«Monsieur le premier ministre, intervenez pendant qu’il est encore temps d’éviter plus de personnes atteintes de la COVID-19 et un plus grand nombre de décès.» C’est le cri d’alarme qu’a lancé mercredi l’Association des trésorières et trésoriers des instituts religieux (ATTIR) au gouvernement du Québec.
Ce regroupement détaille, dans une lettre d’urgence remise à François Legault et à cinq ministres séniors, les problèmes qu’affrontent aujourd’hui les communautés religieuses du Québec qui offrent des services d’infirmerie à leurs membres âgés et malades.
Dans cette lettre, la présidente du conseil d’administration de l’ATTIR, la religieuse Claire Houde, rappelle à François Legault que «des milliers de religieuses et de religieux sont hébergés» dans des infirmeries et des services gérés par les congrégations et qu’ils sont «soignés par des employé dévoués».
La religieuse révèle aussi, sans donner un nombre précis, que «plusieurs dizaines de personnes religieuses sont atteintes de la COVID-19» et que ces malades sont actuellement prises en charge par les infirmeries ou les maisons d’hébergement des communautés.
Ces institutions, qui ne sont pas reconnues sauf exception par les autorités gouvernementales, étaient déjà «dans une situation financière difficile». Mais en raison de la crise engendrée par la COVID-19, ces communautés peinent aujourd’hui à retenir leur personnel soignant, lui aussi malade ou épuisé.
Traitement inéquitable
La religieuse déplore aussi que «nombre d’employés se sont retirés de leur poste auprès des personnes religieuses, vu les conditions salariales que le gouvernement du Québec a décrétées afin d’attirer les employés qui travaillaient jusqu’à tout récemment auprès des religieux et religieuses».
«Comment pouvons-nous ensemble créer des facteurs de rétention de nos employés, si le gouvernement maintient des conditions qui leur sont inéquitables?», dit-elle.
L’ATTIR demande donc au premier ministre François Legault d’accorder au personnel des communautés le même traitement que celui offert aux employés des CHSLD ou des RPA (résidences privées pour aînés).
Le ministère de la Santé et des Services sociaux devrait verser «les mêmes primes et rehaussements salariaux aux milliers d’employés qui assurent les besoins quotidiens, les repas, l’entretien, le maintien de la salubrité et les soins» à ces religieux et religieuses «très âgés qui ont consacré toute leur vie, principalement au service de la population du Québec».
«Une préposée aux bénéficiaires, qu’elle travaille dans un CHSLD, un RPA ou dans l’infirmerie d’une congrégation religieuse, devrait être traitée de la même façon», renchérit Béatrice Prado, la directrice générale de l’ATTIR. «On ne demande pas un privilège pour les congrégations. Cet argent ira directement au personnel», assure-t-elle.
Matériel sanitaire
Les communautés religieuses qui gèrent leurs propres services d’infirmerie font aussi face à «un manque grave de fournitures de toutes sortes pour donner les soins et services aux personnes résidentes».
«C’est difficile actuellement d’effectuer des confinements corrects parce que les congrégations n’ont pas accès aux tests. D’autres sont en manque de gants et de blouses», dit Béatrice Prado qui a mené un sondage dans les différentes communautés religieuses du Québec. «Et ce n’est pas une question de moyens financiers. C’est que les congrégations n’ont tout simplement pas accès à ces fournitures» parce qu’elles sont toutes réparties parmi les institutions de soins reconnues.
La religieuse Claire Houde enjoint le premier ministre de donner des directives précises aux autorités régionales de la santé (les CISSS et les CIUSSS) «afin que les citoyens résidents dans nos institutions aient accès en nombre suffisant aux fournitures et équipements de toutes sortes».
Près de 11 700 sœurs, frères et prêtres répartis dans quelque 250 congrégations et instituts de vie consacrée sont dénombrés par la Conférence religieuse canadienne (CRC). Sur ce nombre, les deux tiers (8 131 en 2019) vivent au Québec. En 2014, la CRC calculait que 94% des religieux canadiens étaient alors âgés de plus de 60 ans.
Dans les infirmeries et les centres de soins liés aux congrégations religieuses du Québec, au moins sept sœurs, frères et pères sont décédés de la COVID-19 durant le mois d’avril. Plus d’une centaine en sont actuellement affectés.