Lundi matin, au tout début de sa journée de travail, Sheila Woodhouse, la directrice générale de la Communauté Nazareth de Montréal, a lu un courriel que venait de lui acheminer l’abbé John Emmett Walsh, président honoraire, «à vie» précise-t-elle, de cet organisme qui offre un refuge à des hommes et à des femmes ayant des problèmes de santé mentale et qui sont sans-abris.
Dans ce courriel envoyé «tout juste avant qu’il ne décède», l’abbé John Emmett Walsh l’informait «qu’un bâtiment était libre sur la rue Saint-Marc et qu’on devrait l’acquérir afin d’ouvrir une nouvelle résidence».
«Il n’arrêtait tout simplement jamais», dit-elle de ce prêtre, «un mentor et un ami» qu’elle connaît depuis 30 ans et qui est décédé subitement le lundi 9 novembre, terrassé par une crise cardiaque. «Cet homme pouvait fréquenter des dignitaires, il a rencontré le dalaï-lama, il a reçu l’Ordre du Canada. Mais il était surtout heureux quand il venait s’asseoir et discuter avec les résidents de nos maisons», ajoute-t-elle. «Il manifestait un véritable intérêt pour chaque personne qu’il rencontrait.»
Quelques jours avant son décès subit, la Communauté Nazareth avait organisé une collecte de fonds virtuelle pour la John’s House, un refuge nommé en son honneur et qui accueillera des jeunes adultes (25-35 ans), précise Sheila Woodhouse. Durant cette collecte de fonds, à laquelle il a participé de sa propre résidence, on a rendu hommage à l’abbé Walsh, «une force majeure de notre communauté».
«Le diocèse de Montréal perd un grand prêtre et un grand homme», a indiqué Christian Lépine, l’archevêque de Montréal, en annonçant son décès à l’âge de 78 ans. «John Emmett Walsh a été un acteur fidèle de tous les dialogues, entre les chrétiens de différentes confessions, entre les chrétiens et les juifs, œuvrant avec cœur dans le dialogue interreligieux.»
L’abbé Walsh était aussi membre du conseil d’administration du Centre canadien d’œcuménisme (CCO). «Son action a toujours visé à favoriser les rapprochements entre toutes les personnes croyant en Dieu, quel que soit le chemin religieux auquel ces personnes adhèrent», a indiqué Paul Paradis, actuel président du conseil d’administration du CCO.
Un ami précieux
«C’était un homme au si grand cœur», dit d’abord Lisa Grushcow au téléphone, avant de prendre une longue pause, visiblement ébranlée par la nouvelle du décès de ce prêtre montréalais. «Il a accompli un travail remarquable dans le dossier des relations interreligieuses. C’était un grand ami de la communauté juive. Il a plusieurs fois pris la parole à notre synagogue», dit la rabbin du Temple Emanu-El-Beth Sholom de Montréal.
«Il était aimé par tout le monde, qu’ils soient chrétiens, juifs ou même athées», dit-elle. «Il avait un grand sens de l’humour. Il a travaillé très fort à l’amélioration de notre ville et de sa population, en particulier pour les gens sans-abris. Il voyait constamment l’humanité des personnes qu’il rencontrait.»
«Nous sommes devenus amis un peu après mon arrivée comme rabbin. Pour plusieurs, cela peut sembler inusité cette amitié entre un prêtre catholique et une rabbin. Mais c’est l’une des personnes les plus ouvertes que j’aie connues de toute ma vie.»
«Il va tous nous manquer. Il va vraiment me manquer», lance la rabbin Lisa Grushcow, la voie étouffée.
Un homme de relations
«C’est à un très grand homme qu’on doit rendre hommage aujourd’hui», ajoute Brian McDonough, professeur invité à l’Université Concordia et ex-directeur de l’Office de la pastorale sociale de l’archidiocèse de Montréal.
«Un vrai leader, parfaitement bilingue» et un homme infatigable, malgré son âge. C’est là qu’il révèle que l’abbé Walsh est décédé tout juste avant d’achever son doctorat en études théologiques à l’Université Concordia.
«Il faut saluer l’apport considérable qu’il a apporté à l’Église de Montréal mais aussi à celle de Saint-Jean-Longueuil», où il a aussi occupé diverses fonctions, rappelle-t-il.
M. McDonough définit ce prêtre comme un homme de relations, toujours soucieux, sa vie durant, de développer des liens très profonds avec les personnes et les groupes de différents horizons qu’il côtoie.
S’il mentionne lui aussi ses engagements auprès des sans-abris et de la communauté juive. il rappelle qu’il a tenu «à développer des relations harmonieuses avec la communauté musulmane de Montréal».
«Et on doit reconnaître son leadership dans les relations avec les communautés autochtones, notamment la communauté Mohawk de Kahnawake», à laquelle il était très attaché.
En 2016, l’abbé Walsh a publié God is calling, don’t leave him on hold: my fifty years as a roman catholic priest aux éditions Scribe Ink.
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