Spécialiste de l’histoire du catholicisme québécois des 18e et 19e siècles, Lucien Lemieux est décédé le samedi 8 août 2020 à la maison de soins palliatifs Victor-Gadbois de Saint-Mathieu-de-Beloeil. Il était âgé de 86 ans.
Ordonné en juin 1958, l’abbé Lemieux a été professeur à la Faculté de théologie de l’Université de Montréal en plus d’occuper diverses fonctions dans le diocèse de Saint-Jean-Longueuil. Il a rédigé plusieurs livres et articles sur l’histoire religieuse du Québec.
Louis Rousseau, professeur émérite au département de sciences des religions de l’UQAM, était bien peiné d’apprendre le décès de celui qui a été, il y a 50 ans, son professeur à l’Institut supérieur de sciences religieuses de l’Université de Montréal et son directeur de thèse. «Nous avons travaillé ensemble durant cinq ans. Il a dirigé ma recherche doctorale qui portait sur la prédication montréalaise de 1800-1830.»
L’ouvrage qui a assuré la crédibilité de Lucien Lemieux comme historien est sans contredit L’établissement de la première province ecclésiastique au Canada 1783-1844, publié par Fides, estime Louis Rousseau. «C’est une étude très méticuleuse sur l’organisation de l’Église catholique sous le régime anglais, une recherche que personne n’avait encore réalisée. Il est même allé fouiller dans les archives britanniques. Il a accompli là un travail irréprochable.»
L’historien Lucien Lemieux, reconnu pour sa grande rigueur intellectuelle, ne lançait aucune affirmation «s’il ne pouvait la démontrer par des documents», ajoute-t-il. «Lorsqu’il a dirigé ma thèse, il m’a toujours laissé libre de mon sujet mais il a su imposer de la rigueur dans ma démarche, J’admire, encore aujourd’hui, le détachement que cet érudit a eu à mon égard. Il savait accompagner tout en protégeant notre liberté.»
Saint-Jean-Longueuil
Aujourd’hui responsable du Service des ressources humaines et de l’Institut de formation théologique et pastorale du diocèse de Saint-Jean-Longueuil, Yvon Métras a été, il y a une dizaine d’années, éditeur chez Novalis. «J’ai eu la joie de travailler avec Lucien Lemieux pour la publication de son dernier ouvrage, Une histoire religieuse du Québec.» L’historien s’intéressait, cette fois, à l’histoire et au développement des diverses religions et Églises au Québec ainsi qu’aux spiritualités amérindiennes.
C’est dans l’introduction de ce bouquin qu’il confiait que si «le souci d’objectivité en histoire est primordial, l’interprétation fait aussi partie de cette science.» Pour lui, «l’histoire est le résultat de l’effort par lequel l’historienne ou l’historien établit un rapport entre le passé évoqué et le présent qui est sien, sans que ne soit exclue une perspective d’avenir.»
Cette perspective d’avenir, Lucien Lemieux en était habité, tout particulièrement dans son travail au sein du diocèse de Saint-Jean-Longueuil, explique Yvon Métras. «L’historien était aussi un pasteur qui avait des convictions profondes sur la place des hommes, des femmes et des laïcs dans l’Église. Il aura été un mentor pour plusieurs laïcs mais aussi pour des prêtres car il a été responsable de la formation des futurs prêtres.»
Au diocèse, les gens l’ont toujours considéré «comme une personne capable de stimuler les idées et l’action».
«Il avait à la fois ce côté réflexif, qu’on aimait beaucoup chez lui, et ce côté très pratique.» À la paroisse de Saint-Lambert, où il a été pasteur et où Yvon Métras était membre du Conseil d’orientation pastorale, «il cherchait toujours à voir comment ce qui se passait sur le terrain pouvait être interpelant pour la vie communautaire et la vie paroissiale».
Il rappelle aussi que Lucien Lemieux, un prêtre avant-gardiste, a été très actif au sein du Forum André-Naud, un «lieu d’échanges et de discussion pour faire évoluer la pensée de l’Église». En 2006, il était l’un des prêtres qui signaient une percutante lettre ouverte dans La Presse. Les signataires, parmi lesquels on trouvait Raymond Gravel, un prêtre de Joliette qui sera élu quelques mois plus tard à la Chambre des communes, confrontaient les évêques québécois sur leur vision du mariage entre conjoints de même sexe et sur le refus de l’Église d’ordonner des prêtres homosexuels.
Plus récemment, Lucien Lemieux signait la préface du nouveau livre du chroniqueur religieux Alain Pronkin, Le plus grand secret du Vatican. Crimes sexuels et Église (Fides, juin 2020). Son tout dernier paragraphe invite les lecteurs et les lectrice à «[refonder] l’Église catholique romaine de fond en comble en union œcuménique et de façon interreligieuse».
«Historiquement, les réformes en Église sont toujours venues de son terroir», affirme l’historien. «Ne comptons pas sur le Vatican. Le pape François a fait son possible, mais son successeur poursuivra-t-il les mêmes orientations? Remarquons plutôt où l’Église essaie de renaître ici et là, à la base; des personnes baptisées, femmes et hommes, se nourrissent de l’Évangile de Jésus en s’engageant concrètement dans leurs divers milieux d’appartenance.»
Les funérailles, présidées par Mgr Claude Hamelin, évêque de Saint-Jean-Longueuil, auront lieu le samedi 29 août à 14 h à l’église Saint-Rémi.
D’autres informations concernant les lieux et horaires de l’exposition ainsi que le nombre de personnes pouvant être accueillies dans l’église seront communiquées bientôt.
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