«Enfin une personne qui pense à ce que pourrait être notre situation si une éclosion de COVID-19 nous frappait», s’est empressée de publier sur Facebook la religieuse Gilberte Baril.
Elle venait tout juste de prendre connaissance du cri d’alarme lancé dimanche par la docteure Valérie Julie Brousseau. Cette jeune médecin s’inquiétait de la propagation du virus dans les résidences, couvents et monastères habités par un grand nombre de religieux et de religieuses, un drame qui n’a jamais été mentionné par les autorités gouvernementales.
«On n’a reçu aucun écho de la part de monsieur Legault ou du docteur Arruda à ce sujet. Merci à la docteure Brousseau», ajoute l’ex-prieure générale des Dominicaines Missionnaires Adoratrices, une congrégation qui n’a qu’une seule maison au Québec.
«On n’a aucun cas de COVID, ça va bien chez nous», précise aussitôt la religieuse âgée de 80 ans. «On suit les consignes le mieux possible, on pratique la distanciation. Les mesures sont très sévères pour tous nos employés. Seuls les services essentiels sont permis.»
«Même nos plus jeunes sœurs ne sortent pas de la maison», ajoute-t-elle. «Ce serait très grave si l’une d’entre elles attrapait le virus.»
La congrégation des Dominicaines Missionnaires Adoratrices compte 38 membres, dont huit ont moins de 70 ans. La résidence de Québec où ces religieuses habitent ne dispose pas d’une infirmerie. Dix religieuses sont à l’infirmerie, dans une autre communauté religieuse.
Sœur Baril aimerait bien que les autorités gouvernementales s’intéressent au sort des religieux et des religieuses durant cette crise sanitaire. Leur situation est unique, dit-elle. Ce sont souvent un grand nombre d’aînés qui vivent dans une maison qui n’est aucunement liée aux réseaux des CHSLD ou des résidences pour personnes âgées (RPA).
«Et quand il sera question de déconfinement, j’aimerais bien qu’on nous dise ce que cela va représenter pour les maisons comme nous», lance sœur Gilberte Baril. «Il nous semble évident qu’il nous faudra prendre des décisions particulièrement prudentes pour ne pas courir le risque que le virus entre dans une maison comme la nôtre», estime-t-elle.
Ainsi, les religieuses plus jeunes pourront-elles retourner à leur travail à l’extérieur et revenir le soir à leur résidence auprès de leurs consœurs aînées? Seront-elles plus longtemps contraintes au télétravail? Des groupes pourront-ils se réunir, comme auparavant, dans leur maison? Quand des individus seront-ils de nouveau accueillis chez elles?
Voila des questions que la religieuse aimerait poser éventuellement au docteur Horacio Arruda et au premier ministre François Legault. D’ici là, elle fera tout ce qu’il faut pour qu’aucune membre de sa communauté ne soit infectée.
Près de 11 700 sœurs, frères et prêtres répartis dans quelque 250 congrégations et instituts de vie consacrée sont dénombrés par la Conférence religieuse canadienne (CRC). Sur ce nombre, les deux tiers (8 131 en 2019) vivent au Québec. En 2014, la CRC calculait que 94% des religieux canadiens étaient alors âgés de plus de 60 ans.
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