Alors que certaines régions du Québec ont basculé en zone rouge, le Centre de développement professionnel de la Faculté des arts et des sciences (FAS) de l’Université de Montréal offrira à partir du 12 octobre un cours en ligne qui fera une large place au phénomène de la guérison présent dans divers regroupements religieux au Québec.
«Dans ce cours nous parlons du phénomène de la guérison tel qu’il se présente dans différents courants religieux et spirituels comme les évangéliques, les catholiques charismatiques, les groupes du genre Wicca et néo-païens qui font des rituels non seulement pour les personnes, mais également pour la Mère Terre», explique Deirdre Meintel, anthropologue et directrice du Groupe de recherche Diversité Urbaine (GRDU).
Conçu pour les professionnels de la santé, le cours intitulé «La diversité des croyances et des spiritualités au Québec» est composé de trois modules (Individualisation, diversité et mobilité – Guérison, santé et bien-être – Migration, religion et intégration). Les participants pourront avoir un aperçu des résultats d’une vaste étude anthropologique sur les mouvements religieux aux Québec qui a duré dix ans.
«Nous sommes toujours en train d’exploiter les résultats. Ce projet de recherche a mobilisé une dizaine de chercheurs et plusieurs dizaines d’assistants. Nous avons analysé 232 groupes au Québec, dont 90 ont été étudiés en profondeur avec des méthodes ethnographiques et des observations participantes», explique l’anthropologue.
«Nous voulions étudier la modernité de la religion au Québec et les courants ou les types de groupes implantés depuis la Révolution tranquille. Cela pouvait être des nouvelles religions dans le sens historique ou des religions plus anciennes et nouvellement implantées dans la province. C’est une recherche qualitative à grande échelle. La guérison est un des thèmes qui revenaient constamment lors de notre enquête», précise-t-elle.
Surévaluation de l’athéisme
Les chercheurs ont eu l’occasion de constater, comme l’avait fait le sociologue Raymond Lemieux en 2002, «que très souvent chez les Franco-québécois, une quête spirituelle est déclenchée à la vie adulte par un deuil, une rupture, le chômage ou une maladie. Bref, par différents problèmes de la vie moderne. Ceci a été validé de manière constante lors de nos recherches», selon Deirdre Meintel.
Selon l’anthropologue, cette recherche spirituelle vient briser le mythe voulant que les Québécois soient «presque athées». Ce mythe est peut-être entretenu par ce que la chercheuse appelle le tabou de la religion. «Nous demandions aux personnes qui étaient actives dans tel ou tel courant s’ils parlaient de leur quête spirituelle à leur entourage. Ils nous répondaient: « Jamais ! » Cela nous a surpris!»
Autre surprise: l’importance des mouvements catholiques comme le Chemin neuf. «Je n’avais aucune idée de leur importance au Québec!»
Par ailleurs, bien que l’étude démontre que la majorité des mouvements étudiés ne rejettent pas la médecine, les chercheurs ont eu l’occasion d’observer des rituels de guérison. Ceux-ci n’avaient pas toujours comme but de guérir une maladie. «Certains veulent mieux vivre avec leur maladie incurable ou chronique. D’autres veulent guérir une relation brisée par un divorce ou par une crise familiale, par exemple.»
L’anthropologue a eu l’idée de lancer une telle enquête après avoir rencontré en 2000 un mouvement spiritualiste qui pratique la guérison par l’imposition des mains.
«Les membres de cette Église avaient également des pratiques que j’avais associées aux sociétés exotiques, comme la prophétie et l’exorcisme. C’est comme cela que j’ai réalisé qu’il y a des personnes qui ont des vies modernes, urbaines, mais qui ont des croyances et des pratiques insoupçonnées sur le plan religieux.»
Rôle dans la crise sanitaire
Deirdre Meintel est persuadé que ces mouvements de guérison ainsi que les religions peuvent jouer un rôle dans la crise sanitaire que nous traversons. «Lors de la première vague, il y aurait eu énormément d’intérêt pour leur service, mais les lieux de culte étaient fermés. De plus, toutes activités qui impliquent un contact physique étaient suspendues.»
L’anthropologue s’interroge également sur le fait que les lieux de culte ont été parmi les derniers endroits publics à avoir la permission de reprendre leurs activités. «Franchement, je ne comprends pas pourquoi!»
Le cours en ligne diffusé sur le site du Centre de développement professionnel de la Faculté des arts et des sciences «veut susciter des réflexions chez le personnel de la santé au sujet du religieux tel qu’il peut se présenter dans leur pratique et une vision de la religion au Québec contemporain qui va au-delà de ce que retrouvons dans les médias profanes», explique-t-elle.
Les participants pourront avoir accès à une documentation à la fine pointe de la recherche dans un langage adapté. «Nous leur offrons des lectures sous forme de capsules qui sont très faciles d’accès. Pour ceux qui veulent aller plus loin, des textes seront également disponibles.»
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