Quatre cardinaux affirment avoir fait parvenir une lettre au pape François afin de lui demander de clarifier sa pensée en ce qui a trait à l’accès des divorcés et remariés à l’eucharistie. N’ayant pas eu de réponse à leur supplique, après deux mois d’attente, les prélats ont partagé cette lettre avec les médias, le 14 novembre.
«Nous avons observé une grande désorientation et une grande confusion de la part des fidèles en ce qui concerne certaines questions cruciales pour la vie de l’Église», affirment les cardinaux dans leur missive. «Les membres du collège des évêques arrivent d’ailleurs à des interprétations très contrastées du chapitre 8 d’Amoris laetitia».
Rappelons que ce huitième chapitre de l’exhortation apostolique du pape sur le mariage et la famille se penche sur l’attitude pastorale à adopter à l’égard des divorcés et remariés.
Cette lettre est signée par le cardinal allemand Walter Brandmüller, ex-président du Comité pontifical sur les sciences historiques, le cardinal américain Raymond Burke, actuel patron de l’Ordre de Malte, le cardinal italien Carlo Caffarra, archevêque émérite de Bologne, et le cardinal allemand Joachim Meisner, archevêque émérite de Cologne.
Ces cardinaux ont tenu à justifier leur décision de rendre publique cette lettre destinée au pape François. «Le Saint-Père a pris la décision de ne pas répondre [à notre missive]. Nous avons interprété sa décision souveraine comme une invitation à poursuivre la réflexion et la discussion [sur ces enjeux], de manière calme et respectueuse. Nous désirons donc faire connaître notre initiative à l’ensemble peuple de Dieu, et partager avec lui toute la documentation [pertinente]», affirment les cardinaux.
Dans La joie de l’amour, le pape François réitère notamment l’enseignement traditionnel de l’Église sur l’indissolubilité du mariage. Il invite cependant les pasteurs à tenir compte de la pluralité des situations auxquelles sont confrontées les couples. Il ne promulgue pas de nouvelles règles relatives à l’accueil pastoral des personnes divorcées ou mariées civilement, préférant faire appel au discernement pastoral des ministres du culte, lesquels peuvent déterminer, au cas par cas, de quelle manière ces personnes pourront de nouveau accéder aux sacrements.
Appel à Familiaris consortio
Les cardinaux dissidents appuient leur raisonnement sur l’exhortation apostolique Familiaris consortio de Jean-Paul II, publiée en 1981, et dans laquelle le pontife polonais défend la pratique ecclésiale voulant qu’on refuse d’«admettre à la communion eucharistique les divorcés remariés» car «leur état et leur condition de vie est en contradiction objective avec la communion d’amour entre le Christ et l’Église, telle qu’elle s’exprime et est rendue présente dans l’Eucharistie».
Aux yeux de Jean-Paul II, les divorcés remariés ne sauraient recevoir l’absolution et être admis à la communion, sauf s’ils retournent vivre avec leur conjoint, honorant ainsi la validité sacramentelle de leur mariage. Les divorcés n’étant pas en mesure de vivre sous le même toit doivent «prendre l’engagement de vivre en complète continence» et à vivre comme «des frères et des sœurs» afin de ne pas être un sujet de scandale pour autrui.
Dans la note explicative qui accompagne leur lettre, les quatre cardinaux critiquent la décision prise par le pape François. En modifiant les règles qui balisent l’accès des divorcés et remariés à l’eucharistie, le pape transforme l’enseignement de l’Église sur le mariage, la sexualité et la nature des sacrements, disent-ils.
Selon eux, les assouplissements mis de l’avant dans le chapitre 8 de La joie de l’amour auront pour effet de laisser croire que les «personnes non mariées peuvent dans certaines circonstances s’adonner en toute légitimité à des actes sexuels», que «les divorcés et remariés sont légitimement des époux et leurs actes sexuels sont licitement des actes conjugaux», que «le fidèle peut s’approcher de la table eucharistique même s’il a conscience d’être en état de péché grave» et que «l’intention de changer de vie n’est pas toujours nécessaire pour recevoir l’absolution dans le sacrement de la réconciliation».
Les bémols du pape
Questionné sur la pluralité des interprétations pouvant être données à son exhortation apostolique, le pape François demandé aux journalistes de questionner plutôt le cardinal Christoph Schönborn. C’est en effet l’archevêque de Vienne qui a présenté La joie de l’amour aux médias, peu après sa publication, en avril dernier.
Le cardinal Schönborn était alors formel sur la question des divorcés et remariés: personne «n’a le droit de recevoir l’eucharistie lorsqu’elle est objectivement en état de péché». C’est pour cette raison que le pape a refusé de dédouaner les divorcés et remariés de toute responsabilité morale et qu’il a sommé ceux-ci de se soumettre à un parcours de discernement et de repentance, sous la direction d’un prêtre.
Ce discernement, dit François, doit tenir compte des circonstances qui ont pu «supprimer ou atténuer l’imputabilité» des personnes dont le mariage s’est soldé par un échec. Ces divorcés et remariés doivent cependant se soumettre à un parcours pénitentiel.
Aux yeux du cardinal Schönborn, les divorcés et remariés n’ont pas encore atteint «l’idéal objectif» prêché par l’Évangile. Cela dit, il importe que les pasteurs accompagnent ces couples afin qu’ils puissent se rapprocher le plus possible de la «perfection évangélique».
Cindy Wooden, Catholic News Service
Trad. et adapt. F. Barriault, pour Présence