«Mgr [Georges] Gauthier, l’archevêque administrateur du diocèse, a présidé, ce matin, à 7 heures 30, à l’érection canonique de la nouvelle communauté de Notre-Dame-du-Bon-Conseil et à la prise d’habit des deux fondatrices, Mlle Marie Gérin-Lajoie et Mlle Gertrude Lussier.»
Dans son édition du jeudi 26 avril 1923, il y a exactement 100 ans aujourd’hui, le quotidien Le Devoir annonçait – tout en haut de sa première page et tout juste sous sa devise «Fais ce que dois!» – l’arrivée à Montréal d’une nouvelle communauté religieuse. Une cinquantaine de personnes, «dont un bon nombre de parents des deux nouvelles novices», étaient présentes dans la «modeste chapelle» aménagée «dans le parloir de la maison» de la rue Chambord. L’endroit «n’aurait pu en contenir davantage».
Près de trois mois plus tôt, c’est le quotidien La Presse qui révélait que Mgr Gauthier venait de recevoir un indult du pape Pie XI afin de permettre à Montréal «l’établissement de la congrégation de Notre-Dame-du-Bon-Conseil», une communauté qui «s’occupera d’une œuvre tout à fait nouvelle au Canada», celle des «intérêts féminins».
«Les nouvelles religieuses qui feront des études des questions sociales féminines très profondes, veilleront tout spécialement sur les jeunes filles». Le journal explique que les fondatrices «se sont préparées depuis longtemps, par des grandes études toutes spéciales, à établir cette communauté dont le besoin se fait de plus en plus sentir, surtout dans les grandes villes comme Montréal».
Clôture
Ce 26 avril 2023, les membres de l’Institut Notre-Dame du Bon-Conseil clôturent l’année de leur 100e anniversaire.
On y rappellera, lors d’une messe qui réunira une centaine de personnes dont des représentants d’organismes communautaires, qu’avant la création d’un ministère de l’Immigration, les Sœurs du Bon-Conseil «avaient mis en place une structure d’accueil pour les familles immigrantes», le Centre social d’aide aux immigrants, leur plus ancienne fondation toujours active.
On soulignera aussi qu’avant «l’avènement d’un ministère des Affaires sociales, ces sœurs venaient en aide aux familles démunies par le biais de programmes éducatifs, en plus de mettre à leur disposition des outils pour les aider à se sortir de la misère» et qu’avant la mise en place du Conseil du statut de la femme, «elles ont édifié le premier Centre social d’éducation, d’assistance et d’entraide féminine, en plus de militer pour la reconnaissance des droits des femmes».
Avant-gardistes et féministes avant l’heure, les quelque 250 femmes qui ont été membres de l’Institut Notre-Dame du Bon-Conseil depuis 100 ans, «ont toujours été à l’affût des besoins de la société, mais jamais en agissant seules, indique Gisèle Turcot, la supérieure de cette congrégation qui ne compte plus aujourd’hui que 32 membres et dont la moyenne d’âge est de 88 ans. «Notre priorité a toujours été de travailler directement dans les milieux et de donner du pouvoir aux gens, en faisant en sorte qu’ils soient parties prenantes de la solution qui les concerne.»
Alors que la congrégation menait diverses activités afin de souligner son centenaire, dont des expositions itinérantes, la création d’une sculpture de Marie Gérin-Lajoie, sa fondatrice, dans le parc Basile-Routhier, et l’octroi des premières bourses d’études Marie-Gérin-Lajoie en travail social, elle a aussi dû réfléchir à son avenir.
«La démographie aura le dernier mot», admet Gisèle Turcot. «Le vieillissement des effectifs» fait en sorte que la communauté doit envisager «le jour où on n’aura plus personne capable d’assumer des responsabilités de leadership général». La maison-mère est en vente depuis plus d’un an mais «nous prévoyons que d’ici la fin de l’année, nous n’y habiteront plus». Les religieuses ont conclu une entente avec la résidence Les Pionnières de Ville Saint-Laurent, là où résident déjà les membres de sept congrégations religieuses.
Des balados
À titre de legs de son centenaire, l’Institut a mis en ligne une série de baladodiffusions de la journaliste et réalisatrice Maude Petel-Légaré. C’est l’occasion d’y découvrir une communauté qui «a écarté de son quotidien les notions hiérarchiques typiques aux organisations religieuses et a contribué à définir la notion de travail social au Québec». La série intitulée Pionnières de l’action sociale «met en lumière une communauté discrète qui, sans fanfare, a contribué à façonner le Québec moderne», dit sa réalisatrice.
À Québec, les membres de l’Assemblée nationale ont aussi souligné le 100e anniversaire de l’Institut Notre-Dame-du-Bon-Conseil.
«Féministes, militantes engagées, les Sœurs du Bon-Conseil occupent une place unique en tant que pionnières de l’action sociale au Québec», a déclaré Manon Massé, la députée de Sainte-Marie—Saint-Jacques.
«Habitées par le désir d’une société plus juste, elles ont mis en place des structures d’accueil pour les familles les plus démunies, pour les familles immigrantes. Elles ont aussi marqué l’histoire par leur lutte féministe en édifiant le premier centre social d’éducation et d’assistance, d’entraide féminine et ainsi que mis sur pied les premières maternelles au Québec, sans parler de leur militance pour la reconnaissance des droits des femmes.»
À l’origine de ces initiatives, a reconnu la députée Massé, il y a «Marie Gérin-Lajoie, l’une des Québécoises les plus marquantes de son époque» et la première femme francophone au Québec à obtenir un baccalauréat ès arts». Cette fondatrice, a-t-elle ajouté au moment des déclarations des députés du mardi 18 avril, «s’est consacrée à mettre en place, avec sa communauté, les premiers jalons d’une action sociale structurante».
> Pionnières de l’action sociale – Une incursion inédite chez les Sœurs du Bon-Conseil de Montréal