Guy Jobin est le premier à le reconnaître: devenir doyen ne faisait pas partie de son plan de carrière. Et encore moins pour la Faculté de théologie et de sciences religieuses (FTSR), lui qui est issu des sciences pures.
«Je suis un gars de sciences. J’ai toujours aimé ça», dit le cinquantenaire, assis sur le gazon à l’extérieur du pavillon inaccessible aux médias en raison des mesures contre la COVID-19. L’air décontracté, il se confie sur son propre parcours et sur ses plans pour la FTSR.
Le 1er juillet, le professeur Guy Jobin succédera officiellement à Gilles Routhier à la tête de la dernière Faculté de théologie au Québec. Il deviendra le quatrième doyen laïque de l’histoire de la Faculté, un rôle qu’il souhaite continuer d’axer sur la collaboration. «La crédibilité de la Faculté ne repose pas sur une personne et sur ses paroles publiques, croit-il. Ça repose sur le travail qu’on fait.»
L’expérience de la communauté
Originaire de Gaspé, Guy Jobin a d’abord obtenu un baccalauréat en génie géologique à l’Université Laval. C’est un questionnement personnel qui l’a amené vers la théologie.
«Au moment de mes études en génie géologique, la question de la foi est devenue importante pour moi. J’ai été membre d’une communauté religieuse pendant plusieurs années», explique-t-il. Il a fait le postulat et le noviciat chez les Religieux de Saint Vincent de Paul, surtout à Montréal. «J’ai quitté la communauté avant de faire des vœux perpétuels. Quand j’ai rencontré celle qui est devenue mon épouse, le choix s’est fait clairement», dit-il.
Il a gardé de cette expérience un intérêt pour la vie de communauté.
«Vivre dans une institution, un groupe, c’est apprendre à vivre avec d’autres qui pensent un peu différemment, rappelle-t-il. Une communauté religieuse n’est pas un ensemble de clones, loin de là! Chacun arrive avec sa différence. Sans que les conditions de vie soient similaires, je pense qu’il y a des similitudes avec ce que nous vivons au sein d’une Faculté de la taille de la nôtre: dans la manière de prendre des décisions, dans la nécessité de la discussion et de la consultation avec les collègues.»
Après avoir obtenu son doctorat en théologie à l’Université Saint-Paul en 2000, Guy Jobin a commencé sa carrière de professeur à la FTSR en 2002. Comme titulaire de la chaire Religion, spiritualité et santé, il se situe souvent à l’intersection des sciences pures et de la réflexion éthique et théologique.
Ces dernières années, ses intérêts de recherche portaient sur l’implication des intervenants en soins spirituels et l’aide médicale à mourir, les soins spirituels en milieux laïques de soins et la professionnalisation de l’intervention spirituelle dans les institutions non confessionnelles au Québec. Du côté administratif, il était vice-doyen de la FTSR depuis 2016 et responsable facultaire de la recherche et directeur de la revue Laval théologique et philosophique depuis 2017.
Une Faculté sur une lancée
Il prend les rênes d’une Faculté en bonne posture. Au cours des huit dernières années, neuf professeurs ont pris leur retraite mais 13 ont été embauchés. Ce sont également 13 chaires de leadership en enseignement qui ont été établies.
«On a eu une phase d’expansion assez intense pour une institution de cette taille-là», observe le professeur Jobin. «On a une équipe solide qui est là et qui sera là pour un bon bout de temps. Le doyen sortant Gilles Routhier laisse la maison en très bon ordre. On peut s’appuyer là-dessus. C’est le temps de la consolidation.»
Une consolidation qui consiste à continuer de déployer les forces et les talents des membres de la Faculté. «Non pas que ce ne l’était pas avant, dit-il, mais on est dans des conditions où il y a une certaine stabilité, et c’est dans la stabilité qu’on peut aller plus loin que lorsqu’on est dans l’urgence de la survie.»
Surtout, la mission de la FTSR reste plus que jamais d’actualité, fait-il valoir: «être au service de l’intelligence du religieux dans la vie des personnes, des institutions et de la société.»
«Une Faculté est une corporation de maîtres et d’étudiants. Ça met l’accent sur les personnes qui la composent. Si les uns sont là avec le désir d’apprendre, les autres avec le désir d’accompagner, on réalise notre mission.»
La FTSR n’est plus départementalisée depuis plusieurs années. Cela signifie que la théologie, la théologie pratique et les sciences des religions cohabitent sans se cantonner dans des silos.
«Cela peut s’accompagner de tensions, mais de tensions fécondes, puisque nous portons des points de vue différents sur les mêmes phénomènes. Cela sera toujours présent», assure Guy Jobin, qui observe que les collaborations internes ne sont pas rares et qu’elles sont fructueuses.
À sa place dans le monde universitaire d’aujourd’hui
Malgré ses 500 étudiants, la FTSR reste une «petite» Faculté. À titre comparatif, la Faculté des sciences de l’administration, celle qui compte le plus d’étudiants à l’Université Laval, comprend 7000 inscrits. Au cours des dernières années, la pertinence d’enseigner la théologie dans un cadre universitaire a parfois été remise en question par des intellectuels et des chroniqueurs. Cela met-il une pression particulière sur le nouveau doyen?
«Nommez-moi un champ disciplinaire qui soit à l’abri de ces contestations. C’est nous qui devons, par le sérieux de notre travail, par la qualité de l’enseignement et par la contribution dans les débats, montrer la pertinence de la présence de la théologie et des sciences des religions dans une Faculté. Cela dit, le statut de la Faculté n’a jamais été remis en cause par l’administration universitaire et je n’ai aucun signal que ce serait le cas dans les prochaines années. Au contraire, il y a un appui», assure le professeur Jobin.
Il fait par ailleurs valoir que ce travail est reconnu à l’externe. D’une part, au cours des 15 dernières années, jamais la FTSR n’avait eu autant de professeurs soutenus par des organismes subventionnaires, dont le Conseil de recherche en sciences humaines du Canada. «Cela veut dire que la valeur scientifique du travail qu’on fait ici est reconnue par des gens indépendants de nous. Cela ne fait jamais la manchette, mais ça fait partie de ce qu’on est: une Faculté qui est bien intégrée dans le monde de la recherche et de l’enseignement», dit-il.
Un rayonnement qui se fait également sentir à l’extérieur du pays, alors que la moitié des étudiants de 2e et 3e cycles proviennent de l’étranger. Le professeur Jobin souhaite continuer de faire de ce recrutement international une priorité. Tout comme il insiste sur les nombreux débouchés pour les étudiants.
«Nous formons des gens qui peuvent travailler dans le communautaire, dans les instances gouvernementales. Il y a des débouchés partout: quelqu’un qui a une tête bien formée, c’est quelqu’un qui pourra contribuer positivement. Pas juste au monde de l’emploi, mais à la vie de la société. C’est ce qu’on vise.»
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