Les Foyers de Charité, une institution catholique présente au Québec depuis 1971, révèlent que leur fondateur, le père Georges Finet (1898-1990), a posé des gestes «gravement déviants», durant près de 40 ans, contre de très jeunes femmes.
Les conclusions d’une commission d’enquête indépendante ont été dévoilées le jeudi 7 mai 2020 par les autorités des Foyers de Charité, dont le siège est à Châteauneuf-de-Galaure, en France. C’est là qu’ont vécu le père Finet et la mystique Marthe Robin (1902-1981), fondatrice elle aussi des Foyers de Charité et déclarée vénérable par le pape François en novembre 2014.
Au terme d’une enquête qui a duré six mois, durant laquelle 143 témoignages ont été recueillis, la commission chargée d’établir «la vérité sur des faits reprochés au père Georges Finet» a reconnu que le prêtre a fait 26 victimes, «principalement des anciennes élèves de Châteauneuf-de-Galaure, alors âgées pour la plupart de 10 à 14 ans».
Les gestes reprochés au fondateur, «des touchers du corps, parfois à même la peau, sous les vêtements, et des questions intrusives sur leur sexualité», ont eu lieu alors que les jeunes filles se rendaient dans sa chambre-bureau, «tardivement le soir, parfois après 22 h», afin qu’il entende leur confession.
«Ma pensée va d’abord aux victimes», a réagi le père Moïse Ndione, modérateur de cette association qui anime des retraites spirituelles dans chacun des 78 Foyers de Charité répartis sur les quatre continents.
«Je les remercie d’avoir eu le courage de témoigner auprès de la commission. Je souhaite leur demander humblement pardon et chercher avec elles la meilleure manière de reconnaître ce qu’elles ont vécu.»
La commission d’enquête a aussi révélé que depuis 1950, outre le père Finet, 13 autres membres des Foyers de Charité, prêtres ou laïcs, ont fait l’objet d’accusations d’abus sexuels. «Cinq situations ont concerné spécifiquement des abus sexuels sur mineurs», précise-t-on.
Un choc
«Bien sûr que c’est un choc. Quelle honte. Durant tant d’années et lors de la confession. C’est épouvantable.»
L’abbé Richard Perron, responsable du Foyer de Charité Villa Châteauneuf, situé à Sutton, au Québec, se dit consterné par les résultats de la commission d’enquête.
«On a eu un premier choc, en septembre 2019, quand le père Moïse a annoncé qu’une enquête serait mise sur pied à la suite de témoignages reçus.»
Dans cette petite communauté de Sutton à laquelle l’abbé Perron s’est joint récemment, après avoir dirigé jusqu’à sa fermeture le Foyer de Charité Val Racine de Chicoutimi, «on disait que cela n’était pas possible, qu’on veut salir le père Finet». D’autres toutefois «estimaient qu’il fallait faire la lumière sur ces allégations».
«Les résultats sont sortis. J’espérais que tout cela soit faux», lance-t-il. «Une fois, on aurait dit que c’est une faiblesse. Mais tant de fois et durant tant d’années… c’est condamnable», lance ce prêtre du diocèse de Chicoutimi qui œuvre auprès des Foyers de Charité depuis maintenant 10 ans.
Il n’a donc pas connu le père Georges Finet. «Mais bien des personnes d’ici l’ont connu. Il est venu au Québec à plusieurs reprises. Et des Québécois, nombreux, sont allés à Châteauneuf-de-Galaure», dit-il.
«J’ai tant de la colère envers le père Finet. Quand on sait combien il était exigeant pour les membres des Foyers», a confié à l’abbé Perron une femme qui a participé à des retraites prêchées par le fondateur.
Tous les mois de l’année, des retraites spirituelles ont lieu au Foyer de Charité Villa Châteauneuf. Depuis mars, les retraites y sont annulées en raison de la pandémie.
Le responsable craint-il que les révélations sur le père Finet aient un impact négatif sur la participation aux retraites qui seront programmées lorsque les interdictions de rassemblements seront levées?
«C’est possible, dit-il, mais ce que l’on reçoit, ce sont des témoignages de sympathie. On reconnaît les bienfaits de l’œuvre. Le père Finet a faussé la mission mais cela n’enlève rien à ce que nous sommes.»
Mais ces événements «vont obliger un travail de réflexion sur le charisme des Foyers de Charité», estime le responsable de la maison de Sutton qui fêtera son 50e anniversaire l’an prochain. «Plus que cela, c’est un travail de refondation que l’on va vivre.»
Un chemin de vérité
Dans le site Web mondial des Foyers de Charité, on trouve une longue liste alphabétique de tous les prédicateurs de retraites spirituelles. L’auteur, poète et théologien québécois Jacques Gauthier en fait partie.
«Je suis de nouveau tombé de ma chaise en lisant les conclusions de l’enquête», lance celui qui, il y a quelques mois à peine, disait s’être senti trahi lorsqu’il a lu le rapport sur Jean Vanier, le fondateur de L’Arche.
«J’ai connu le père Finet quand j’étais jeune», raconte-t-il. C’était en 1973, la même année où il a séjourné en France et a vécu quelques mois auprès de Jean Vanier. «À L’Arche, on m’avait conseillé de rencontrer Marthe Robin. C’est le père Finet qui a permis que je la rencontre quelques minutes», dit-il. «Cette rencontre avec cette femme paralysée, ça été une grâce dans ma vie.»
Jacque Gauthier n’a pas revu le père Finet, ni même correspondu avec lui. «J’ai vécu une seule retraite là-bas et je peux dire que c’était un grand prédicateur, très vigoureux, au caractère trempé», se rappelle Jacques Gauthier qui est aujourd’hui un conférencier recherché et un prédicateur de retraites, notamment au Foyer de Charité de Sutton.
«Quelle souffrance d’apprendre tout cela. C’est très grave. C’est de la pédocriminalité», dit-il.
«Pour nous et pour les Foyers de Charité, c’est une épreuve qui nous oblige à emprunter un chemin d’humilité et de vérité. Et ce que je constate, c’est que les Foyers de Charité veulent prendre ce chemin et aller au bout de cette démarche de vérité. Ils vont en sortir grandis, j’en suis convaincu», ajoute Jacques Gauthier qui animera, en octobre 2021, une retraite de six jours à Sutton.
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