Le silence qu’observe Développement et Paix depuis l’annonce des résultats de l’enquête sur les groupes qu’il appuie financièrement dans les pays du Sud ne peut qu’être «très néfaste pour sa crédibilité déjà mise sérieusement à l’épreuve par ce long parcours de révision des partenaires», estiment les congrégations religieuses de tout le Canada.
La Conférence religieuse canadienne (CRC) presse aujourd’hui Développement et Paix de «corroborer ou d’infirmer les informations divulguées» récemment par les journalistes qui ont pu consulter le rapport final voté tant par les évêques canadiens que par les membres du conseil national de Développement et Paix.
La déclaration de la CRC est signée par son directeur général Alain Ambeault. Elle a été rendue publique le jeudi 18 mars 2021, quelques jours avant le 5e dimanche du carême, moment de l’année où les contributions des catholiques pour Développement et Paix sont recueillies dans les différentes paroisses du Canada.
Les congrégations religieuses canadiennes ont régulièrement appuyé Développement et Paix depuis sa fondation, en 1967. Au cours des trois dernières années, plusieurs ont répété leur solidarité avec les partenaires de l’organisme et leur volonté de collaborer avec «tous ceux et celles qui cherchent à donner une voix aux démunis, à soulager leur misère et à les accompagner».
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Transparence
Le 2 mars 2021, un institut de prêtres semblable à la Société des Missions-Étrangères du Québec, Scarboro Missions, basé en Ontario, a réagi au communiqué officiel qui a révélé que l’organisme ne conservera des partenariats qu’avec le tiers des organismes qui ont été soupçonnés, depuis mars 2018, de ne pas respecter le positionnement moral et social du magistère catholique.
Plusieurs missionnaires, à la lecture de ce communiqué, ont ressenti une «profonde déception car il n’y a toujours pas de transparence dans cette enquête précipitée par les accusations et les insinuations de LifeSiteNews», a indiqué le père Jack Lynch, le supérieur général de Scarboro Missions.
Le communiqué de presse émis conjointement par Développement et Paix et la Conférence des évêques catholiques du Canada indiquait que les auteurs du Rapport final avaient «convenu de ne pas divulguer les noms des partenaires et d’éviter de rendre publique l’intégralité» de ce document.
Une discrétion qui fait sourciller cette congrégation religieuse missionnaire. «En tant qu’Église, nous avons certainement appris l’importance d’être à la fois transparents et responsables», a-t-on écrit dans le bulletin communautaire interne.
Groupe féministe
Le groupe féministe L’autre Parole croit que le secret qui entoure le rapport final sur les partenaires de Développement et Paix est «inacceptable». Aussi ce regroupement demande-t-il que ce document «soit rendu public» et que les noms des partenaires qui ont été rejetés soient dévoilés.
Il demande aussi que «que le vote du conseil national de Développement et Paix soit reconsidéré pour que ses membres puissent voter en toute connaissance de cause et pour que les partenaires exclus aient droit au préalable à une défense pleine et entière».
Le groupe, formé de théologiennes, de religieuses et de laïques engagées dans différents diocèses du Québec, souhaite «que les principes fondateurs de la doctrine sociale de l’Église, de justice, d’égalité, de dignité des personnes, de bien commun et de solidarité, redeviennent le fil conducteur des pratiques de discernement libre et autonome de Développement et Paix pour établir ses partenariats».
«On ne reconnait plus cet organisme fondé il y a plus de 50 ans dans le sillage de Vatican II afin que des laïques mettent en œuvre la doctrine sociale de l’Église à travers des pratiques de développement et de solidarité internationale», déplore L’autre Parole. «On sait qu’il y a parmi les membres, le personnel et les bénévoles des femmes et des hommes laïques compétents, avec une solide expertise en développement et un profond engagement pour l’Évangile mais elles et ils semblent réduits au silence. On aimerait les entendre.»
Les membres de ce groupe se disent désenchantées devant les «dérives» des évêques québécois et canadiens dans toute l’affaire des partenaires de Développement et Paix.
«Honnêtement, croyez-vous avoir l’autorité morale requise pour dicter aux femmes leur conduite sexuelle alors que dans vos rangs continuent de se perpétrer des abus et des violences sexuelles de toutes sortes, que des clercs contraignent des religieuses qu’ils ont mis enceinte d’avorter, que vous tardez à accueillir celles et ceux qui en sont les victimes et à faire le ménage dans votre propre maison?»
«Quand la CECC met pratiquement sous tutelle Développement et Paix, entravant ainsi l’action de ses travailleuses et travailleurs laïques, ne pratique-t-elle pas une forme de cléricalisme justement dénoncée par le pape François?», demande-t-on.
Présence a demandé, mercredi soir, à la direction de Développement et Paix de réagir aux déclarations de la Conférence religieuse canadienne et de L’autre Parole. Au moment de publier, l’organisme n’avait pas encore indiqué s’il souhaitait réagir à ces interpellations.
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