plénière. Mme Kloos a elle-même confirmé sur son compte Twitter qu’elle était invitée.
«Son témoignage a été bien reçu. Victime d’un prêtre pédophile, cela a brisé sa vie. Elle a porté ce fardeau durant de nombreuses années et elle s’est longtemps sentie coupable. Et durant vingt ans, elle était remplie de rage», explique Mgr Gendron. «Puis, elle a retrouvé le chemin de la foi. Depuis, elle prend la défense de toutes les personnes abusées.»
Mgr Gendron a loué la ténacité de cette Américaine d’origine qui habite maintenant au Canada et qui est aujourd’hui mariée.
«Elle a régulièrement frappé à la porte de son évêque pour qu’une messe soit organisée afin de demander la guérison et la conversion des abuseurs». L’évêque a fait la sourde oreille mais «comme la veuve de l’Évangile», elle a persisté dans sa demande. Depuis, elle a rencontré le cardinal Seán O’Malley, président de la Commission pontificale pour la protection des mineurs, ainsi que le pape François.
Relations avec les journalistes
Mgr Gendron a accepté de discuter des conditions de travail que la conférence épiscopale impose dorénavant aux journalistes qui doivent couvrir les rares séances de l’assemblée plénière ouvertes aux médias. On lui a dit que la seule nouveauté contenue dans le formulaire d’accréditation de cette année est qu’il est dorénavant interdit aux journalistes de parler aux membres du personnel de la CECC. Il n’a pas mentionné l’autre nouveauté: la conférence épiscopale voulait avoir les questions des journalistes à l’avance.
«Que les journalistes ne peuvent pas parler aux évêques, ce n’est pas nouveau. Je n’étais pas membre de l’exécutif de la CECC lorsque cette mesure a été décidée mais je sais que la plupart des évêques n’aiment pas être questionnés par des journalistes dès qu’arrive le temps de la pause. Ce n’est pas qu’on ne veut pas parler. Mais on aime avoir de meilleures conditions pour donner des entrevues», explique Mgr Gendron.
Seuls deux journalistes ont couvert les assemblées plénières des quatre dernières années. Mgr Gendron reconnaît n’avoir été témoin d’aucun incident durant ces années.
«Mais auparavant, ce formulaire nous a permis de séparer les journalistes de ceux qui ne le sont pas». Il fait référence à l’assemblée plénière de 2011 où un dirigeant du lobby pro-vie LifeSiteNews avait été interdit d’entrer au Nav Center de Cornwall où les évêques étaient réunis.