Des membres de Développement et Paix du Québec pressent les évêques de tout le Canada de tenir un vote secret sur leur adhésion à la mission de l’organisme que leurs confrères ont créé il y a maintenant 53 ans.
Une seule question devrait être inscrite sur le bulletin de vote, souhaitent les 32 signataires d’un manifeste remis le vendredi 8 mai à Mgr Frank Leo, le secrétaire général de la Conférence des évêques catholiques du Canada (CECC): «Pour garder Développement et Paix comme organisme au sein de l’Église, sommes-nous prêts à lui redonner la latitude que l’épiscopat lui avait fournie lors de sa fondation?»
«On entend souvent dire que les évêques qui exercent des pressions sur Développement et Paix n’ont pas l’appui de l’ensemble de leurs confrères», explique Michel Laberge, l’instigateur de cette démarche.
«Quand on discute avec les évêques que l’on connaît, ils répètent qu’ils appuient Développement et Paix et qu’ils approuvent toujours sa mission.»
Pourtant, observe-t-il, depuis quelques années, certains évêques n’hésitent pas à critiquer ouvertement l’organisme de coopération internationale, ce qui l’affaiblit grandement et mine sa crédibilité.
«L’ensemble de la CECC est responsable de cette situation, certains évêques par abus de cléricalisme et les autres pour leur laxisme à l’égard des premiers», estiment les signataires du manifeste remis à tous les évêques du Canada ainsi qu’à tous les membres du Conseil national de Développement et Paix.
Les 32 signataires se disent aussi en total «désaccord avec la nouvelle structure proposée pour Développement et Paix» et annoncée il y a deux semaines. Le 28 avril 2020, les dirigeants de la CECC et de l’organisme de solidarité internationale se sont entendus pour réduire de moitié le nombre de membres élus au conseil d’administration de l’organisme et d’y intégrer quatre évêques, nommés par la conférence épiscopale.
«Nous n’acceptons pas ce changement de structures sans une consultation large de part et d’autre», écrivent les 32 signataires qui, pour la plupart, participeront la fin de semaine prochaine à l’assemblée régionale des membres francophones du Québec et du Nouveau-Brunswick.
Haro sur Deloitte
Ils n’apprécient guère non plus l’obligation faite à Développement et Paix d’utiliser les services de la firme de consultants Deloitte afin de conseiller les dirigeants de l’organisme, tant salariés que bénévoles.
Cette entreprise externe, «dont la mission est centrée sur la croissance économique commerciale et technologique», ne cadre «ni avec la mission de Développement et Paix ni avec la spiritualité chrétienne exprimée dans les Évangiles ni avec l’enseignement social de l’Église», estiment-ils.
Ils ne comprennent pas pourquoi certains évêques cherchent «à amenuiser la mission de Développement et Paix» par ces nouvelles structures et cette obligation de recourir aux services des consultants externes. «Il y a là quelque chose qui ressemble tristement à une mise en servilité ou un tutelle de Développement et Paix», écrivent-ils
Si de tels changements sont opérés sans l’aval des membres, les 32 signataires craignent que «l’organisme pour lequel nous travaillons comme bénévoles soit très différent de celui pour lequel nous nous sommes engagés, il y a 10, 15 ou 20 ans».
«Nous perdrons notre motivation à continuer à y œuvrer», avertissent-ils.
Parmi les signataires du manifeste qu’a fait circuler Michel Laberge, on trouve le nom d’un membre actuel du Conseil national de Développement et Paix et celui de deux ex-membres de cette instance, la plus importante de l’organisme.
Mardi, la CECC n’avait toujours pas accusé réception du manifeste, a indiqué son instigateur.
Contactée pour faire le point sur des enjeux se rapportant à la Caritas canadienne, la conférence épiscopale n’a pas donné suite à notre demande d’entrevue.
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