Fuyant déjà la violence qui a mis leur pays à feu et à sang, des réfugiés originaires du Mozambique s’installent en grand nombre dans le Malawi voisin. Entassés dans un camp de fortune, dans le village de Kapise, au Malawi, ces réfugiés mozambicains doivent se débattre avec les nuits froides du pays voisin, mais aussi avec l’épidémie de malaria qui frappe la région.
Situé à une centaine de kilomètres de Lilongwe, la capitale malawite, le village de Kapise est aux prises avec la malaria. Selon Rufino Seva, le directeur du Service jésuite pour les réfugiés au Malawi, près de la moitié des migrants mozambicains ont contracté la maladie depuis qu’ils sont installés dans ce camp.
«La semaine dernière, il y avait environ 6500 personnes dans ce camp. Or, de nouveaux réfugiés débarquent ici à tous les jours», affirme Rufino Seva.
«J’ai vu une femme malade s’effondrer sur sol», dit-il. «Elle est arrivée ici par ses propres moyens, en compagnie de ses trois enfants.»
Seva se souvient aussi d’une autre femme tout aussi désespérée, arrivée au camp accompagnée de ses cinq enfants. «Elle a été séparée de son mari lorsqu’ils tentaient de fuir [le Mozambique] en compagnie de leurs enfants.»
Une guerre civile déchire présentement le Mozambique. Elle oppose le parti au pouvoir – le Front de libération du Mozambique (Frelimo) – aux guérillas de l’opposition: la Résistance nationale du Mozambique (Renamo). Le conflit s’est envenimé au lendemain des élections de 2014, remportées par le Frelimo. Le Mozambique est alors replongé dans la guerre civile (entre 1976 et 1990, des guerres sanglantes ont déchiré ce pays d’Afrique australe), mettant ainsi un terme à près de 20 ans de paix et d’accalmie.
Les réfugiés fuient les violences et le harcèlement dont ils sont l’objet de la part des troupes gouvernementales, dans la province Tete, bien connue pour ses riches gisements de charbon. L’organisme Human Rights Watch a rapporté plusieurs cas d’exécutions sommaires et d’abus sexuels dans cette région du Mozambique.
«Ces réfugiés sont des gens ordinaires pris entre deux feux, en raison de ce conflit qui oppose les troupes gouvernementales aux forces de l’opposition», ajoute Rufino Seva. La plupart des réfugiés du camp de Kapise ont quitté leur pays tôt le matin et se sont engagés dans une longue marche de près de huit heures, jusqu’au Malawi.
«La frontière entre le Mozambique et le Malawi est très poreuse», ajoute le jésuite David Holdcroft, directeur régional du Service jésuite pour les réfugiés en Afrique australe. L’organisme Médecins sans frontières a déployé un dispensaire mobile dans la région afin de faire face à la forte prévalence de la malaria chez les réfugiés mozambicains s’étant installés au Malawi, ajoute le père Holdcroft.
Selon Rufino Seva, près de 60% des réfugiés du camp de Kapise sont des enfants. Or, ceux-ci n’ont «presque pas de vêtements et souffrent du froid» qui prévaut dans cette région du Malawi.
Des abris de fortune ont été érigés sur des terres agricoles de la région, ajoute Seva. «Ce camp est situé en plein cœur de champs ensemencés qui n’attendent qu’à être moissonnés», ajoute-t-il.
«Personne ne sait combien de temps encore nous seront contraints d’avoir recours à cet arrangement temporaire», note Seva. Le gouvernement mozambicain espère d’ailleurs que ces personnes vont rentrer au bercail et refuse de considérer ceux-ci comme des réfugiés, préférant les qualifier de «personnes relocalisées hors des frontières».
«Il nous importe peu de savoir comment les uns et les autres appellent ces personnes», affirme Seva, en faisant allusion au travail effectué sur le terrain par le Service jésuite pour les réfugiés et les autres groupes humanitaires déployés au Malawi.
Malgré le nombre élevé d’enfants parmi les réfugiés, aucune infrastructure n’a été prévue pour permettre à ceux-ci d’être scolarisés durant leur exil, que ce soit dans le camp lui-même ou dans les écoles des environs.
Le Malawi fait face à une pauvreté structurelle, note Rufino Seva. Cette année, près de trois millions de personnes auront besoin d’aide alimentaire dans ce pays de 16 millions d’habitants.
«L’an dernier, le pays a été soumis à des sécheresses prolongées et à des inondations». Tant et si bien, ajoute-t-il; que le gouvernement malawite devra importer du maïs, lequel est une denrée de base dans la région.
En novembre dernier, les évêques catholiques du Mozambique ont exhorté le gouvernement et les rebelles a «adopter un cessez-le-feu immédiat et définitif et à revenir immédiatement à la table des négociations pour y mener un dialogue constructif». Les évêques déploraient «le décalage entre les paroles et les actes» des belligérants, tout en affirmant être «très inquiets» face à la détérioration constante de la situation politique et militaire du pays.
Bronwen Dachs, Catholic News Service
Trad. et adapt. Présence/Frédéric Barriault