Une Église évangélique de Montréal est devenue en deux ans un important carrefour d’aide pour les réfugiés. La Première Église évangélique arménienne de Montréal estime avoir soutenu environ 1100 familles depuis le début de l’aventure.
Il y a quatorze ans, cette communauté chrétienne ne comptait qu’une trentaine de personnes. Mais elle connait depuis une expansion phénoménale. Son culte en français, une nouveauté d’il y a deux ans, attire maintenant plus du double de fidèles. Son culte en arménien, lui, rassemble 500 personnes chaque semaine dans l’ancienne église catholique Saint-Gaëtan, reconnue pour son architecture moderne.
«L’Église a vivoté, a connu des hauts et des bas, sans bâtiment, en étant locataire», rappelle son principal pasteur, Georges Dabbo.
Il fait partie de la minorité de fidèles de cette communauté née dans une famille évangélique, une tradition chrétienne qui s’est développée chez les Arméniens il y a 170 ans. Ses propres grands-parents sont des survivants du génocide arménien. Ses parents sont nés en Syrie, lui au Liban, ses enfants en France et ses petits-enfants au Canada.
Le visage de cette communauté chrétienne montréalaise a changé lorsqu’un couple de réfugiés avec deux jeunes enfants s’est présenté à leur porte, déboussolés, à la recherche d’aide. Certes, l’Église avait un comité d’action sociale. Mais ce fut le début d’une solidarité engagée.
«Ce n’est pas un choix qu’on a eu. Il y a eu des personnes qui, en passant dans la rue, sont venues demander de l’aide», dit-il. Si bien que de fil en aiguille, leur aide a commencé à s’étendre à d’autres familles. L’Église a acheté un camion de déménagement pour récolter des meubles et des électroménagers et les redonner aux familles qui en ton besoin. Son équipe parle arabe, arménien, turc, anglais et français.
«On a beaucoup d’interprètes, ce qui facilite grandement l’accueil des gens. Nous aidons avec les démarches administratives. Nous apportons une aide spirituelle et psychologique», indique le pasteur dans la cinquantaine.
Chaque semaine, l’Église distribue 300 paniers de denrées alimentaires aux réfugiés. En plus des 65 familles qu’elle parraine officiellement, elle estime qu’une quarantaine d’autres familles sont parrainées par des membres de la communauté. Les réfugiés parrainés sont souvent chrétiens, mais certains sont aussi musulmans.
«Derrière chaque famille se trouve une détresse humaine incroyable», observe le pasteur Dabbo, qui voit plusieurs similitudes entre ce qu’ont vécu les Arméniens et ce que subissent aujourd’hui les Syriens.
«Être confronté à la détresse et la misère humaine, ça m’a non seulement changé, mais ça a changé mon Église aussi», note-t-il. «Jésus a béni les gens sans attendre que les gens le suivent. Il l’a fait par amour. Notre principe, c’est d’aider les gens sans attendre. On est en train de vivre la réalité de la première Église, dans l’amour fraternel et la mise en commun des biens. On prêchait, on enseignait, mais on n’avait pas l’occasion de le concrétiser. Les Syriens qui arrivent sont une bénédiction pour nous, parce qu’ils nous ont permis de le vivre concrètement. On réalise qu’on est plus riches qu’on ne le croit», assure-t-il.
Georges Dabbo précise que ceux qui participent à cette aide ont comme mot d’ordre de ne pas chercher à faire de prosélytisme: il est hors de question d’exploiter la misère des gens. «Je veux une Église saine, avec des gens qui viennent parce qu’ils veulent suivre l’amour du Seigneur et être des personnes moteurs dans la vision que nous portons», dit-il, confirmant tout de même que parmi les familles aidées, 70 ont finalement choisi de se joindre à leur communauté.
La Première Église évangélique arménienne évalue à 120 000 $ le montant annuel nécessaire pour fournir cette aide aux réfugiés.