Le président du conseil d’administration du Centre commémoratif de l’Holocauste à Montréal, Daniel Rabinowicz, répond aux questions de Présence au sujet de l’attentat du 29 janvier au Centre culturel islamique de Québec.
Présence : Comment avez-vous réagi en apprenant la nouvelle de l’attentat au Centre culturel islamique de Québec?
Daniel Rabinowicz : J’ai été horrifié. J’ai été envahi par un sentiment de grande tristesse. C’est triste de penser que notre société peut vivre cela, même au Québec. C’est épouvantable!
Présence : Le Musée de l’Holocauste Montréal a publié un communiqué de presse afin d’exprimer sa solidarité avec les communautés musulmanes du Québec. Certains ont peut-être été surpris qu’une institution telle que la vôtre prenne position devant ce drame…
Daniel Rabinowicz : Notre mission est de sensibiliser la population au fait que nous avons une responsabilité collective à l’égard du respect de la diversité et du caractère sacré de toute vie humaine. Honnêtement, cette mission nous guide tous les jours au Musée de l’Holocauste Montréal.
Vous savez, le Musée de l’Holocauste Montréal a été fondé par des survivants de l’Holocauste. Une de ses particularités est la présence active de plusieurs d’entre eux. Ils rencontrent de très nombreux groupes afin de témoigner. Lorsque nous leur demandons quelles sont leurs motivations, ils nous répondent qu’il y en a deux. La première, c’est qu’ils veulent que la mémoire de l’Holocauste demeure vivante. La deuxième est qu’ils souhaitent que les gens qu’ils rencontrent comprennent que l’Holocauste est le paroxysme ultime de l’intolérance, du racisme, et de la haine. Ils désirent que nous comprenions qu’il est important que nous nous érigions contre cela. Voilà la volonté des survivants. Ici au Musée de l’Holocauste Montréal, elle nous guide dans toutes nos actions.
Nous réalisons beaucoup d’activités d’éducation au musée. Le programme éducatif fait le lien entre l’histoire de l’Holocauste et l’actualité contemporaine, car nous souhaitons que les gens réalisent que, dans la vie de tous les jours, nous devons être vigilants et que nous devons combattre la haine et l’indifférence. Oui, nous devons agir contre l’indifférence, car elle peut nous mener aux pires excès.
Présence : Vous dites qu’une «ligne rouge vient d’être franchie» avec la tuerie de Québec.
Daniel Rabinowicz : Oui, car nous croyons que ce geste est impardonnable. Nous écrivons également que cette attaque «a été perpétrée dans un monde où il est devenu légitime de répandre le sectarisme et la haine, d’identifier des boucs émissaires, de cibler les minorités et de normaliser une mentalité nous contre eux».
Ce sont des comportements que nous trouvons carrément inacceptables. C’est pourquoi nous disons que c’est une ligne que nous ne devons jamais franchir.
Présence : Avez-vous encore l’espoir que les choses évoluent?
Daniel Rabinowicz : Si nous n’avions pas l’espoir, nous ne pourrions pas poursuivre notre bataille. Vous savez, il y en a beaucoup qui se sont demandés, au fil des années, comment les survivants de l’Holocauste peuvent avoir de l’espoir. Ils ont encore de l’espoir, car, premièrement, ils ont survécu et ont retrouvé une vie saine et agréable, productive. Deuxièmement, ils ont l’espoir que le bon côté de la nature humaine triomphera.
Nous devons poursuivre notre mission. Notre objectif serait, idéalement, de sensibiliser 100% de la population de Montréal, du Québec, voire du Canada, afin qu’elle se mobilise pour combattre ces phénomènes. Certes, nous ne réussirons jamais à atteindre 100% des personnes. Cependant, une chose est certaine, tant que nous n’aurons pas atteint ce 100%, tant qu’il y aura de nouvelles générations à qui apprendre ces choses-là, notre travail ne sera pas terminé et nous allons continuer à agir.