«Honte et douleur. Ça ne peut plus continuer. Je vais m’engager. L’Université Saint-Paul va s’engager.»
Un cri du cœur. C’est ce qu’a lancé, sur Facebook, Chantal Beauvais, rectrice de l’Université Saint-Paul, en prenant connaissance du récent rapport du procureur de la Pennsylvanie sur les abus sexuels commis par quelque 300 prêtres de six diocèses et la dissimulation de ces crimes par les autorités religieuses.
Comment son université interviendra-t-elle?
La première laïque et la première femme à occuper le poste de rectrice de l’Université Saint-Paul révèle que son institution s’apprête à créer un Centre pour la protection des mineurs et des personnes vulnérables, un projet interdisciplinaire qui sera chapeauté par la Faculté de droit canonique.
Joint par téléphone aux États-Unis, Mgr John Anthony Renken, doyen de la Faculté de droit canonique, confirme l’engagement pris par la rectrice. «Ce sera un centre qui aura pour mission de protéger les jeunes et les adultes vulnérables à l’intérieur de l’Église. On souhaite que ce centre ait des retombées pour l’Église mais aussi pour toute la société.»
«Nous en sommes à solliciter le financement mais aussi à sonder des individus et des communautés afin de connaître leurs besoins les plus pressants.»
De la formation sera au menu de ce centre universitaire. Mais on pourra aussi y mener des audits auprès des diocèses et des communautés religieuses qui en feront la demande et réviser les politiques contre les abus et pour la protection des personnes mineures qui ont déjà été rédigées par des diocèses. Le centre accompagnera les groupes qui souhaitent se doter de protocoles de prévention. «Nous voulons aider les paroisses, les diocèses et les communautés religieuses à se doter de guides pour la protection des personnes vulnérables», ajoute Mgr John Renken.
Le personnel du futur Centre pour la protection des mineurs et des personnes vulnérables sera multidisciplinaire et sera composé de spécialistes en théologie, en sciences sociales et en droit canonique, avance le doyen Renken.
Cet expert en droit canonique indique qu’il a informé le Vatican et ses différents dicastères de ses démarches. «Plusieurs nous disent là-bas que notre centre rendra service à l’Église universelle, et pas seulement à celle du Canada.»
«À ma connaissance, dans le monde, Il n’y a pas d’autres centres semblables qui soient liés à une Faculté de droit canonique. Nous serons le tout premier en Amérique du Nord», dit Mgr Renken.
Mais le but ultime des actions de ce centre ne sera pas de protéger l’institution, martèle le doyen, mais bien les victimes. «Nous avons l’intention de réagir lorsque les protocoles et les guides mis en place auront échoué, lorsqu’il y aura des abus et des souffrances», explique-t-il ajoutant que le centre n’hésitera pas à «appuyer les autorités civiles lorsque des poursuites seront entamées contre des membres du clergé».
Conscient que plusieurs personnes sont touchées lorsqu’un prêtre ou un religieux abuse d’un individu, Mgr John Renken ajoute que le centre qu’il dirigera voudra «aussi appuyer et aider les familles des victimes, leurs communautés et leurs paroisses».
Au moment d’accorder cette entrevue, Mgr Renken venait tout juste de terminer la lecture de la lettre que le pape François a écrite «au peuple de Dieu» sur les abus sexuels en Pennsylvanie. «Le pape est très clair: nous devons répondre, nous devons rendre des comptes aux victimes et nous devons nous assurer que de tels abus n’arrivent plus jamais.»
Une phrase de cette lettre l’a particulièrement frappé. Au téléphone, Mgr Renken la cite de mémoire. «Dire non aux abus, c’est dire non à toute forme de cléricalisme.» Cela pourrait bien être la devise du futur Centre pour la protection des mineurs et des personnes vulnérables qu’il supervise.