Les membres du Ralliement national des Métis ont offert au pape François un ensemble de mocassins perlés et lui ont demandé de marcher avec eux sur le chemin de la vérité, de la justice et de la guérison des communautés autochtones du Canada et de leur relation avec l’Église catholique, a déclaré Cassidy Caron, présidente du Ralliement.
Par Cindy Wooden
Accompagnés par la musique de deux violoneux, les délégués ont quitté la colonnade de la place Saint-Pierre pour se rendre à un endroit convenu à l’avance où des dizaines de journalistes attendaient de connaître le résultat de leur rencontre avec le pape François le 28 mars.
Les délégués du Ralliement national des Métis et de l’Inuit Tapiriit Kanatami ont eu des rencontres séparées avec le pape le 28 mars. La délégation de l’Assemblée des Premières Nations doit le rencontrer le 31 mars.
Le voyage des délégations à Rome, accompagnées de six évêques canadiens, vise à leur donner l’occasion d’expliquer au pape François comment les communautés vivent et comment l’Église catholique et ses institutions ont contribué à leur causer du tort, notamment en gérant des pensionnats où les langues et les expressions culturelles autochtones étaient interdites et où de nombreux élèves ont subi des abus.
En attente d’excuses
Avant leur rencontre, les dirigeants de tous les groupes ont déclaré qu’ils souhaitaient que le pape présente des excuses pour le rôle joué par l’Église catholique dans la gestion des pensionnats. Environ 60 % des 139 écoles du Canada étaient gérées par des ordres religieux ou des diocèses catholiques. Selon le gouvernement, qui a financé ces écoles, plus de 150 000 enfants des Premières nations, métis et inuits ont été contraints de les fréquenter entre les années 1870 et 1997.
Les groupes souhaitent que le pape François se rende au Canada et y présente des excuses publiques pour la façon dont l’Église a traité les peuples indigènes et pour sa collaboration avec les colonisateurs. Le Vatican a déclaré que le pape François était prêt à faire ce voyage, mais il n’a pas précisé quand.
Les trois groupes, ainsi que les membres de leurs familles et leurs sympathisants, doivent rencontrer à nouveau le pape le 1er avril pour entendre sa réponse à ce qu’ils avaient partagé.
Ce qui a été dit
Les Premières nations, les Inuits et les Métis veulent également un «accès sans entrave» aux archives des écoles gérées par l’Église, a déclaré Mme Caron, présidente de l’organisation métisse.
Elle a dirigé la réunion de sa communauté avec le pape en portant une veste avec des perles traditionnelles qui lui avait été offerte pour l’occasion.
Elle a ajouté que trois des délégués, des survivants des pensionnats, ont partagé leur histoire avec le pape. Ils «ont fait un travail incroyable en se levant et en disant leur vérité. Ils ont été si braves et si courageux».
«Nous avons invité le pape François et les catholiques du monde entier à se joindre à nous, la nation métisse, sur notre chemin de vérité, de justice et de guérison, et nous espérons qu’en s’engageant à nos côtés, en s’engageant à agir concrètement, l’Église pourra enfin entamer son propre chemin vers une réconciliation significative et durable», a déclaré Mme Caron aux journalistes.
«Les seuls mots qu’il nous a adressés en anglais […] étaient « vérité, justice et guérison » et je considère cela comme un engagement personnel», a-t-elle ajouté. «Donc, il s’est personnellement engagé à mener ces trois actions.»
Trop de membres de la communauté sont déjà morts «sans que leur vérité soit entendue et leur douleur reconnue», a-t-elle ajouté. Le moment de reconnaître ce qui s’est passé et de présenter des excuses est «venu depuis longtemps, il n’est jamais trop tard pour faire ce qui est juste».
Après avoir passé environ une heure chacun avec les délégations métisse et inuite, le bureau de presse du Vatican a indiqué que le pape François avait voulu écouter et «créer un espace pour les histoires douloureuses apportées par les survivants».
Les demandes des Inuits
Natan Obed, président de l’Inuit Tapiriit Kanatami, a déclaré plus tard aux journalistes que cette organisation, qui représente 65 000 Inuits au Canada, a demandé au pape François des excuses, un dédommagement pour le rôle de l’Église dans la gestion des écoles et une aide pour que le père oblat Johannes Rivoire, qui a été accusé d’abus sexuels sur des enfants, revienne au Canada pour y être jugé. Le prêtre se trouve apparemment en France.
M. Obed a dit qu’il a présenté le groupe au pape en expliquant qu’il y a beaucoup d’Inuits qui sont des catholiques pratiquants, qui ont une foi forte, ce qui les aide à avoir une influence positive sur leurs communautés. Mais, «il y en a aussi beaucoup qui ont encore du mal à avoir une relation quelconque avec l’Église catholique à cause du traumatisme qu’ils ont eux-mêmes vécu ou de celui qu’ont vécu leurs proches».
Martha Greig, une survivante des pensionnats et l’une des déléguées, a déclaré aux journalistes que si elle est convaincue que le pardon est un élément essentiel de la guérison, de nombreux Inuits ne sont pas prêts à l’entendre.
«Mais des excuses authentiques et sincères seraient un premier pas» pour aider les survivants et leurs familles à progresser vers le pardon et la réconciliation, a déclaré Mme Greig.
Les enfants ont été enlevés à leur famille et placés dans des écoles pour apprendre «comment être une « personne blanche », ce que nous ne pouvons pas être. Nous sommes des Inuits.»
La délégation est entrée dans la bibliothèque papale et a allumé un qulliq, une lampe traditionnelle inuite. Et à la fin de la rencontre, ils ont récité le Notre Père en inuktitut, leur langue, a indiqué M. Obed. Ils ont offert au pape François une étole liturgique en peau de phoque.
Mgr Raymond Poisson, évêque de Saint-Jérôme et président de la Conférence des évêques catholiques du Canada, a accompagné les délégations. Il a décrit l’atmosphère comme étant celle d’une «affection mutuelle».
Mgr Donald Bolan, archevêque de Regina, en Saskatchewan, qui était également présent, a déclaré: «Beaucoup de vérités dures ont été dites, mais elles l’ont été d’une manière très gracieuse, très poignante et très puissante.»
L’évêque William McGrattan de Calgary, en Alberta, vice-président de la conférence épiscopale, a déclaré aux journalistes que le pape a dit en plaisantant aux Inuits que s’il se rend au Canada, il ne veut pas aller dans l’Arctique en hiver.
«Il veut venir», a dit l’évêque, «mais il aimerait venir à un moment où il ne fait pas si froid».