Sur le mur de la salle où se réunissent Mgr Pierre Murray, le nouveau secrétaire général de l’Assemblée des évêques catholiques du Québec (AECQ), et ses trois adjoints, Chantal Jodoin, Norman Lévesque et Germain Tremblay, on a accroché une coupure de presse, vieille d’un demi-siècle.
«L’assemblée des évêques du Québec se donne un instrument qui rendra son action pastorale plus efficace», peut-on lire dans l’édition de La Presse du samedi 24 septembre 1966. Dans un long texte de quatre colonnes, placé tout en haut d’une des premières pages du quotidien, le journaliste Marcel Adam donne la parole au premier secrétaire général de l’AECQ, l’ex-aumônier syndical Jean-Marie Lafontaine.
Le premier rôle du secrétariat de l’AECQ, explique celui qui deviendra évêque auxiliaire à Montréal en 1979, est d’appuyer les évêques dans leur travail de représentation auprès des différentes composantes de la société. «L’abbé Lafontaine insiste pour souligner que, dans les vues de l’épiscopat, les relations avec la presse écrite et électronique est (sic) la seconde priorité du nouveau secrétariat», écrit le journaliste.
«Je ne haïrais pas cela qu’on obtienne une telle visibilité aujourd’hui», lance Mgr Pierre Murray, actuel secrétaire général de l’AECQ.
En poste depuis le 1er mai, Mgr Murray, qui connaît bien le milieu des médias puisqu’il était directeur général de l’organisme Communications et Société, perçoit que les évêques d’aujourd’hui «veulent être un peu plus sur la place publique».
«Il y a cette préoccupation que la voix de l’Église se fasse davantage entendre.»
Une nouvelle équipe au secrétariat
Dès cette semaine, à Trois-Rivières, il pourra vérifier si cette impression est juste. Tous les évêques du Québec, du 18 au 21 septembre, participent à leur rencontre semi-annuelle – il y en avait quatre du temps de l’abbé Lafontaine! – et y sont accueillis par une équipe renouvelée. Ce sera même la première fois que trois des cinq membres du personnel du secrétariat général de l’Assemblée des évêques catholiques du Québec rencontreront officiellement leurs nouveaux patrons.
Pierre Murray, nommé secrétaire général de l’AECQ en septembre 2017, n’a débuté son nouveau boulot qu’en mai, non sans avoir été invité à rencontrer les évêques québécois à leur rencontre de mars 2018. Quant à Chantal Jodoin et à Norman Lévesque, deux adjoints au secrétaire général, ils n’avaient pas encore terminé l’aménagement de leurs bureaux au secrétariat général de l’AECQ, rue Sherbrooke Est, à Montréal, lorsque l’agence de presse Présence les a rencontrés à la fin du mois d’août. Francine Lévesque, secrétaire, et Germain Tremblay, aussi adjoint au secrétaire général, complètent cette équipe.
En assemblée plénière à Trois-Rivières, les évêques entendront les rapports de leurs différents comités de travail. Les trois adjoints du secrétaire général sont affectés chacun à l’un de ces comités.
Chantal Jodoin hérite du conseil Évangélisation et Vie chrétienne tandis que Germain Tremblay, en poste depuis 27 ans à l’AECQ, poursuit son rôle au conseil Communautés et Ministères. Longtemps connu pour son travail à la direction du Réseau des Églises vertes, Norman Lévesque se voit confier le secrétariat du conseil Église et Société. C’est ce conseil qui discute des dossiers d’écologie, ce qui convient bien à son nouveau secrétaire. «On l’a déjà aperçu en train d’examiner le contenu de nos poubelles», lance à la blague Mgr Murray.
«Notre rôle, à mes collègues et à moi, c’est de nous assurer que chaque collaborateur à ces conseils, qu’ils soient évêques ou laïcs, ait ce qu’il faut pour mener à bien ses réflexions et son travail», dit Mgr Murray.
Cette semaine, les évêques discuteront aussi, a-t-on appris, de l’implantation du cours obligatoire d’éducation sexuelle à l’école et de la situation des prêtres en provenance d’autres pays à qui l’on confie la direction et l’administration de paroisses d’ici. Les relations avec les peuples autochtones, la crise des abus sexuels dans l’Église catholique et le tournant missionnaire entrepris par nombre de diocèses seront aussi abordés.
Sur la place publique
Ces réflexions seront-elles débattues sur la place publique? En fera-t-on les thèmes de futures lettres pastorales de l’épiscopat québécois? La nouvelle équipe du secrétariat général de l’AECQ ne connaît pas encore les mandats qu’elle recevra au terme de cette assemblée.
«La balle est dans le camp des évêques et nous, on est là pour les aider à trouver un espace et un auditoire pour que la voix de l’Église se rende sur la place publique», dit Mgr Murray.
Cela ne sera pas aisé, reconnaît toutefois Germain Tremblay. «Quand les médias et la société voyaient les évêques comme une première référence, on voulait qu’ils se prononcent sur différents sujets. Aujourd’hui, les évêques se prononcent toujours, mais cela passe sous le radar, on n’obtient pas beaucoup de réactions.»
L’adjoint au secrétaire général n’a pas tort. Le récent message publié à l’occasion des élections québécoises n’a obtenu que de rares mentions dans les médias qui consacrent pourtant beaucoup de ressources et un très grand nombre d’articles au prochain scrutin.
«Prenez le message du Premier mai», ajoute-t-il encore. Ce texte publié chaque année par les évêques «traite de sujets actuels, pertinents, comme les migrants, les travailleurs saisonniers. Mais dans les médias, on en trouve peu d’échos», reconnaît Germain Tremblay.
«La société et les médias ont changé», observe le secrétaire général. «Je compare le cardinal [Jean-Claude] Turcotte avec le cardinal [Gérald] Lacroix. Ce sont deux personnalités, somme toute, similaires. Elles sont sympathiques, joviales, bon enfant. Quand Mgr Turcotte est arrivé (NDLR: il a été créé cardinal en 1994), on l’invitait sur tous les plateaux de télévision. Il était partout. Mais on n’a pas connu cela avec le cardinal Lacroix, vingt ans plus tard.»
«Pour le monde médiatique, l’Église n’est plus une institution qui compte. Les médias s’intéressent à nous quand ils cherchent des réactions sur des scandales», ajoute Mgr Murray.
«Les évêques, s’ils veulent avoir un poids, doivent éviter de se prononcer sur tout», estime-t-il. «Ils doivent prendre la parole sur les sujets qu’ils possèdent bien. Des sujets où le trésor de l’évangile et la tradition de l’Église vont apporter un éclairage particulier.»
En 1966, le tout nouveau secrétaire général de l’épiscopat québécois entendait renouer les liens entre les évêques et les médias. Cinquante-deux ans plus tard, l’équipe renouvelée du secrétariat de l’Assemblée des évêques catholiques du Québec souhaite aider les évêques québécois à relever les défis d’une parole publique.