«Selon la tradition, la fierté n’est pas une vertu. Et ceux qui connaissent la liste des péchés capitaux savent que la fierté en fait partie.»
Les premiers mots de l’homélie du recteur Bertrand Olivier, prononcés le dimanche 12 août à la cathédrale Christ Church de Montréal, ont fait sourire les anglophones et mais aussi fait sourciller bien des francophones présents à la Messe de la fierté.
C’est qu’en anglais, le péché mortel d’orgueil est traduit par pride, un terme aujourd’hui abondamment utilisé lors des événements consacrés à la communauté LGBTQ. On parle de la Pride Parade, de la Pride Week, du Pride Festival. Depuis trois ans, le diocèse anglican de Montréal propose une Pride Mass, une Messe de la fierté, au début du festival Fierté Montréal.
«Ceux dont la fierté est telle qu’ils se pensent au-dessus des autres à cause des avantages qu’ils ont eus par leur naissance, par leur position sociale ou économique, leur éducation, et qui en sont fiers au point d’en diminuer les autres autour d’eux, ceux-là paraissent effectivement, par leur fierté, déroger à leur humanité», estime le nouveau recteur, depuis six mois, de la cathédrale anglicane montréalaise.
«Aujourd’hui, nous célébrons une autre fierté, une fierté complétement en accord avec les mot de Jésus quand il nous dit: tu aimeras ton prochain comme toi-même», a ensuite expliqué Bertrand Olivier, aussi doyen du diocèse anglican de Montréal.
L’expression «comme toi-même» a régulièrement été oubliée par les traditions religieuses. «Comment pourrions-nous aimer les autres si nous ne nous connaissons pas nous-même, si nous n’arrivons pas à nous aimer?», a-t-il demandé dimanche soir à la centaine de participants et participantes à cette Messe de la fierté dans cette cathédrale qui avait apposé, plus tôt cette semaine, les couleurs de l’arc-en-ciel sur ses marches extérieures.
S’aimer soi-même est «le travail d’une vie». Mais bien des adolescents «qui ne sont pas intéressés par l’autre sexe» ou «qui ont le sentiment de ne pas être dans le bon corps» se sentent «isolés et seuls dans un monde hostile, en particulier en dehors des grandes métropoles, sans modèle».
«Dans ces conditions, nous ne sommes pas fiers», a-t-il ajouté. «Nous avons peut-être même honte de ce que nous sommes, apeurés de la réaction des autres et marginalisés du Dieu auquel nous croyons» parce que «nous ne nous croyons pas digne ou acceptable» aux yeux de la société, de l’Église ou même de Dieu».
Sur une note plus personnelle, le recteur, aujourd’hui âge de 55 ans, a indiqué avoir traversé bien des heures d’angoisse et d’incertitude du fait de sa propre homosexualité. «Élevé dans une ville de province du nord de la France et éduqué dans un collège catholique, je me souviens qu’à l’âge de 12 ans, j’ai pensé très consciemment: si Dieu ne m’aime pas comme je suis, je n’ai pas besoin de Dieu.»
«Mais c’est Dieu qui a eu le dernier mot», a-t-il lancé. Déménagé à Londres dans les années 1980 et se définissant alors comme non religieux, il s’est «retrouvé engagé dans l’Église anglicane à cause de [son] amour pour la musique, l’orgue en particulier. J’y ai rencontré une communauté en recherche, où la question LGBTQ était discutée en public, parfois pour le meilleur et parfois pour le pire».
«J’y ai aussi découvert que Dieu m’accepte et m’aime tel que je suis», a-t-il confié tout en regrettant, à la fin de son homélie, que «tant de dénominations religieuses entretiennent encore les feux de l’homophobie».
Peu après, les membres de l’assemblée ont prié «pour tous ceux et celles qui souffrent à cause du genre dans lequel Dieu les a créés». Ils ont aussi demandé que «l’Esprit saint ouvre les cœurs de ceux qui continuent de soutenir l’homophobie institutionnelle dans les Églises et qui, au nom de Dieu, persécutent les autres».
La célébration, qui a duré un peu plus d’une heure, était présidée par Mary Irwin-Gibson, évêque de Montréal. La célébrante et ses deux assistants portaient des vêtements liturgiques de couleur rose, rappelant que cette couleur était utilisée dans les camps de concentration nazis pour identifier les personnes homosexuelles. Dans les années 1970, cette couleur fut revendiquée par la communauté LGBTQ et est devenue «un symbole de fierté, de résistance et de solidarité», a-t-on indiqué dans le feuillet de la célébration remis aux participants ainsi qu’aux nombreux visiteurs qui ont gravi l’escalier aux couleurs de l’arc-en-ciel de la cathédrale Christ Church.