Le document de travail remis par des évêques aux membres anglophones de Développement et Paix est différent de celui qui a été distribué à des membres francophones de l’organisme, a pu constater l’agence de presse Présence.
Au mois de septembre, la Conférence des évêques catholiques du Canada (CECC) a demandé que tous les évêques diocésains rencontrent les dirigeants locaux de l’organisme de solidarité internationale durant l’automne. Le but de cet exercice est de les informer des conclusions d’un examen organisationnel que la conférence épiscopale a commandé en mai 2019 à la firme de consultants Deloitte.
Un récent communiqué diffusé par la conférence épiscopale révélait que les évêques, lors de leur assemblée annuelle de septembre, avaient «reçu, discuté et accepté le rapport [Deloitte] et ses recommandations». Le communiqué indiquait aussi que les évêques débutaient «une période de réflexion, qui inclura des discussions et des consultations avec les membres locaux de Développement et Paix dans leurs diocèses et leurs éparchies».
Lors d’une rencontre diocésaine, un évêque francophone a remis aux membres de l’organisme un tableau de deux pages qui identifie «six thèmes pour dresser le portrait d’une situation visée désirable pour améliorer la façon dont Développement et Paix travaille avec la CECC». Le tableau formulait aussi 14 recommandations liées à la structure de l’organisme, aux critères de sélection de ses partenaires, à sa reddition de compte, à ses mécanismes de communication avec les évêques, à la gestion des crises qu’il affronte et à sa culture organisationnelle.
Le document reçu par des membres anglophones est plutôt un texte qui explique pourquoi les évêques ont mené des enquêtes sur Développement et Paix et ses partenaires. On y présente aussi un bref portrait des relations entre la CECC et Développement et Paix au cours des dernières années et on ne mentionne que trois des 14 recommandations formulées par les consultants et présentées aux membres francophones. En revanche, les trois propositions énoncées sont davantage expliquées. De plus le document anglophone évoque l’enquête sur 52 partenaires problématiques de Développement et Paix. Le document francophone est pourtant muet à ce sujet.
«En tant que pasteurs de l’Église, les évêques ont exprimé au fil des ans des préoccupations au sujet de la structure organisationnelle, de la gouvernance et des communications de Développement et Paix. En outre, ils ont soulevé des questions au cours de la dernière décennie au sujet de certains des partenaires internationaux de l’organisme, inquiets qu’ils soutiennent certaines positions incompatibles avec l’enseignement social et moral catholique», note le document anglophone.
Invitée à confirmer si les deux documents obtenus par l’agence de presse Présence étaient authentiques, la conférence épiscopale a plutôt répondu que «dans le cadre de la préparation des consultations locales, tous les évêques ont reçu des informations identiques en anglais et en français».
«Chaque évêque était alors responsable de la planification et de l’organisation des réunions dans son diocèse respectif, y compris toute information qu’il voulait discuter avec les membres locaux de Développement et Paix», a déclaré Lisa Gall, coordonnatrice des communications de la CECC. Le rapport final rédigé par les consultants et les documents à transmettre aux membres de l’organisme n’ont pas été rendus publics.
Une correction
Lisa Gall a toutefois tenu à corriger une déclaration récente de Développement et Paix au sujet du rapport Deloitte. Questionné sur les 14 recommandations formulées par les consultants, le directeur général adjoint de Développement et Paix indiquait n’avoir pas reçu le rapport de cet examen organisationnel. «Et personne à l’intérieur de Développement et Paix ne l’a», avait déclaré Romain Duguay en entrevue téléphonique le 23 octobre.
C’est faux, dit aujoud’hui la conférence épiscopale.
«La Conférence des évêques catholiques du Canada (CECC) a envoyé une copie du rapport final préparé par la firme Deloitte à Développement et Paix, et ce rapport a été livré au siège social le 16 octobre», a indiqué Lisa Gall. Le mercredi 23 octobre, le journaliste lui avait pourtant demandé si Développement et Paix avait bien reçu «une copie du rapport final du cabinet Deloitte». La CECC n’avait pas cru bon répondre, jusqu’à maintenant, à cette question ni aux autres acheminées sur le rapport Deloitte ainsi que sur l’enquête concernant les 52 partenaires de Développement et Paix.
Pourquoi Développement et Paix affirmait-il le contraire? «Au moment où je vous ai répondu [le 23 octobre], je ne savais pas si Serge Langlois [le directeur général de Développement et Paix] l’avait reçu. Je confirme que Serge l’a depuis», a indiqué Romain Duguay.
Les deux documents remis par les évêques aux membres de Développement et Paix font état de difficultés de communication entre Développement et Paix et la CECC ainsi qu’à l’intérieur de l’organisme.
Le conseil national
Enfin, les trois recommandations plus longuement expliquées dans le document anglophone sont toutes liées au conseil national de Développement et Paix, à sa composition et au nombre de réunions de ses membres.
Les consultants recommandent «de modifier les règlements généraux de Développement et Paix afin qu’une présence importante et significative (significant and meaningful) de la CECC puisse être assurée au sein de son conseil national».
«Les évêques étudient plusieurs options quant au niveau de représentation qu’ils jugent efficace et ils feront une proposition finale et concrète à cet égard au conseil national avant sa réunion de novembre 2019», ajoute-t-on.
On rappelle aussi que le conseil national, la plus haute instance de Développement et Paix, compte actuellement 21 membres. «Deloitte recommande de réduire le nombre à 12-15. Ils recommandent également de faire passer les réunions du conseil national de trois à cinq (certaines par vidéoconférence)», indique le document remis à des membres anglophones.
Dans la conclusion du document anglophone, les évêques canadiens affirment qu’ils entendent jouer dorénavant un rôle de premier plan à la direction même de l’organisme.
«Les évêques se soucient profondément du mandat et de la mission de Développement et Paix et ils apprécient les membres locaux», écrit-on. «Cependant, Deloitte a soulevé de sérieux défis au niveau organisationnel.»
«Pour s’assurer que Développement et Paix est une organisation catholique efficace de développement international et de secours d’urgence, qui engage tous les membres de l’Église, et qu’elle respecte pleinement les exigences de Caritas Internationalis [dont Développement et Paix est membre], les évêques doivent être davantage présents et doivent participer plus activement à son leadership.»
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