D’anciens membres de la communauté établie à Sherbrooke se portent à sa défense. Ils estiment que les reproches adressés à la communauté par d’autres anciens sont exagérés.
«Je ne veux en rien diminuer la souffrance de ceux et de celles qui ont témoigné […]. Mais je trouve que ce n’est pas un reflet de la pleine vérité». À peine quelques heures après la publication, lundi, de témoignages d’ex-membres de la Famille Marie-Jeunesse (FMJ), Andrée-Ann Brasseur a déploré, dans un courriel, que le sombre portrait présenté de la communauté par des personnes «qu’elle a probablement connues» s’avère bien éloigné de tout ce qu’elle a pu vivre en son sein.
Celle qui a participé durant 15 années à la FMJ affirme que «beaucoup de « blessés d’amour » sont venus chercher refuge» dans cette «communauté tout sourire qui t’accueille tel que tu es». Or, dit-elle, «si tu n’es pas bien avec toi-même, tu ne peux pas être bien avec les autres».
C’est que toute vie communautaire est forcément exigeante. «Non seulement nous avions un idéal, celui de vivre tout l’Évangile, rien de moins, mais on était toujours interpellés par les excès de zèle de l’un ou de l’autre. On était jeunes, trop jeunes peut-être, mais aussi un peu fous dans notre amour du bon Dieu», dit cette femme aujourd’hui âgée de 35 ans qui a obtenu un baccalauréat en théologie durant son séjour à la FMJ.
Les membres qu’elle a côtoyés de 2002 à 2017 voulaient «marcher à la suite des grands saints comme Thérèse d’Avila, la petite Thérèse ou Charles de Foucauld». Tous «admiraient leur don total au Christ et ils essayaient de les imiter» dans leur vie quotidienne et communautaire.
Comment pourrait-elle en vouloir aujourd’hui à cette communauté qui l’a «conduite à rencontrer le seul qui peut vraiment guérir mes blessures profondes, soit le Christ»? D’ailleurs, lance-t-elle, «ce n’est pas à la communauté de répondre à tous [nos] manques».
Andrée-Ann Brasseur estime que les durs reproches que des ex-membres ont formulés envers le fondateur de la FMJ ne sont tout simplement pas mérités. «Je trouve que Réal a les épaules larges. Oui, il a ses torts. C’est un être humain après tout. Mais un manipulateur? Je ne sais pas. Mais pas sur moi.»
Elle a quitté la FMJ en 2017, librement, sans amertume. Après sa «sortie de communauté», elle a fréquenté un «homme extraordinaire», qu’elle a connu grâce à Marie-Jeunesse. Ils se sont épousés depuis.
Disproportion flagrante
De Mons, en Belgique, où il réside, Nicolas Masy, 39 ans, a aussi réagi en lisant les allégations d’anciens membres, qui réagissaient eux-mêmes à la demande de recours collectif visant la communauté.
Appelé à une «vocation tardive», à l’âge de 28 ans, mais «n’ayant aucune notion de la foi catholique», cet ingénieur décide de participer à l’École internationale d’évangélisation de Marie-Jeunesse, une expérience de vie communautaire d’un an appelée auparavant année Pentecôte. «Il y avait tellement de travail intérieur que j’ai même rempilé pour deux années supplémentaires», lance-t-il.
Durant ce séjour de trois ans à Lennoxville, M. Masy reconnaît avoir vécu des frustrations. «J’ai bien vu que tout n’était pas parfait, tant dans le fonctionnement de la communauté que dans l’attitude de mes frères et sœurs». Mais faut-il s’en offusquer? Au point d’intenter un recours collectif? «Cela exprimait tout simplement que nous étions en chemin, en constante conversion, imparfaits.»
Il a aussi pu constater «à quel point [ses] propres blessures personnelles ont pu exacerber certaines réactions». La vie avec les autres, en famille ou encore en communauté «fait que l’on est confronté aux autres et qu’ils nous renvoient des choses sur soi qu’il est parfois douloureux d’accepter.»
Aucune pression n’a jamais été exercée sur lui, dit-il. «J’ai été libre de choisir de rester ou de partir.» Au terme de trois années à l’intérieur de la FMJ, il décide de quitter la communauté. «Je ne me voyais pas devenir religieux ou prêtre». Mais deux ans plus tard, il amorce un retour, «comme novice cette fois, car j’avais vraiment le désir d’appartenir à Jésus dans la vie consacrée». Il demeurera trois autres années à Sherbrooke, avant de retourner en Belgique et reprendre sa profession d’ingénieur électricien.
Durant les six années vécues au Québec, il a régulièrement rencontré l’abbé Réal Lavoie, le fondateur de la FMJ. «Je le considérais comme un grand frère dont les conseils m’étaient précieux». M. Masy raconte que ses parents sont venus le visiter et qu’«ils ont été positivement marqués par cet homme». Pour lui, l’abbé Lavoie était aussi «un « papa » affectueux, c’est-à-dire un homme dont le cœur est bon et désire le meilleur pour ses « enfants ».»
Un article exagéré ou véridique?
Gérard Maillet, 50 ans, lui aussi membre de Marie-Jeunesse durant deux années, croit que certains témoignages négatifs «sont largement exagérés». Il reconnaît volontiers que des communautés nouvelles ont pu commettre certaines erreurs. Mais il estime que ce sont des erreurs de gouvernance ou encore des manques liés à une immaturité spirituelle.
«Loin de moi l’idée de minimiser certaines blessures communautaires, mais n’oublions pas tout de même qu’une communauté religieuse, nouvelle ou non, est aussi une école de vie», a-t-il tenu à commenter.
«J’ai lu avec émotion les articles parus concernant le recours contre la Famille Marie-Jeunesse», a aussi écrit une lectrice de Présence. «Je dois dire m’être reconnue dans la plupart des témoignages.»
«Impossible pour moi de décrire mes années passées à Marie-Jeunesse comme les plus belles de ma vie.» La dame, qui a demandé qu’on taise son nom, explique qu’elle en «est partie détruite», avec le sentiment de «n’être pas assez belle, pas assez bonne et pas assez intelligente» pour la FMJ. Elle confie qu’elle a «dû prendre plusieurs années à comprendre comment bien fonctionner en société».
Au journaliste qui a rédigé l’article intitulé Abus chez Marie-Jeunesse: les témoignages se multiplient, elle confirme que «tout ce que vous avez écrit est vrai».
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