La théologienne Marie Gratton Boucher est décédée le lundi 14 mai, en soirée, à la Maison Aube-Lumière de Sherbrooke, une résidence de soins palliatifs, a confirmé Jean Desclos, professeur associé à la Faculté de théologie, d’éthique et de philosophie de l’Université de Sherbrooke et actuel modérateur de la communauté Saint-Charles-Garnier de Sherbooke.
L’abbé Desclos a visité une dernière fois sa collègue vendredi à la Maison Aube-Lumière, une résidence où, a-t-il fait observer, madame Gratton Boucher a longtemps fait du bénévolat auprès des personnes en fin de vie. «Nous étions de vieux complices», dit-il. Il note combien son départ fut rapide alors qu’elle a reçu un diagnostic de cancer il y a un mois.
Une spécialiste de Marie (mariologie), de la théologie féministe et de la théologie du salut (sotériologie), Marie Gratton Boucher a notamment publié de nombreux articles sur la situation des femmes dans l’Église.
«Même si Marie était une femme ouverte sur énormément de problématiques et de questions, il reste que la cause des femmes a été majeure dans sa vie», explique la théologienne Louise Melançon, sa collègue à l’Université de Sherbrooke ainsi qu’au sein du collectif L’autre Parole, un regroupement de chrétiennes féministes.
«Marie m’a dit que l’inégalité des femmes dans l’Église a été sa grande motivation pour venir étudier en théologie», ajoute la professeure titulaire à la défunte Faculté de théologie.
Dans le livre En quoi l’Église doit-elle changer? (Fides), Marie Gratton Boucher est interrogée par Jean-Paul Lefebvre et lui confie que «le fossé qui s’est creusé entre l’Église et la société contemporaine serait plus facilement comblé si les femmes pouvaient y devenir des partenaires à part entière».
«Aucune société, quelle qu’elle soit, ne peut se priver de la richesse et de l’intelligence de la moitié de ses membres. Les femmes ne sont pas dans l’Église seulement pour les tâches ancillaires: repasser les nappes d’autel et s’occuper des fleurs! L’engagement des femmes dans la réflexion doit soutenir l’implication d’autres femmes dans les multiples tâches pastorales où elles sont déjà impliquées en si grand nombre qu’elles forment souvent la majorité des agents de pastorale», poursuivait-elle dans ce livre publié en 1994.
«Elle était audacieuse, dérangeante, elle prenait la parole pour dénoncer, bousculer un peu, ramener à l’essentiel. Elle avait un côté prophète», ajoute l’abbé Jean Desclos.
Dans la revue Relations, Marie Gratton Boucher publie, en 1986, soit quelques années après avoir pris sa retraite de l’enseignement, une émouvante «Lettre à mes filles».
«Vous me voyez depuis longtemps m’éreinter à faire fleurir une graine chétive que j’appelle justice et égalité pour les femmes dans l’Église. Vous souhaiteriez, je pense, me voir cultiver un autre jardin, promis à des récoltes plus abondantes et moins tardives. Comme tant d’autres, vous jugez ce combat sinon inutile, du moins un peu dépassé.»
«II est bon d’être dépassée», écrit-elle. «Comment autrement mesurerait-on l’amplitude de l’horizon qui s’offre à l’exploration et à la conquête si personne, jamais, ne prenait devant soi une ou plusieurs longueurs d’avance? Où trouverait-on le goût et la force d’avancer si, au moment où la fatigue tenaille et où le souffle se fait plus court, une alliée plus rapide, plus alerte, moins usée par la course, moins préoccupée par le nombre des obstacles et l’éloignement du but, ne venait pas, en nous dépassant, nous couper un peu le vent et nous redonner un nouvel élan?»
Les détails des funérailles de Marie Gratton Boucher ne sont pas encore connus.