Le prochain formulaire du programme Emplois d’été Canada ne contiendra plus la clause qu’un grand nombre de groupes confessionnels ont refusé de cocher l’année dernière.
Cette clause indiquait que l’emploi créé ainsi que le mandat de l’organisme demandeur devaient respecter les droits de la personne ainsi que «les valeurs sous-jacentes à la Charte des droits et libertés et la jurisprudence qui en découle». Les «droits reproductifs et sexuels» des femmes et «l’accès à des avortements sûrs et légaux» font partie de ces droits, précisait le formulaire de 2018.
«Nous recevons souvent le commentaire que le langage utilisé dans l’attestation prête à confusion et qu’il aurait dissuadé certaines organisations de présenter une demande», a indiqué Véronique Simard, attachée de presse de la ministre Patricia A. Hajdu.
«Cette année, nous avons modifié l’attestation et clarifié les critères d’admissibilité», poursuit-elle. Hier, le 6 décembre, la ministre de l’Emploi, du Développement de la main-d’œuvre et du Travail a accordé des entrevues à trois médias à ce sujet et a informé les députés de la nouvelle formulation.
Réactions
Dans sa page Facebook, Wayne Long, député libéral de la circonscription Saint John – Rothesay au Nouveau-Brunswick, s’est empressé de dire aux gens qui s’étaient opposés à cette clause que «leurs voix ont été entendues».
La nouvelle clause, que tout futur employeur devra signer, a-t-il indiqué, sera la suivante: «Aucun financement dans le cadre du programme Emplois d’été Canada ne sera utilisé pour affaiblir ou restreindre l’exercice des droits légalement protégés au Canada».
Au bureau de la ministre Hajdu, on répète que ce n’était pas l’intention du gouvernement de restreindre la liberté de conscience ou de religion. «Nous voulons être très clairs qu’il ne s’agit pas de croyances. Notre intention est de s’assurer que les projets et activités n’entravent ou ne restreignent pas l’exercice des droits», ajoute Véronique Simard, confirmant les propos du député Wayne Long.
Jeudi, à la Chambre des Communes, ni la ministre Patricia Hajdu, ni le premier ministre Justin Trudeau, n’ont commenté la nouvelle formulation.
Le député Mark Warawa, député conservateur de Langley – Aldergrove en Colombie-Britannique, a qualifié cette clause de «test de valeurs» et a rappelé que l’an dernier, «les employeurs qui n’ont pas fourni l’attestation indiquant qu’ils étaient d’accord avec l’idéologie libérale n’ont pas reçu de financement du fédéral».
«Le premier ministre vient maintenant d’annoncer que le test de valeurs était une erreur et qu’il serait éliminé. A-t-il fait cette annonce en pensant aux élections de l’an prochain?», a-t-il demandé.
Les règlements du programme Emplois d’été Canada indiqueront aussi quelles tâches ne seront pas éligibles à un financement. C’est le cas, par exemple, d’un emploi partisan ou lié à parti politique. C’est dans cette section qu’on indiquera que les «projets ou activités professionnelles qui s’emploient activement à entraver ou à restreindre l’accès des femmes aux services de santé sexuelle et reproductive» ne recevront pas de financement.
Le programme d’emplois étudiants a reçu plus de 42 000 demandes de financement l’an dernier. 1559 organismes ont vu leur demande de subvention être rejetée en raison de «difficultés avec la clause d’admissibilité» (issues related to the attestation).
Réaction de l’archidiocèse de Toronto
Présentement à Rome, le cardinal Thomas Collins, archevêque de Toronto, n’était pas disponible pour commenter le retrait de la clause controversée. Dès janvier 2018, le cardinal a régulièrement dénoncé la clause gouvernementale lors d’interventions publiques. La Conférence des évêques catholiques du Canada estimait que la clause «compromet[tait] gravement le droit à la liberté religieuse», puisque le gouvernement «limit[ait] directement le droit des traditions religieuses de publiquement garder, enseigner et pratiquer leurs principes et leurs valeurs».
Neil MacCarthy, directeur des relations publiques de l’archidiocèse de Toronto, a confirmé que le gouvernement et des groupes confessionnels ont tenu ces derniers mois «des discussions respectueuses au sujet du programme Emplois d’été Canada».
Il reconnaît que les changements annoncés hier par la ministre Hajdu «ont tenu compte d’un bon nombre des préoccupations exprimées» par les opposants à l’ancienne formulation, tout en regrettant que les changements n’aient pas été annoncés plus tôt, soit avant l’été 2018. «De nombreux groupes se sont vu refuser un financement et ont dû compter sur des campagnes de financement locales.» L’absence de financement gouvernemental a forcé d’autres groupes à modifier leur programmation estivale ou ou à faire une croix sur l’engagement d’une main-d’œuvre étudiante, ajoute-t-il.
Le nouveau formulaire «n’obligera plus les organisations à accepter des valeurs qui ne correspondent pas à leurs convictions et les employeurs ne seront pas disqualifiés à cause de leurs convictions».
Le directeur des communications confirme qu’au moins 5000 lettres ont été acheminées aux différents députés dont la circonscription fait partie de l’archidiocèse de Toronto. «Le cardinal Collins a personnellement rencontré un certain nombre de députés sur la question», ajoute-t-il.
Alliance évangélique du Canada
«Même s’il existe encore des restrictions sur le type d’emplois ou d’activités qui pourront être financés dans le cadre du programme, le test de valeurs est maintenant disparu», a déclaré de son côté Julia Beazley, directrice des politiques publiques auprès de l’Alliance évangélique du Canada.
«Nous croyons que ces changements permettront aux Églises canadiennes et aux organisations confessionnelles de présenter une demande et d’être éligibles à un financement dans le cadre de ce programme», a-t-elle ajouté.
«Le nouveau libellé devrait également signifier que les organisations pro-vie ne seront pas exclues pour la simple raison qu’elles sont pro-vie», dit Mme Beazley.
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