Il y aurait environ un tiers des Canadiens – et près de la moitié des catholiques – qui continuent d’aller à la messe de Noël, nettement plus qu’en temps normal. Chaque année, des prêtres, pasteurs et évêques se posent une même question: est-il permis d’espérer que ces visiteurs occasionnels se transforment en fidèles réguliers? Et si oui, quelle attitude adopter? Sortir le grand jeu ou agir comme d’habitude?
Le curé Georges Pelletier, qui officie dans la paroisse Saint-Esprit de Rosemont, est a priori embêté par la question. «Si vous cherchez des stratégies pour attirer des fidèles, comme dans une approche marketing, je ne crois pas que ce soit notre rôle, en tant qu’Église, de faire cela… Notre mission est d’aider les gens à rencontrer Jésus Christ vivant, parmi nous. On ne doit jamais oublier une chose: ce n’est pas la religion qui sauve, c’est le Christ seul.»
Le curé reconnaît, dans la foulée, que la fête de la Nativité est un moment unique pour favoriser cette «rencontre». «Nous avons eu deux rencontres préparatoires. Nous voulons offrir une belle expérience aux paroissiens. Par la messe des enfants, avec une crèche vivante, puis par la qualité du chant.»
Interrogée sur la même question, l’évêque anglicane de Montréal, Mary Irwin-Gibson a une vision beaucoup plus proactive face à l’occasion de rejoindre de nouveaux fidèles à Noël. Le site Web de l’Église anglicane vient de publier ses «10 conseils à considérer pour les visiteurs de Noël», le dernier étant de «faire des annonces qui encouragent les gens à revenir».
«Nous voulons tout mettre en œuvre pour bien accueillir les gens, puis leur donner le goût de revenir vers nous. Aussi, nous encourageons les paroisses à être présentes sur les médias sociaux, à promouvoir leurs événements et à publier des photos des célébrations passées.»
Pas le temps des apitoiements
L’évêque anglicane et le curé catholique s’entendent sur une chose: Noël n’est pas le moment d’exprimer ses frustrations sur le déclin des assistances à la messe du dimanche, ou de la pratique religieuse en général.
«Certains prêtres profitent de l’assistance de Noël pour exprimer leur amertume ou faire des remontrances, reconnaît le curé Georges Pelletier. Je trouve cela très maladroit. Personnellement, je vois un sens positif [à la diminution des assistances]. Ça veut dire que les gens ne viennent plus par obligation, mais par conviction.»
Pour offrir un bel accueil, Mgr Mary Irwin-Gibson invite les célébrants à mettre toutes les chances de leur côté: «On doit être reposé, souriant, de bonne humeur et attentif aux nouveaux visages qui franchissent les portes de notre église. L’idée n’est pas de les presser de questions, mais plutôt d’être disponibles pour eux et de les accueillir chaleureusement, peu importe leur histoire ou leur parcours.»
Le curé de Saint-Esprit insiste pour sa part sur l’authenticité de la cérémonie, qui est à ses yeux empreinte d’un «grand mystère». «Je ne me tiens pas à l’entrée de l’église avec mon compteur. Je me concentre sur ce que je m’apprête à vivre. Jésus se donne à nous. Je pose chaque geste de manière solennelle, sans précipitation. Je veux communiquer ce sens du sacré.»
Faire une place aux enfants
Pour consolider les assistances de Noël, un des consensus qui se dégagent depuis déjà plusieurs années est de devancer l’heure de la cérémonie.
«La messe de minuit… c’est beaucoup trop tard! s’exclame Mgr Mary Irwin-Gibson. Quand j’officiais à Ste-Agathe, nous avions devancé l’heure de la messe vers 16-17 heures. Ça permet aux familles d’y assister avant le réveillon. Nous faisions une crèche vivante avec les enfants. C’était une messe très courte, avec seulement une lecture.»
Ce choix de déplacer la célébration en début de soirée, tout en misant sur une messe familiale animée d’une crèche vivante, semble aujourd’hui généralisé. Le curé de Saint-Esprit constate un réel engouement envers la formule, tant chez les parents que les enfants: «Les parents ne l’expriment pas nécessairement ainsi… Mais je crois que plusieurs d’entre eux préfèrent la messe pour enfants. C’est une cérémonie plus simple, qui leur parle sans doute davantage.»
Une charité qui interpelle
Un dernier front à ne pas oublier, qui fait partie intégrante de Noël, sont les œuvres de bienfaisance.
«À la naissance du Christ, personne ne doit être exclu, rappelle le curé Georges Pelletier. Jésus, dans son Salut, a commencé par les pauvres, et c’est très significatif. Nous devons partager cette joie immense avec tous, que ce soit par un cadeau, un panier de Noël ou autres. Et puis, quand nous aidons notre prochain dans sa chair, nous évangélisons.»
D’ailleurs, Mgr Mary Irwin-Gibson voit dans cet engagement à «aider son prochain» une manière de renouer avec les «non-pratiquants». «Proposer des activités mettant l’accent sur la justice sociale interpelle des gens de tous les horizons. Lorsque nous avons mis sur pied un atelier de confection de tapis isolants destinés aux gens dans la rue, une dame âgée est venue de très loin pour nous aider!»
Des besoins spirituels, «pas juste à Noël»
En fin d’entrevue, Mgr Mary Irwin-Gibson rappelle à juste titre que Noël n’est pas le seul moment propice pour accueillir de nouveaux fidèles ou renouer avec d’anciens.
«Je constate qu’il y a des moments charnières de la vie – comme les baptêmes, les mariages et les funérailles – où les gens sont en besoins spirituels. Ce n’est pas tout le monde qui a eu la même éducation religieuse, étant jeune. C’est une occasion de les accueillir et de les aider à approfondir leur foi.»
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