Les diocèses du Québec semblent peu enclins à suivre le mouvement de retenue des dons envers l’organisme catholique Développement et Paix. Au contraire, plusieurs diocèses et évêques ont plutôt réitéré le 11 avril leur soutien et leur confiance envers le membre canadien de Caritas Internationalis.
Au cours des derniers jours, certains diocèses canadiens ont annoncé leur intention de retenir les dons de leurs fidèles destinés à l’organisme de développement international lié à la Conférence des évêques catholiques du Canada (CECC). D’abord initié par des évêques albertains la semaine dernière, le mouvement a été rejoint le 11 avril par les archidiocèses de Toronto et de Vancouver.
Ces diocèses justifient leur décision en faisant état de données préliminaires «alarmantes» concernant une quarantaine de partenaires de Développement et Paix, qui ne respecteraient pas les «enseignements» du magistère catholique, notamment en matière de morale sexuelle.
Les données évoquées émanent d’un travail de révision des partenaires de l’organisme actuellement mené conjointement par Développement et Paix et la conférence épiscopale canadienne. Ce processus – pour l’instant basé sur des recherches réalisées sur Internet et non sur le terrain – vise à scruter à quel point ces partenaires internationaux ont des actions en accord avec la doctrine catholique. Un rapport final et complet sera produit ultérieurement.
Depuis au moins une décennie, la CECC et Développement et Paix sont régulièrement dans le collimateur de lobbys pro-vie, qui exercent parfois des pressions considérables sur l’épiscopat afin d’éviter que des dons effectués par des catholiques canadiens ne parviennent à des organismes qui soutiendraient l’avortement, les droits des personnes LGBTQ+, la promotion de moyens de contraception non naturels, etc.
«Il est essentiel de soutenir Développement et Paix»
Pour le président de l’Assemblée des évêques catholiques du Québec (AECQ), Mgr Noël Simard, le processus de révision est une «démarche nécessaire» qui doit permettre à l’épiscopat d’être «proactif» et d’éviter de «toujours avoir à réagir aux interventions de groupes comme LifeSiteNews», l’un des lobbys pro-vie les plus actifs.
L’évêque de Valleyfield, qui est également membre du comité permanent de la CECC pour Développement et Paix, confirme que l’organisme a fait partie des sujets évoqués lors de la dernière assemblée plénière de l’AECQ, au début du mois de mars. Le sujet a été abordé à l’occasion de la visite du secrétaire général de la CECC, Mgr Frank Leo, celui-là même qui avait envoyé les informations préliminaires à l’épiscopat canadien.
«Avec ce qui a été dit, nous [ndlr: les évêques du Québec] sommes d’avis qu’il faut soutenir Développement et Paix», indique Mgr Simard. «Oui, bien sûr, il y a cette enquête. Mais c’est un fleuron de l’Église qui donne une crédibilité quand on parle de pastorale sociale. Ça ne veut pas dire qu’il n’y a pas parfois de correctif à apporter ou de travail à faire pour une plus grande transparence, mais nous nous sommes dit qu’il est essentiel de soutenir Développement et Paix.»
L’an dernier, le diocèse de Valleyfield a donné 13 377 $ à Développement et Paix. Mgr Simard affirme qu’il n’est pas question de retenir les dons amassés en 2018, à l’occasion de la traditionnelle campagne Carême de partage. «L’argent ne sera pas retenu. Il sera envoyé à Développement et Paix», a confirmé l’évêque.
Attendre le rapport
Dans l’archidiocèse de Québec, les dons sont acheminés directement des paroisses à Développement et Paix, sans passer par les autorités diocésaines, explique le directeur des communications, Jasmin Lemieux-Lefebvre, affirmant ainsi que la question de retenir ou non les dons à l’organisme ne se pose pas.
«Le cardinal respecte la décision de ses frères évêques qui ont choisi de retenir les fonds, mais il attend vraiment le rapport officiel de la CECC avant de faire d’autres observations», dit M. Lemieux-Lefebvre.
D’ici là, il soutient que le cardinal Gérald Lacroix appuie la mission de Caritas et de Développement et Paix, «et rappelle sa confiance que l’organisme évalue régulièrement ses organisations partenaires pour s’assurer qu’elles soient en cohérence avec les enseignements de l’Église».
À Québec, les bureaux de l’organisme se situent à l’intérieur des bureaux diocésains. «Ce n’est pas juste un partage de locaux, assure M. Lemieux-Lefebvre. Il y a un lien de confiance profond qui nous unit. On est allé leur rappeler notre soutien.»
L’an dernier, les dons à la Caritas canadienne en provenance de fidèles de l’archidiocèse de Québec se chiffraient à 926 127 $ pour l’année complète – c’est-à-dire du 1er septembre 2016 au 31 août 2017 – dont 295 929 $ pour la campagne Carême de partage de 2017.
Messages publics de soutien
Du côté de Nicolet, le diocèse a confirmé que les sommes recueillies cette année «ont déjà été remises» à Développement et Paix et «[qu’]elles continueront d’être acheminées à l’organisme auquel les donateurs ont réitéré leur confiance encore une fois cette année afin de bâtir un monde plus juste». Sur sa page Facebook, le diocèse a rappelé que Mgr André Gazaille a appuyé la campagne Carême de partage.
À Sainte-Anne-de-la-Pocatière, le nouvel évêque ordonné le mois dernier, a aussi affiché son soutien pour l’organisme. «Comme évêque de Sainte-Anne-de-la-Pocatière et membre de Développement et Paix, je réitère ma confiance envers cet organisme d’entraide internationale», a écrit Pierre Goudreault. « Actuellement, la Conférence épiscopale en dialogue avec Développement et Paix étudie certains correctifs à apporter si nécessaire. Les deux parties collaborent bien. Je crois que la paix et le développement passent par les chemins du dialogue et de la confiance mutuelle», a-t-il ajouté.
La directrice des communications de l’archidiocèse de Montréal a pour sa part répondu que l’archevêque Christian Lépine «respecte la décision prise par ses frères évêques» et qu’il «attend le rapport officiel de la CECC».
«Il espère que, dans l’avenir, Développement et Paix passera régulièrement en revue ses organisations partenaires pour s’assurer que leurs activités sont cohérentes avec les enseignements catholiques, entre autres en ce qui concerne le respect pour la vie», a indiqué Erika Jacinto.
Au moment de la publication de ce texte, l’archidiocèse de Montréal n’avait pas encore répondu à la question de savoir s’il entendait retenir ou non les dons à Développement et Paix.
Fondé en 1967 par la CECC, l’organisme catholique Développement et Paix compte présentement 10 000 membres au Canada. Il a travaillé l’an dernier sur plus de 200 projets de développement communautaire ou d’aide humanitaire dans 36 pays. Il compte 170 partenaires. Bon an mal an, la campagne Carême de partage rapporte plus de 8 millions $ à l’organisme.