L’archevêché de Montréal, qui annonçait le mercredi 27 mars 2019 la tenue d’une enquête externe sur les allégations d’abus sexuel de mineurs de l’ensemble du personnel clérical et laïc de l’archidiocèse depuis 1950, est aujourd’hui visé par une demande de recours collectif.
Le cabinet d’avocats spécialisé dans les dossiers d’abus d’autorité et d’agressions sexuelles, Arsenault Dufresne Wee Avocats, a déposé aujourd’hui une demande afin que soit autorisé un recours collectif au nom de «toutes les personnes ayant été agressées sexuellement, de même que leurs héritiers et ayants droit, ayant été agressées sexuellement, au Québec, par tout préposé de la Corporation archiépiscopale catholique romaine de Montréal ou de l’Archevêque catholique romain de Montréal, durant la période comprise entre 1940 et aujourd’hui.»
La requête déposée à la Cour supérieure s’intéresse tout particulièrement aux victimes de l’abbé Brian Boucher, en poste «dans dix églises montréalaises entre 1985 et 2015 ainsi que dans différentes églises à Dorval et Senneville, en plus d’être aumônier à l’Université McGill».
L’homme qui demande à représenter tout le groupe des victimes est aujourd’hui âgé de 33 ans. Lorsqu’il était âgé entre 10 et 13 ans, il a été agressé par Brian Boucher, alors curé de la paroisse St. John Brébeuf de Ville Lasalle. C’est en 2016 que la victime a porté plainte aux policiers. Elle estime que le prêtre aurait fait deux autres victimes.
L’abbé Boucher sera arrêté puis accusé, en 2017, d’avoir commis des agressions sexuelles contre deux mineurs. En mars 2019, il sera condamné à huit années de prison.
«La famille du demandeur avait une confiance absolue en l’abbé Boucher et aux autorités religieuses en général», indique la requête.
Le plaignant réclame une somme de 600 000 $ à titre de dommages moraux et punitifs.
Selon la requête, les autorités religieuses catholiques montréalaises, depuis 1940, auraient «omis d’instaurer des politiques et mesures de sécurité ou de surveillance pour que ses préposés ne commettent pas d’agressions sexuelles». Elle auraient «préféré la culture du silence».
Par voie de communiqué, l’archevêché a indiqué qu’il «condamne vigoureusement tous les actes inappropriés affectant tant les mineurs que les adultes». Il rappelle qu’il a été «proactif dans la dénonciation des actes commis par Brian Boucher» et que, depuis juin 2018, il s’est doté d’une Politique de pastorale responsable afin de prévenir tout forme d’abus, notamment par la vérification des antécédents de tout bénévole, employé ou prêtre qui doit accompagner des enfants ou des personnes vulnérables.
«L’archidiocèse de Montréal tient à assurer tant aux catholiques qu’au public en général que les plaintes relatives à toute forme d’abus dans l’Église sont prises extrêmement au sérieux», indique le communiqué.
Retarder la démarche judiciaire
Pourquoi ne pas avoir attendu les résultats de l’enquête commandée par Mgr Christian Lépine avant de déposer cette demande en autorisation de recours collectif?
«Disons d’abord, explique Me Alain Arsenault, l’avocat de la victime, que nous avons rencontré notre client avant l’annonce faite la semaine dernière par l’archidiocèse de Montréal.»
Ensuite, il rappelle aussi que Mgr Lépine a bien précisé que l’audit externe serait notamment statistique. «Les noms [des victimes et des abuseurs] ne seront pas connus.»
Puis il y a la «question de la prescription» des faits. Dans deux ans, des victimes pourraient bien ne plus être en mesure de poursuivre leur agresseur. «On ne peut pas attendre éternellement dans l’état de notre droit actuel», ajoute Me Arsenault, qui estime que «cela pourrait éventuellement changer».
L’avocat répète qu’«il n’y avait rien, dans l’annonce de Mgr Lépine, qui pouvait nous inciter à retarder notre démarche».
Combien de victimes?
Il est aussi présomptueux à ce moment-ci de quantifier le nombre de victimes qui pourraient se manifester si le recours collectif était autorisé par la Cour supérieure, indique Me Arsenault.
Il rappelle que plus de 200 victimes, élèves dans seulement trois collèges, ont été indemnisées dans le premier recours collectif contre la Congrégation de Sainte-Croix, un dossier qu’il a piloté.
«À Montréal, il y a eu un moment jusqu’à 250 paroisses et donc beaucoup plus de prêtres que de pères de Sainte-Croix», fait-il observer. «On pourrait penser qu’il y aura plus de 200 victimes. Mais je serais bien embêté d’avancer un nombre exact.»
«Quiconque le ferait serait un grand devin ou un fieffé menteur».