«Je ne pensais pas voir ça un jour», confie Christian Rodembourg, président de l’Assemblée des évêques catholiques du Québec.
De retour dans son diocèse après la conclusion de la plénière des évêques du Québec, l’évêque de Saint-Hyacinthe revient sur la décision d’annuler les messes des fins de semaine pour une durée indéterminée.
«C’est vraiment un moment où il faut être solidaire de tout notre peuple. Dès que nous avons eu l’annonce du gouvernement du Québec, nous avons modifié notre ordre du jour pour parler du coronavirus», explique-t-il.
Selon lui, les évêques étaient essentiellement sur la même longueur d’onde. Pour eux, il était important de tenir compte de la réalité civique et sanitaire du Québec.
«Ça a été un échange très sérieux où chacun a pu s’exprimer. Notre décision vient contribuer à l’effort commun de la santé publique», dit-il.
C’est aussi le signe, avance Mgr Rodembourg, que les chrétiens ont une coresponsabilité vis-à-vis le bien de l’humanité, qui passe en grande partie par la santé et le bien-être de tous.
«Nous sommes et demeurons en permanence en contact avec les autorités civiles. Nous suivons en permanence l’actualité.»
Il y a quelques jours, certains évêques et prêtres affichaient pourtant ouvertement leur intention de ne pas annuler de messes et certains rassemblements liturgiques.
«Ce qui a pu se dire il y a quelques jours à peine, c’est déjà passé. Ça a changé. Ça bouge rapidement. Il faut être dans le présent», insiste le président de l’AECQ.
Chaque milieu aura à considérer certaines pistes pastorales. Les évêques ont convenu de partager ensemble leurs idées et leurs stratégies pour faire face à cette situation inédite, bien conscients qu’ils ne savent pas de quoi demain sera fait.
Il n’est pas exclu, par exemple, que des billets puissent être émis pour certaines des célébrations liturgiques majeures de la Semaine sainte et de Pâques qui approchent. Émis en nombre restreints, ces billets feraient en sorte d’instaurer un quota de personnes dans divers lieux pour permettre la tenue des célébrations les plus importantes.
«J’y pensais la nuit dernière. Ça pourrait être une option. Mais ça va dépendre de la décision du gouvernement sur le nombre de personnes autorisées en un même lieu. Présentement, c’est 250 au Québec. Mais au Nouveau-Brunswick, c’est 150. Ça peut bouger», répond Mgr Rodembourg, pragmatique, qui croit qu’il y a tout de même beaucoup de place pour la «créativité».
«Un baptême avec 20 personnes, c’est tout à fait réalisable. Plusieurs types de rassemblements sont encore possibles.»
Il est cependant trop tôt encore pour voir comment les paroisses et les diocèses géreront les vastes confirmations qui ont souvent lieu au printemps.
«On verra en temps et lieu. Pour l’instant, nous sommes enracinés dans le monde tel qu’il est, avec solidarité et compassion.»
Ailleurs dans le monde, des diocèses ont refusé d’annuler des messes. Aux États-Unis, des évêques ont plutôt choisi d’annoncer qu’ils «dispensent» les fidèles de «l’obligation» d’assister à la messe dominicale. Cette approche est-elle suffisamment responsable?
«Je n’ai pas à juger quoi que ce soit pour ce qui se passe chez le voisin, considère Mgr Rodembourg. Il faut être attentif et vigilant pour réfléchir à nos objectifs pastoraux dans nos milieux. Ce qui a été envisagé au Québec, c’est ce qui a été publié. Nous sommes au Québec. Nous avons fait une réflexion reliée à notre réalité ici.»
Il affirme cependant garder espoir que de bonnes nouvelles finissent par arriver, d’abord pour la santé des gens, ensuite pour les assemblées chrétiennes. Entretemps, il confie appuyer particulièrement ses prières sur saint François d’Assise et bienheureux Louis-Zéphirin Moreau, qui a été évêque de Saint-Hyacinthe plus d’un siècle avant lui et qui était reconnu pour sa proximité avec les pauvres et les souffrants.
Sur les réseaux sociaux, la décision de l’AECQ a été globalement bien accueillie. Certains ont toutefois manifesté leur déception, laissant entendre que cela marquerait un manque de foi envers un pouvoir divin, voire que ce serait le signe que «Satan a gagné».
«J’accueille avec respect les commentaires de chacun», répond Mgr Rodembourg, un sourire dans la voix. «Cela dit, nous devons faire une réflexion en lien avec la réalité des décisions des territoires où nous sommes. C’est important d’être en harmonie avec cette réflexion.»
Il rappelle l’importance pour les catholiques de continuer à prier la Vierge et saint Joseph, dont la fête liturgique sera soulignée le 19 mars.
«Nous pouvons prier pour la guérison, pour les découvertes scientifiques, pour toutes les facettes de nos vies qui sont dans le cœur de Dieu», propose-t-il.
«Je suis un gars d’espérance. Le souffle de l’amour de Dieu va continuer de rayonner, même en ce temps d’épreuve. C’est un carême particulier qui nous ramène à nos valeurs.»
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