L’Église épiscopalienne, c’est-à-dire l’Église anglicane des États-Unis, vient d’être mise au ban par les autres primats anglicans du monde entier réunis cette semaine en Angleterre. Dans une déclaration rendue publique jeudi, les primats demandent une suspension partielle de trois ans sur certaines activités de l’Église épiscopalienne dans la Communion anglicane. Le schisme redouté n’aura pas lieu, du moins pas pour l’instant.
«C’est notre désir unanime de marcher ensemble. Cependant, compte tenu de la gravité de ces questions [ndlr: les tensions sur le mariage homosexuel], nous reconnaissons formellement cette distance [qui nous sépare] et demandons que pour une période de trois ans, l’Église épiscopalienne ne puisse plus nous représenter sur des corps œcuménique ou interreligieux, ne soit pas désignée ou élue dans un comité permanent interne et que, tout en participant aux organes internes de la Communion anglicane, elle ne puisse prendre part à aucune décision relative à la doctrine ou à l’organisation [de l’Église]», indique le communiqué.
La publication de ce communiqué est une réponse directe à des informations partielles coulées dans les médias. Les primats espèrent ainsi mettre un terme aux spéculations. Initialement, ils souhaitaient attendre vendredi pour publier ce document. Ils «regrettent» que des informations aient été dévoilées trop tôt.
Une conférence de presse est tout de même prévue vendredi pour parler de ce document qui traite essentiellement des tensions qui perdurent au sein de la Communion anglicane.
«Nous nous sommes réunis comme primats anglicans pour prier et considérer comment nous pouvons préserver notre unité dans le Christ compte tenu des profondes différences actuelles qui existent entre nous concernant notre compréhension du mariage», stipule d’entrée de jeu le document.
Il rappelle qu’une majorité des primats considère qu’un mariage ne peut avoir lieu qu’entre un homme et une femme et identifie l’Église américaine comme une source d’exacerbation des tensions.
Des tensions qui perdurent
Les 37 primats de la Communion anglicane se rencontrent pour faire le point sur l’état de l’anglicanisme et aborder certaines des épineuses questions qui les divisent. Leur dernière rencontre formelle a eu lieu il y a cinq ans, à Dublin. Dans un contexte où la Communion anglicane semble fragilisée par ses tensions internes, la rencontre revêt un caractère particulièrement important.
C’est le primat de l’Église d’Angleterre, l’archevêque de Cantorbéry Justin Welby qui, après avoir visité les diverses Églises anglicanes nationales afin d’en prendre le pouls depuis son arrivée sur le siège primatial anglais en 2013, a convoqué cette assemblée se tenant derrière des portes closes du 11 au 16 janvier. La prochaine Conférence de Lambeth prévue en 2018 est en toile de fond. Il s’agit de la plus grande rencontre mondiale dans l’anglicanisme qui ne survient qu’une fois tous les dix ans. Celle de 2008 avait été le théâtre de nombreuses tensions entre les Églises.
Parmi les thèmes abordés cette semaine, il y a certes ceux de l’environnement, de la violence religieuse et de la protection des personnes vulnérables. Mais les primats se penchent également sur plusieurs des questions qui les divisent, à savoir l’homosexualité – et plus particulièrement la bénédiction d’unions homosexuelles, voire de mariages homosexuels – et l’ordination épiscopale des femmes.
Au cours des dernières années, l’ouverture envers l’ordination d’évêques ouvertement homosexuels et la bénédiction des unions homosexuelles dans certaines Églises nationales, dont celle du Canada, a été vivement critiquée par des leaders anglicans des grandes Églises du sud. Idem pour la récente décision de l’Église d’Angleterre d’ordonner des femmes évêques.
Mais c’est l’ouverture de l’Église épiscopalienne au mariage homosexuel qui semble avoir la plus grande influence sur la rencontre des primats.
Rappelons que depuis plusieurs années, la Communion anglicane a cessé d’être une affaire de pays occidentaux: les plus grandes Églises nationales, essentiellement issues du passé colonial de la Grande Bretagne, sont aujourd’hui les plus grandes et les plus populeuses au sein de la Communion. Et ses prélats n’entendent pas s’en laisser imposer en matière de morale sexuelle.
À preuve, le primat ougandais, Mgr Stanley Ntagali, a quitté la rencontre prématurément, blâmant les Églises américaines et canadiennes pour les dommages qu’elles auraient causé à la Communion. Il souhaitait que ce soient plutôt les Églises nord-américaines qui se retirent et se repentent de leurs actions.
Tandis que plusieurs évêques africains parlent ouvertement de leur déception et de leur méfiance envers ce qu’ils considèrent comme des écarts inacceptables au sein de l’anglicanisme, l’Église épiscopalienne aux États-Unis et l’Église anglicane du Canada continuent de s’engager dans des réflexions en vue d’ouvrir la porte à des mariages homosexuels, une nouveauté sacramentelle dont les implications vont au-delà des actuelles bénédictions de couples gais déjà mariés civilement.
Loin de faire l’unanimité au sein de l’Église anglicane du Canada, la question du mariage homosexuel sera tout de même abordée dans quelques mois lors du prochain Synode général de l’Église qui doit se tenir à Toronto en juillet.
Avant de prendre l’avion pour la réunion de cette semaine en Angleterre, le primat de l’Église canadienne, Mgr Fred Hiltz, a invité les anglicans canadiens à prier pour le succès de la rencontre.
«Je prie afin que nos conversations ne soient pas submergées par la rhétorique de certains qui croient que tout [dans la Communion] est tellement fragile. Plutôt, j’espère que nous serons saisis de joie par les multiples expressions de la vitalité de la Communion et ses engagements pour la mission de Dieu […]», écrivait Mgr Hiltz.
Dans cet appel à la prière, le primat évoquait également les tensions entre les Églises nationales.
«Au sein de la Communion, la question de la bénédiction des mariages homosexuels continue d’être controversée. De récents développements au sein de l’Église épiscopalienne aux États-Unis et des conversations de profondeur et de degrés variés dans un certain nombre d’autres Églises dans la Communion, y compris la nôtre, ont un impact significatif sur nos relations», reconnaissait-il avant d’ajouter que «les primats doivent s’occuper ouvertement et honnêtement des tensions dans notre vie commune».