Environ 200 personnes ont tenu à rendre hommage à Elie Wiesel mardi soir à la synagogue de la congrégation Beth Israël Beth Aaron de Côte-Saint-Luc. Mort samedi, à l’âge de 87 ans, le survivant de la Shoah de renommée mondiale et prix Nobel de la paix a consacré sa vie à combattre les génocides et les injustices.
«Nous sommes ici pour nous souvenir et pour célébrer la vie d’un véritable tzaddik (homme juste et droit, ndlr) dont la vie a symbolisé, incarné même, la conscience de l’humanité.» C’est par ces mots que l’ancien député libéral de la circonscription de Mont-Royal, Irwin Cotler, a commencé son vibrant hommage à Élie Wiesel.
Sur une note plus personnelle, il a souligné que le prix Nobel de la paix a été «son professeur, son mentor, son modèle, son inspiration et son ami. En un mot, il a été le plus remarquable des êtres humains que j’aie rencontrés et cela a été un honneur de travailler avec lui.»
Dans une entrevue accordée à Présence, la directrice du Centre commémoratif de l’Holocauste à Montréal, Alice Herscovitch, a mentionné que la mort d’Elie Wiesel «est une perte pour le monde entier parce qu’il était un symbole. Il représentait, pour les survivants, l’histoire humaine de la Shoah. De plus, c’est grâce à ses écrits et à ses multiples conférences que les gens ont appris l’horreur. Ils l’ont appris à travers ses yeux.» Mme Herscovitch croit que rien ne peut remplacer le témoignage d’une victime de la Shoah. «Ce genre de témoignage ne peut pas être remplacé par les livres d’Histoire. Ces témoignages sont essentiels à la compréhension. Ils sont aussi essentiels à l’action par la suite.»
C’est justement pour préserver l’histoire personnelle des survivants que le Centre commémoratif de l’Holocauste a entrepris la collecte de leurs témoignages. «Depuis les années 90, nous enregistrons les témoignages des survivants. Nous avons commencé à les numériser. Nous travaillons afin que le support soit toujours à jour. Nous les indexons afin qu’ils soient accessibles à la fois aux chercheurs et au grand public», a indiqué Audrey Licop, responsable des communications du Centre commémoratif de l’Holocauste à Montréal.
La lutte à l’oubli était également la grande préoccupation d’Elie Wiesel, a souligné Irwin Cotter. «Dans son livre, désormais classique, La nuit, il a écrit: «L’oubli est non seulement un danger, mais il est une offense; oublier les morts revient à les tuer une deuxième fois.»
Si le prix Nobel de la paix luttait contre l’oubli, il a aussi consacré sa vie à conscientiser l’humanité aux dangers de l’indifférence et de l’inaction devant les atrocités de masse et les persécutions contemporaines. «Wiesel m’a répété très souvent que ce qui fait que l’Holocauste et le génocide rwandais sont si horribles c’est que nous pouvions les éviter, a poursuivi Irwin Cotler. Nous savions et nous n’avons rien fait, exactement comme nous savons pour le Darfour, pour la Syrie. Comme l’a souligné si souvent Elie, être indifférents face au Mal, c’est être complices du Mal.»
Dans la synagogue, des survivants de l’Holocauste étaient venus entendre les invités. Selon Mme Herscovitch, il y a environ 3000 survivants à Montréal. «Nous avons déjà eu beaucoup, beaucoup plus que cela. C’est normal. Ils vieillissent. C’est la fin d’une époque. L’important, je le répète, c’est la diffusion du message. Voilà pourquoi je salue les professeurs qui enseignent la Shoah à leurs élèves, car cela est très difficile. Eux-mêmes ne l’ont pas nécessairement apprise en classe. Ils apprennent par eux-mêmes. Toutefois, je suis optimiste, car l’intérêt pour la Shoah augmente d’année en année. Les professeurs constatent que la haine se répète malgré nos bonnes intentions. Il y a beaucoup de travail encore à faire. Ils voient dans l’enseignement de l’Holocauste, de la Shoah, une façon d’aider les jeunes non seulement à comprendre l’histoire, mais à comprendre leur responsabilité en tant que citoyens engagés aujourd’hui.»