Le docteur Victor Goldbloom, ancien ministre québécois et pionnier du dialogue judéo-chrétien au Canada, est décédé la nuit dernière à l’âge de 92 ans. L’annonce de son décès a suscité une vive émotion chez plusieurs de ses collaborateurs.
Le parcours de Victor Goldbloom est pour le moins exceptionnel. Né en 1923 à Montréal, il complète ses études en médecine à l’Université McGill, où il enseigne également la pédiatrie pendant quelques années. En 1970, élu à l’Assemblée nationale sous la bannière libérale, il devient le premier juif à devenir ministre, alors qu’on lui confie le ministère de l’Environnement nouvellement créé. Après sa carrière de député qu’il met derrière lui en 1979, il préside notamment le Bureau des audiences publiques sur l’environnement (1987-1990) et devient commissaire aux langues officielles (1991-1999).
Cet officier de l’Ordre national du Canada (1983) et de l’Ordre national du Québec (1991) laisse une marque profonde sur la communauté juive québécoise et canadienne, au sein de laquelle il s’implique pendant de nombreuses années. Au fil des ans, il joue des rôles importants pour le Congrès juif québécois, le Dialogue judéo-chrétien de Montréal et le Centre canadien d’œcuménisme. Il était également membre du nouveau dialogue national entre les juifs et les catholiques instauré l’automne dernier.
Son apport au dialogue entre les juifs et les chrétiens est reconnu jusqu’à Rome, qui en fait un chevalier de l’Ordre de Saint-Sylvestre en 2012.
Émotion vive au Centre consultatif des relations juives et israéliennes
«Je suis sous le choc », a réagi mardi matin David Ouellette, directeur associé aux affaires publiques du Centre consultatif des relations juives et israéliennes (CIJA), qui a salué en Victor Goldbloom un « bâtisseur ».
«L’œuvre de sa vie, c’est qu’il y ait un dialogue, une rencontre et une meilleure entente entre juifs et non-juifs. C’était le sens de son engagement politique, social et civique», fait valoir M. Ouellette.
Sa collègue, Eta Yudin, a côtoyé le docteur Goldbloom au cours des vingt dernières années. «Je peux dire que c’était plutôt fascinant de voir que c’était une personne qui ne disait jamais non à la communauté. Il se lançait avec énergie, temps et générosité pour représenter la communauté juive et contribuer à l’ensemble de la société», confie la directrice associée aux affaires publiques et relations avec la communauté juive chez CIJA.
Dialogue judéo-chrétien de Montréal
Myriam Azogui-Halbwax le voyait souvent aux rencontres du Dialogue judéo-chrétien de Montréal. Celle qui agit comme directrice associée, relations communautaires et universitaires chez CIJA se dit personnellement affectée par la perte de cet homme «d’une grande élégance, avec un français extraordinaire» qui lui a ouvert des portes lorsqu’elle est arrivée de France il y a onze ans. Il y a une semaine à peine, elle assistait d’ailleurs à une rencontre du Dialogue judéo-chrétien de Montréal en sa compagnie.
«Je suis peinée à double titre, ajoute-t-elle. Pour moi-même et pour la communauté, on perd tous quelqu’un d’important. C’était un mentor, un protecteur. Des leaders de cette trempe, il n’y en a pas des tonnes!»
«Il a investi sa vie à la frontière du dialogue»
De son côté, l’archevêque catholique romain de Montréal, Mgr Christian Lépine, assure que Victor Goldbloom lui manquera, alors qu’il a eu l’occasion de le côtoyer davantage au cours dernières années.
«C’était un homme de dialogue. Sa rencontre avec l’autre était authentique. Sa vie même était un appel à la rencontre sereine et pacifique», dit Mgr Lépine. «Il a investi sa vie à la frontière du dialogue.»
La directrice du Centre canadien d’œcuménisme, dont Victor Goldbloom était membre du conseil d’administration, était émue aux larmes en apprenant la nouvelle du décès. «Je lui ai parlé il y a deux jours…» murmure Adriana Bara. «J’étais bonne amie avec lui. Ce matin je pleurais comme une enfant. Il était l’âme du Dialogue judéo-chrétien de Montréal. Il va nous manquer beaucoup, beaucoup», confie-t-elle.
Avec le cardinal Paul-Émile Léger
Par ailleurs, le docteur Victor Golbloom a participé à la direction bénévole de plusieurs organismes culturels, œcuménique et sociaux. Il était l’un des membres fondateurs de la Fondation Jules et Paul-Émile Léger.
«Il a toujours été très présent au travail de la Fondation depuis 1981», reconnaît Lucie Lauzon, aujourd’hui directrice des programmes au Québec pour L’Oeuvre Léger. L’organisme regroupe depuis 2008 la Fondation Jules et Paul-Émile Léger ainsi que ses filiales actives au Québec et dans les pays pauvres.
Lucie Lauzon, qui travaille à L’Oeuvre Léger depuis 45 ans, rappelle qu’en 1972, le docteur Goldbloom s’est rendu à Yaoundé, au Cameroun, pour l’inauguration du centre de réadaptation pour handicapés mis sur pied par le cardinal Paul-Émile Léger, ex-archevêque de Montréal. «C’était un grand ami du cardinal», dit-elle.
Avec émotion, elle lit un texte rédigé par Victor Goldbloom sur son engagement à la Fondation Jules et Paul-Émile Léger, une «fondation [qui] s’occupe des être humains, sans distinction de langues, de races ou de religions». Il écrit aussi y avoir «rencontré des gens dévoués qui avaient pour le cardinal la même admiration que moi».
«C’était une personne très humaine, humble, qui privilégiait toujours le dialogue. Quand on avait des divergences d’opinion, c’est le docteur Goldbloom qui parvenait à rallier tout le monde», souligne-t-elle.
«Je suis très touchée par son décès. C’est une personne que j’admirais beaucoup, confie Lucie Lauzon. «Ici, on est tous sous le choc.»
Avec la collaboration de François Gloutnay