«Fanm Deside a notre appui», lance Gisèle Turcot, la supérieure générale de l’Institut Notre-Dame du Bon-Conseil de Montréal. «Un appui indéfectible», précise un communiqué de presse rendu public le 29 novembre.
La congrégation religieuse qu’elle dirige n’arrive tout simplement pas à comprendre pourquoi cet organisme de femmes haïtiennes (Femmes décidées, en créole) soit depuis deux ans «sous le coup d’un moratoire qui le prive de financement jusqu’à ce que la Conférence des évêques catholiques du Canada (CECC) ait reçu réponse satisfaisante à ses inquiétudes sur leur conformité à l’enseignement moral qu’elle préconise».
Les Soeurs du Bon-Conseil ont contribué à la mise sur pied de Fanm Deside à la fin des années 1980.
La religieuse, qui a été secrétaire générale de l’Assemblée des évêques catholiques du Québec, s’est dite bouleversée à la lecture d’une lettre que Marie Ange Noël, la coordonnatrice de Fanm Deside, a rendue publique cette semaine. Cette lettre, en provenance de Jacmel, informe les amis et sympathisants canadiens de cet organisme que «des préoccupations persistent» toujours, aux yeux de la conférence épiscopale canadienne, sur la moralité de Fanm Deside.
La missive de trois pages indique aussi que le directeur général de Développement et Paix, Serge Langlois, a demandé à Mme Noël de répondre par un «oui» ou par un «non» à la question suivante: «Quand vous dites que Fanm Deside « n’a jamais supporté ou encouragé les pratiques visant l’avortement », est-ce que cela signifie que vous n’appuyez pas la légalisation de l’avortement en Haïti?»
«L’avortement, qui semble tellement préoccuper la CECC et Développement et Paix, ne fait pas partie de notre univers quotidien», a répondu la coordonnatrice. «Notre univers, c’est la vie réelle, la vie dont il faut accoucher et qu’il faut défendre dans des conditions difficiles et douloureuses.»
Pour la supérieure générale des Sœurs du Bon-Conseil, la lettre de Marie Ange Noël est «un véritable plaidoyer en faveur de la vie et de la justice qui fait appel à notre parole en qualité de congrégation religieuse à l’origine de cette fondation à Jacmel».
«Les valeurs et les pratiques de Fanm Deside s’inscrivent dans la droite ligne du charisme de notre Institut. En fidélité à l’enseignement social de l’Église, inspiré de l’Évangile, elles invitent à donner la préférence aux femmes et aux familles qui vivent des situations de pauvreté et d’injustice, à faire grandir la vie que le Christ offre en abondance.»
La congrégation religieuse, fondée en 1923 par Marie Gérin-Lajoie, une pionnière du service social au Québec, se réjouit que la coordonnatrice de Fanm Deside ait choisi de rendre publique la lettre qu’elle a envoyée à Développement et Paix.
«D’autres organismes du Honduras, des Philippines et du Brésil ont aussi protesté contre ce procédé d’évaluation qui atteint des partenaires jugés fiables», rappelle-t-elle. Pour la religieuse Gisèle Turcot, «l’une des dimensions de l’action sociale consiste à développer des partenariats avec des laïques en leur faisant confiance et en leur confiant de véritables responsabilités».
«Sans cet esprit de franche coopération, on arrive tôt ou tard à des impasses», regrette-t-elle. Des impasses semblables à celle dont font les frais Fanm Deside et bien d’autres organismes privés de financement par Développement et Paix tant que l’enquête, débutée en 2017, sur leur respect de l’enseignement moral de l’Église ne sera pas complétée.
Autres réactions
Dans une lettre adressée à Marie Ange Noël ainsi qu’aux directions de la CECC et de Développement et Paix, Suzanne Loiselle, religieuse auxiliatrice et directrice générale de L’Entraide missionnaire pendant trois décennies, se porte elle aussi à la défense de Fanm Deside. Selon elle, l’organisme haïtien est victime d’un «harcèlement».
«Le néo-colonialisme et la misogynie reviendraient-il en force?», demande-t-elle.
«Mon inquiétude est grande par rapport aux positions obsessives de l’épiscopat canadien face à l’avortement et à sa légalisation mais plus grande est ma solidarité avec Fanm Deside et son extraordinaire travail d’accompagnement de femmes et fillettes haïtiennes dans le présent contexte d’Haïti en pleine crise dont l’ampleur est sans précédent», ajoute-t-elle.
«La CECC n’est pas en mesure de fournir des commentaires au sujet de la lettre» de l’Institut Notre-Dame du Bon-Conseil, a indiqué Lisa Gall, coordonnatrice des communications de la CECC.
Depuis les débuts du processus de révision des partenaires de Développement et Paix, la conférence épiscopale canadienne a toujours fait preuve de discrétion sur les détails des démarches. Elle promet de répondre aux question des médias une fois que le processus sera complété.
Rencontré à l’entrée même des locaux de Développement et Paix plus tôt ce matin, le directeur général Serge Langlois n’avait pas encore reçu la lettre de la congrégation religieuse. Mais il n’avait aucun commentaire à émettre au sujet de la lettre de Fanm Deside, rendue publique hier.
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