Selon le nonce apostolique du Saint-Siège aux Nations Unies, la visite du pape à l’ONU, le 25 septembre, doit être comprise comme une forme d’appréciation et de reconnaissance du rôle clé joué par cette organisation dans l’atténuation des conflits, des fléaux et des souffrances indicibles qui accablement ce monde, grâce à la diplomatie préventive et aux missions de paix qu’elle chapeaute.
Cela dit, la courte allocution de 30 minutes du pape devant l’Assemblée générale de l’ONU laissera sans doute quelques auditeurs sur leur faim, note Mgr Bernardito Auza, observateur permanent du Saint-Siège à l’ONU. Des enjeux parfois essentiels n’occuperont hélas qu’une portion congrue — une ou deux phrases, parfois moins — du discours du pape. C’est du moins ce qu’annonçait Mgr Auza aux journalistes, le 9 septembre, lors d’un point de presse tenu à la Mission diplomatique permanente du Saint-Siège à l’ONU.
D’une durée de deux heures et demie, la visite du pape François sera la plus courte effectuée par un pontife romain à l’Assemblée générale depuis 1965. Par contraste, les visites de Jean-Paul II à l’ONU, en 1979 et en 1995, ont duré respectivement quatre et cinq heures. Selon Mgr Auza, le séjour du pape aux États-Unis a dû être scindé, d’abord en raison des échéanciers serrés qui sont propres aux travaux des Nations Unies, et ensuite en raison de l’imposante délégation internationale appelée à participer à l’Assemblée générale et au Sommet spécial de l’ONU sur le développement durable.
Lors de son passage aux Nations Unies, le pape François aura des audiences privées et publiques avec le secrétaire-général Ban Ki-moon. Mgr Auza croit que l’audience privée pourrait être la « pièce maîtresse » de ce séjour car cela permettrait aux deux hommes « d’aborder les enjeux dont ils ne peuvent parler publiquement ». Le pape et le secrétaire-général participeront aussi à ce que le jargon onusien appelle une « réunion en neuvaine » — réunion à laquelle participent deux chefs d’État et leurs gardes rapprochées respectives.
Le pape François participera aussi à des rencontres bilatérales avec les présidents de la 69e et de la 70e session de l’Assemblée générale de l’ONU, c’est-à-dire l’Ougandais Sam Kutesa et le Danois Mogens Lykketoft. La dernière rencontre bilatérale du pape se fera avec le président russe Vladimir Poutine, lequel préside présentement le Conseil de sécurité. Faisant fi du protocole et de la logistique propre au complexe onusien, le pape rencontrera le personnel onusien dans le hall d’entrée de l’édifice du Secrétariat, avant de s’adresser à l’Assemblée générale. Lors des précédentes visites des papes à l’ONU, ceux-ci s’adressaient d’abord à l’Assemblée générale, participaient ensuite à des discussions bilatérales, puis rencontraient le personnel.
Mgr Auza a refusé de spéculer quant au contenu éventuel du discours du pape devant l’Assemblée générale. Il a cependant annoncé aux journalistes qu’il faut s’attendre à ce qu’il fasse allusion à l’importance des Nations Unies et à la suite à donner à l’Agenda 21 sur le développement durable (dont le Sommet débutera tout de suite après le discours du pape). Le discours du pape pourrait aussi traiter des changements climatiques, de l’éradication de la pauvreté et de la mise en place de mesures pour favoriser l’accès de tous aux soins de santé.
« Vous n’êtes pas sans savoir que le pape François est un homme surprenant. Je suis donc convaincu d’une chose : lorsque Sa Sainteté entrera dans la pièce, tout le monde l’écoutera attentivement, car personne, sauf l’Esprit saint, ne sait ce qu’il dira exactement », a noté Mgr Auza. Selon le nonce apostolique, le discours du pape sera prononcé en espagnol. Il dénoncera probablement les groupes terroristes qui commettent des attentats (soi-disant) au nom de Dieu ou de la religion — gestes sur lesquels le pape jettera son anathème. Il va peut-être aborder la question des migrants. Or, selon Mgr Auza, c’est probablement à Philadelphie que le pape prononcera « ses paroles les mieux senties » sur cet enjeu, car, dit-il, « il n’y sera pas étouffé par le protocole ».
Le nonce apostolique affirme que la Mission diplomatique permanente du Saint-Siège à l’ONU a fourni aux autorités vaticanes des informations précises « sur les enjeux de l’heure aux Nations Unies ». La nonciature onusienne a aussi transmis au Saint-Siège des « informations utiles » afin que le pape soit dûment préparé pour cette visite.
Le Saint-Siège est, avec la Palestine, l’une des deux entités étatiques à bénéficier du statut d’observateur permanent aux Nations Unies. La Mission diplomatique permanente du Saint-Siège à l’ONU a été créée en 1964. Son statut a été défini officiellement en 2004 par une résolution adoptée à l’unanimité par l’Assemblée générale. Mgr Auza explique que le Saint-Siège a souhaité — et souhaite encore — détenir un siège de simple observateur à l’ONU (plutôt que devenir membre à part entière, avec droit de vote). Cela permet au Saint-Siège d’afficher une neutralité absolue et de développer des relations d’amitié avec toutes les nations, sans discrimination. À titre d’observateur permanent, le Saint-Siège peut parrainer des résolutions, s’exprimer sur certains enjeux et signer des ententes multilatérales. Par contre, il ne peut voter, ni présenter sa candidature afin de combler des postes ou de siéger sur des instances de l’ONU.
Le Saint-Siège a cependant refusé de coparrainer une résolution palestinienne devant permettre de déployer les drapeaux des observateurs permanents sur le mât des bâtiments de l’ONU. La résolution a été approuvée le 10 septembre. Mgr Auza affirme que le Saint-Siège a pris acte de la tradition onusienne consistant à ne déployer que les drapeaux des États membres. Il se ralliera toutefois volontiers à la décision que prendra l’Assemblée générale. Il affirme que le Saint-Siège ne souhaite pas voir son drapeau flotter au mât de l’ONU au moment de la visite du pape. Le Vatican n’a cependant pas encore arrêté sa décision quant à la suite des choses.
Aux yeux de Mgr Auza, l’ONU peut s’enorgueillir des succès qui ont jalonné son histoire, lors des 70 dernières années. Il juge cependant que « l’incapacité de l’ONU à juguler la crise au Moyen Orient » est « un échec retentissant ».
Lors de son séjour à New York, le pape logera dans la résidence officielle de l’observateur permanent du Saint-Siège. Cette résidence victorienne cossue a été offerte au Saint-Siège en 1975 par les héritiers de Hugh Grant, un notable catholique qui fut maire de New York entre 1889 et 1892.
« À bien y penser, nous ne méritons de loger dans cette demeure. Nous ne l’avons pas achetée. Elle a gracieusement été offerte au pape par la famille Grant », affirme le nonce.
La pièce maîtresse de cette résidence se trouve au troisième étage. On y trouve une chapelle consacrée au Saint-Esprit où se trouvent d’ailleurs des reliques d’Ignace de Loyola, fondateur de l’ordre des Jésuites, ajoute Mgr Auza. Lorsqu’elle était encore la propriété de la famille Grant, un aumônier jésuite y célébrait la messe tous les jours. À la mort de son mari, en 1910, la veuve Julia Grant a cédé le bâtiment aux jésuites, qui y ont érigé une école préparatoire pour garçons. L’école secondaire Regis High a ouvert ses portes en 1914.
Beth Griffin, Catholic News Service
Trad. et adapt. Présence – information religieuse