En décembre 2011, pendant que Marie-Ange Noël accueillait les membres d’une délégation canadienne en visite à Jacmel, en Haïti, une femme en pleurs est entrée dans la cour de Fanm Deside (en créole, Femmes décidées). La responsable de cet organisme s’est tue, puis elle a fait un signe de tête en direction d’une intervenante qui est rapidement allée rejoindre la nouvelle venue.
Les visiteurs canadiens, dont Mgr Richard Smith, l’archevêque d’Edmonton alors président de la Conférence des évêques catholiques du Canada, ont tout de suite saisi le drame dont ils étaient témoins. Une femme, tout juste victime de violence, venait demander de l’aide à Fanm Deside, un centre de promotion qu’appuie Développement et Paix depuis près de 20 ans.
Six ans après cet événement, c’est au tour de Marie-Ange Noël, la coordonnatrice de Fanm Deside, de séjourner au Canada. Durant le mois de mars, à titre d’invitée de la 50e campagne Carême de partage menée par Développement et Paix, elle a prononcé plusieurs conférences dans les diocèses de la Colombie-Britannique.
«Je tenais à remercier les gens du Canada pour leur solidarité et leur montrer où va l’argent qu’ils donnent», a-t-elle dit à son retour à Montréal quelques heures avant son départ vers les États-Unis, puis vers Haïti.
Elle a mentionné aux gens rencontrés que si, en 2011, lors de la visite de la délégation épiscopale canadienne, son organisme recevait quelque vingt cas d’abus et de violences sexuelles tous les mois, ce nombre avait beaucoup augmenté.
«Il n’est pas rare que nous ayons maintenant plus de soixante cas par mois. Avec toute la sensibilisation que nous avons faite après de la population et des intervenants, on connaît davantage Fanm Deside, son travail et les services qu’on offre», ajoute la coordonnatrice de cet organisme mis sur pied en 1989 par des femmes de Jacmel et des religieuses de l’Institut Notre-Dame du Bon-Conseil de Montréal.
Beaucoup d’institutions ainsi que des organismes gouvernementaux réfèrent dorénavant des femmes et des jeunes filles auprès des intervenantes de l’organisme. «Des chauffeurs de taxi connaissent aussi notre adresse», ajoute Marie-Ange Noël. «Fanm Deside est la seule organisation dans tout le sud-est qui donne un appui et qui fournit un accompagnement légal ou médical aux femmes victimes de violence.»
Les services offerts sont variés. «On a bien des cas de pension alimentaires non versées. À Jacmel, il y a des papas qui ne prennent pas leurs responsabilités», déplore-t-elle. «Alors des femmes nous demandent d’intervenir auprès du monsieur pour demander de l’aide pour leurs enfants». L’organisme offre aussi des services de médiation.
Les femmes qui ont recours aux services de Fanm Deside sont de plus en plus jeunes, ajoute Marie-Ange Noël. Ce sont souvent des restavèk (en créole des reste-avec, des enfants placés en domesticité) et des adolescentes.
Magalie pour la vie
En 2011, la délégation canadienne venue à Jacmel a visité, en pleine campagne, un chantier de construction financé par Développement et Paix. Marie-Ange Noël avait alors demandé à Mgr Smith de bénir les premiers murs de cette résidence. Inaugurée l’année suivante, la maison d’hébergement Magalie pour la vie accueille aujourd’hui 18 femmes, des adolescentes pour la plupart, toutes victimes de violences sexuelles.
«Il y a pas mal de cas d’inceste», dit la coordonnatrice. «Elles ont été victimes de leurs proches, de leurs voisins.» Comme l’agresseur est «une personne qui est connue dans la zone, la jeune fille est obligée de quitter afin d’assurer sa sécurité».
«On n’a pas assez de lits, alors les femmes doivent parfois dormir dans la salle de réunion», ajoute Marie-Ange Noël qui espère que d’autres ressources comme la maison Magalie pour la vie soient construites en Haïti.
C’est ce que la coordonnatrice de Fanm Deside est venue dire aux gens rencontrés lors de sa tournée dans l’Ouest canadien. «En Haïti, Développement et Paix est un bailleur de fonds unique. C’est un partenaire qui vient en aide aux femmes des milieux ruraux, qui développe des activités économiques et qui renforce les organisations locales. C’est un partenaire qui donne de la dignité.»
«Les femmes en ont vraiment besoin», conclut Marie-Ange Noël.