Développement et Paix vient d’annoncer qu’il suspend temporairement le financement du quart de ses partenaires. L’organisme cherche ainsi à apaiser les tensions avec une partie de l’épiscopat canadien.
Dans une lettre acheminée aux responsables régionaux de cet organisme de coopération internationale membre de Caritas Internationalis, le directeur général de Développement et Paix indique de plus que les sommes que les catholiques ont versées durant la plus récente campagne Carême de partage, en mars et en avril 2018, ne seront pas remises à 52 partenaires des pays du Sud.
Depuis avril 2018, douze diocèses canadiens, de l’Ontario et des provinces de l’Ouest, retiennent les sommes versées pour Développement et Paix lors d’une quête paroissiale tenue durant le carême en raison des gestes et des déclarations de partenaires de Développement et Paix qui soulèvent «certaines questions concernant leur respect des enseignements de l’Église». Le 19 novembre, les importants archidiocèses de Toronto et d’Edmonton ont confirmé qu’il retenaient toujours ces dons.
«Développement et Paix ne soutient financièrement que des projets qui adhèrent aux valeurs et aux enseignements de l’Église catholique», réitère Serge Langlois, le directeur général de l’organisme fondé par les évêques du Canada en 1967, dans une lettre de trois pages remise le vendredi 16 novembre 2018 à tous les présidents des conseils diocésains de l’organisme et dont Présence a obtenu copie et confirmé l’authenticité.
Révision des partenaires
«À la fin de 2017, à la demande de la Conférence des évêques catholiques du Canada (CECC), Développement et Paix a entamé une démarche de revue de ses quelque 180 partenaires d’Afrique, d’Asie, d’Amérique latine et du Moyen-Orient, afin de nous assurer qu’ils respectaient les valeurs et l’enseignement social de l’Église, comme la sainteté de la vie humaine et la dignité de la personne», explique Serge Langlois aux dirigeants de l’organisme dans chacun des diocèses du pays.
Cet examen des partenaires «a été réalisée en collaboration avec la CECC, grâce au comité ad hoc réuni spécifiquement à cet effet», ajoute le directeur général.
Il précise un élément qui était inconnu jusqu’à présent. Ce sont 52 partenaires qui sont épinglés et non pas 40 comme l’a avancé Mgr Richard Smith, archevêque d’Edmonton, lorsqu’il est devenu le premier évêque à retenir les fonds remis à Développement et Paix.
«Les représentants de la CECC sur ce comité ont identifié 52 partenaires, qui, selon des données obtenues en ligne, posaient certaines questions concernant leur respect des enseignements de l’Église.»
Serge Langlois indique que «Développement et Paix a produit une première analyse en avril 2018», puis une seconde, plus volumineuse, en septembre 2018, afin de répondre aux questions soulevées par les évêques.
«Malheureusement, il semble que nous ayons interprété différemment la nature de la requête, et, après la récente assemblée plénière des évêques, il nous a été demandé de fournir une analyse supplémentaire, particulièrement sur les critères que nous utilisons pour sélectionner nos partenaires.»
À la fin du mois de septembre, lors de leur rencontre annuelle, les évêques ont discuté à huis clos de cette évaluation des partenaires de Développement et Paix.
«Cet examen commun est en cours, et ses résultats seront communiqués à tous les évêques lorsqu’il sera terminé», avait alors affirmé Mgr Lionel Gendron, président de la CECC, laissant entendre que les évêques n’avaient pas vu le contenu de cet examen.
Depuis cette rencontre épiscopale de septembre, la direction de Développement et Paix «a proposé différentes avenues et solutions possibles pour nous aider à rebâtir un climat de confiance avec les évêques du Canada», indique Serge Langlois.
Moratoire temporaire
Dans sa lettre, le directeur général ajoute qu’afin de «démontrer notre engagement à trouver des solutions aux défis que nous vivons actuellement, et pour assurer un suivi aux différentes correspondances reçues récemment de plusieurs évêques, Développement et Paix n’utilisera pas les fonds du Carême de 2018 pour les 52 partenaires en revue, tant que la situation de ces partenaires n’est pas clarifiée».
Il explique ensuite que «nous avons émis un moratoire temporaire sur le financement de ces mêmes partenaires».
En aucun cas, la lettre du directeur général ne mentionne les noms des 52 partenaires ciblés par le comité de la CECC. De plus, les rapports d’avril et de septembre 2018 présentés par Développement et Paix aux évêques n’ont jamais été rendus publics.
Enfin, dans la lettre du 16 novembre 2018, une courte phrase pourrait alarmer les présidents des conseils diocésains, responsables de la campagne annuelle de collecte de fonds de Développement et Paix.
«Même si des questions ont été posées quant à la campagne du Carême de partage 2019, nous avons confiance qu’une solution à cette crise sera trouvée, permettant ainsi à l’Église de confirmer sa participation», écrit brièvement Serge Langlois. C’est première fois que l’organisme parle ouvertement de «crise».
La CECC n’aurait donc pas «confirmé sa participation» à la prochaine campagne de l’organisme. Habituellement, le matériel que produit Développement et Paix pour la campagne annuelle Carême de partage est révisé par les évêques et le président de la CECC publie toujours une invitation officielle à donner à l’organisme. Dans bien des diocèses, l’évêque est le président d’honneur de la campagne du carême. Cette campagne permet de recueillir chaque année huit millions de dollars pour l’organisme. On estime que les sommes retenues depuis avril 2018 par les douze diocèses, dont Toronto, Vancouver et Edmonton, dépassent deux millions de dollars.
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