Le gouvernement du Québec se trompe de cible en s’attardant aux signes religieux portés par les enseignants, affirment les évêques québécois.
Dans un communiqué qui a toute les apparences d’un coup de semonce avant que le gouvernement de François Legault ne dépose son projet de loi sur la laïcité, l’Assemblée des évêques catholiques du Québec (AECQ) estime que «la forme que prend le débat actuel sur le port des signes religieux par les enseignantes et les enseignants des écoles publiques nous fait passer à côté du véritable enjeu de leur responsabilité quant à la neutralité de l’État».
Selon l’AECQ, croire que le port d’un signe religieux induit automatiquement une attitude prosélyte de la part de celui qui le porte est «erroné». Tout comme le fait qu’une personne n’en porte pas ne garantit en rien qu’elle n’aura pas d’attitude prosélyte.
«Ce sont les actes et les attitudes qui importent, et non pas les apparences extérieures», insistent les évêques. «C’est pourquoi il nous apparaît plus sage et raisonnable d’encadrer les enseignantes et les enseignants dans l’exercice de leur rôle à l’égard de la neutralité de l’école publique.»
L’AECQ note au passage que le débat sur les signes religieux est très souvent réduit à un débat sur l’habillement de femmes musulmanes. «Cibler un groupe particulier de femmes ne contribue en rien à ce devoir collectif d’intégration sociale et culturelle», affirme-t-elle, estimant plutôt qu’il est du devoir de l’État de «tout mettre en œuvre» afin de faciliter l’intégration «des femmes issues de communautés culturelles et de minorités visibles dans le monde du travail, dans la fonction publique et plus généralement dans la société».
Les évêques québécois se font solidaires des coutumes de certaines musulmanes lorsqu’ils évoquent des «manifestations religieuses légitimes auxquelles nous n’étions pas habitués». Il faut selon eux y voir un « défi stimulant: celui d’aménager un espace public ouvert et accueillant où puissent s’exprimer, dans le respect mutuel, les valeurs et les croyances des uns et des autres et du coup, s’enrichir mutuellement par ces rencontres».
Dans leur prise de position, l’épiscopat réitère qu’il respecte la compétence de l’État en matière de neutralité religieuse, mais que ce dernier doit également s’assurer de respecter la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948, dont son célèbre article 18 qui garantit la liberté de croyance et de religion.
«Le port de signes ou de vêtements manifestant une appartenance religieuse est un cas évident d’exercice de la liberté de religion. Restreindre de quelque manière que ce soit cette liberté fondamentale ne devrait se faire que sur la base de raisons graves et inattaquables», avertit l’AECQ.
Le gouvernement du Québec élabore présentement un nouveau projet de loi pour encadrer le port de signes religieux. Celui-ci pourrait interdire des symboles ou vêtements religieux pour certains employés de l’État. On s’attend à ce qu’il soit déposé avant la mi-mai.
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