Ce matin, à 9 h, le moteur de recherche du site Web de l’éditeur Novalis affichait plusieurs titres lorsqu’on insérait le nom de Jean Vanier. À 10 h, le catalogue ne mentionnait plus rien. «Votre recherche n’a pas généré de résultats», indiquait-on.
«Nous sommes consternés», confie Jonathan Guilbault. «On a cessé immédiatement la promotion des ouvrages de Jean Vanier.»
Depuis la publication vendredi soir de cette enquête de L’Arche sur les abus commis par son fondateur, l’éditeur de Novalis a déposé sur son bureau de travail tous les livres de Jean Vanier que compte le catalogue de cette maison d’édition, le plus important éditeur religieux du Canada.
«Du côté francophone, on a édité quatre ouvrages, trois livres écrits par Jean Vanier, et un autre sur Jean Vanier et son œuvre. Du côté anglophone, on a au moins six titres», dit M. Guilbault.
«Je vais tous les relire pour voir s’il y a des éléments dans certains qui bafouent directement ou indirectement la vérité. Ou encore s’il y a des éléments qui, en donnant de Jean Vanier une image publique qui est trop complaisante, peuvent être offensants pour les victimes.»
«Tous ses livres étaient de bons vendeurs, c’est bien évident. Dans le monde religieux, dans l’édition religieuse, du Jean Vanier, c’est du best-seller.»
En 2005, Novalis lançait Entrons dans le mystère de Jésus. Ce titre de Jean Vanier est reconnu comme «sa grande lecture de l’Évangile de Jean dans lequel, note l’éditeur, il dit qu’il est méfiant envers le pouvoir que donne l’autorité».
Certes, «il ne faut pas jeter le bébé avec l’eau du bain», estime-t-il. «Jean Vanier a quand même écrit des textes qui peuvent inspirer et qui méritent encore d’être lus.»
N’empêche que si «son propos spirituel demeure bouleversant, avec ce que l’on sait aujourd’hui, tout cela sonne faux».
«Il y a une sagesse spirituelle qui est énoncée dans chacun de ses livres, mais en même temps, puisqu’on fait maintenant un lien avec des abus très réels, tout cela devient problématique», ajoute Jonathan Guilbault qui aura ce lundi même une rencontre avec un dirigeant de Bayard France afin de discuter de l’affaire et de ses conséquences pour les maisons qui ont publié des titres du fondateur de L’Arche.
«Par respect pour les victimes, par respect pour les gens qui vivent aujourd’hui à L’Arche, il faut décider s’il vaut mieux retirer ces ouvrages.»
Jonathan Guilbault croit aussi que «pour l’Église, c’est une occasion de plus de se pencher sur le cléricalisme et sur la culture du silence qui a permis tant d’abus spirituels».
«L’Église ne peut pas s’en laver les mains. Elle est devant un autre scandale qui la force à s’interroger et à se réformer en profondeur. Comme éditeur, si cela me motive pour quelque chose, c’est bien de continuer à publier des textes qui militent en faveur d’une réforme de l’Église», dit-il.
L’an dernier, Novalis a publié le livre de Marie-Jo Thiel intitulé L’Église catholique face aux abus sexuels sur des mineurs. Il y a aussi l’ouvrage collectif Demain L’Église «qui prenait pleinement acte du scandale des abus sexuels».
«On a un ouvrage en chantier sur la question des abus sexuels et spirituels», un titre qui pourrait bien paraître cet automne. «Ma posture d’éditeur, c’est d’être responsable de ce qui a déjà été publié de Jean Vanier, puis d’accompagner l’Église et les croyants pour éviter que ces abus spritiuels se poursuivent», dit Jonathan Guilbault.
Une école d’Ontario
«À l’École secondaire catholique Jean Vanier, nous sommes fiers d’avoir mis notre communauté sous la protection de ce personnage exemplaire afin de donner à chacun le goût de se dépasser et d’aller vers les autres», indiquent les documents officiels de cette école.
Située à Welland, en Ontario, cet établissement secondaire s’interroge aujourd’hui sur son appellation, indique le Conseil scolaire catholique MonAvenir qui a pris connaissance avec «désarroi et tristesse de l’enquête rendue publique par L’Arche internationale relativement à son fondateur, feu Jean Vanier».
«Toute la communauté scolaire sera ébranlée et confuse devant les faits rapportés publiquement.»
«L’administration du Conseil scolaire catholique MonAvenir se penche immédiatement sur la mise en place d’un plan d’appui pour accompagner les élèves de l’École secondaire catholique Jean Vanier, les membres du personnel et l’ensemble de sa communauté scolaire», ajoute son directeur de l’éducation André Blais.
«La question circule déjà pour savoir si l’école changera de nom. Il est trop tôt à ce point-ci pour dire si une telle décision sera prise. Plusieurs éléments devront être considérés et des échanges auront lieu avec l’école, le conseil d’école, le Conseil scolaire ainsi que d’autres partenaires en éducation catholique en Ontario», assure-t-il.
L’École secondaire catholique Jean Vanier accueille aujourd’hui près de 500 élèves allant de la 7e à la 12e année. Elle a été fondée en 1992.
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