«Guy Boulanger a consacré sa vie au service des travailleurs dans une perspective de transformation sociale inspirée des valeurs de l’Évangile. La route d’Emmaüs représente très bien l’approche missionnaire envisagée où ceux qui faisaient route avec lui ne l’ont pas reconnu avant qu’il ne pose le geste fraternel de la fraction du pain.»
Ces mots apparaissent au dos d’un livre consacré aux défis qu’a relevés au Chili un groupe de prêtres-ouvriers mis sur pied par le père Guy Boulanger, un missionnaire oblat décédé le dimanche 15 novembre 2020 à l’âge de 94 ans.
«Fidèle aux orientations de Vatican II et de Medellín, Guy Boulanger tire les conséquences logiques de l’ouverture au monde d’une Église qui se veut solidaire des peines et des angoisses des hommes de ce temps. D’un commun accord, ses camarades et lui choisissent d’exercer leur ministère à partir de l’option pour les pauvres qui ne doit être ni désincarnée, ni charitable», ajoute le théologien Yves Carrier dans son livre Théologie pratique de libération au Chili de Salvador Allende, Une expérience d’insertion en milieu ouvrier (L’Harmattan, 2013).
«Guy Boulanger était un grand pédagogue», raconte Yves Carrier. «Un pédagogue dans le sens évangélique, car il voyait le potentiel de chaque individu et l’amenait à se dépasser. Il a même écrit une méthode pédagogique pour que les jeunes découvrent par eux-mêmes comment orienter leur vie et y donner du sens», ajoute Yves Carrier qui rappelle que Guy Boulanger, revenu au Québec, a participé à la fondation du Centre Jacques-Cartier, un organisme-jeunesse, du Carrefour de pastorale en monde ouvrier (CAPMO), et du groupe d’entraide internationale Spirale qui organise des stages de solidarité au Nicaragua.
Malgré ses réalisations, «c’était un homme très humble», ajoute Yves Carrier, aujourd’hui le coordonnateur du CAPMO (devenu le Carrefour d’animation et de participation pour un monde ouvert).
«Ce n’était pas une vedette, on ne le retrouvait pas sur les tribunes et il n’écrivait pas dans les journaux. Il travaillait en usine, il voulait se mêler à la masse et il prenait la défense des travailleurs. Il ne disait pas qu’il était prêtre. Mais les gens le devinaient assez rapidement.»
Ordonné prêtre en septembre 1952, Guy Boulanger fut missionnaire et prêtre-ouvrier au Chili de 1954 à 1973. Il quitta ce pays, tout juste «une semaine après le coup d’État du général Pinochet», raconte Yves Carrier. «Il y avait des descentes des militaires dans les résidences des prêtres-ouvriers, dont la sienne.» Des leaders syndicalistes et des prêtres, rappelle-t-il, ont été incarcérés et assassinés après le renversement du gouvernement de Salvador Allende par les militaires.
Le missionnaire oblat revient dans la région de Saint-Jérôme et travaille dans une usine de fabrication de panneaux de contreplaqué. «Après cinq années, il a dû cesser à cause de maux de dos». Il décide de retourner au Sud, au Nicaragua plus précisément. Il y resta jusqu’en 1985.
Guy Boulanger s’est toujours engagé auprès de la Jeunesse ouvrière catholique, la JOC, un organisme lancé en Belgique mais présent au Québec grâce à l’oblat Henri Roy. «Il a débuté avec la JOC dès sa jeunesse. Jusqu’à l’âge de 90 ans, il sera actif», ajoute Yves Carrier qui raconte avoir accompagné Guy Boulanger lors d’un voyage au Chili en 2010. «Les jeunes de la JOC qu’il a connus dans les années 1960, dorénavant des retraités, lui ont organisé toute une fête.»
«Il ne parlait pas beaucoup de Jésus, mais Guy Boulanger voyait l’essence divine dans chaque personne», reconnaît son biographe.
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