«Que l’on révise le programme Éthique et culture religieuse, c’est ce que le milieu souhaite depuis longtemps», lance d’abord le professeur Jean-Philippe Perreault de la Faculté de théologie et de sciences religieuses de l’Université Laval.
«Mais que l’on réduise, à l’intérieur du programme, la place de la culture religieuse, comme cela semble être le souhait du ministre Roberge, cela m’apparaît tout simplement inquiétant», ajoute-t-il aussitôt.
«Il faudrait à tout le moins en débattre, non?» demande celui qui s’est imposé comme le spécialiste de l’enseignement de l’éthique et de la culture religieuse à l’école québécoise.
Ce qui l’inquiète surtout dans cette révision annoncée par le ministre Roberge, c’est d’abord sa «manière un peu cavalière» de rendre publique cette consultation puis le trop court «temps qui sera accordé aux consultations et à la mise en place du nouveau programme».
Le ministre de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur souhaite que le nouveau programme soit effectif à la rentrée de septembre 2022. «C’est l’erreur qui se répète», dit le professeur Perreault. Un délai trop court aura précisément été «la principale difficulté lors de l’implantation du programme ECR il y a dix ans».
Cette précipitation sera surtout éprouvante pour les enseignants «qui risquent de se trouver encore dans une situation où ils feront face à un nouveau programme peu ou pas outillés pour le donner, sans matériel didactique, sans avoir reçu assez de formation», avertit le spécialiste.
«Cela ne met pas en place des bonnes conditions pour valoriser la profession enseignante», lance le professeur.
Mais ce n’est pas une surprise pour lui que le ministre veuille réviser le programme. À plusieurs occasions, Jean-François Roberge, auparavant un professeur du primaire, a dit toute l’importance qu’il accordait au volet éthique de ce programme.
«D’un autre côté, on a beaucoup entendu le ministre dire que la pertinence du volet sur la culture religieuse était liée à des questions de géopolitique mondiale», reconnaît Jean-Philippe Perreault.
«Mais c’est plus fondamental que cela. Et pas besoin d’aller ailleurs pour s’en convaincre. Au Québec, l’actualité nous confirme cela tous les jours. De plus, ce n’est pas parce que la pratique religieuse est faible que ce n’est pas un défi ce vivre-ensemble dans des sociétés comme les nôtres. Il doit y avoir une place pour cela à l’école», dit celui qui prépare les futurs enseignants du primaire à enseigner le cours ECR.
L’annonce ministérielle a-t-elle causé de l’émoi parmi ses anciens élèves? Le professeur reconnaît n’avoir pas pu discuter encore avec son réseau, étant dans une salle de cours ce matin même. Mais il a noté cette réflexion d’un ami sur Facebook. «Cela fait 10 ans que j’enseigne une matière dont on me dit aujourd’hui qu’elle ne sera plus enseignée», a-t-il écrit.
«Vendredi prochain, je serai devant 70 étudiants et étudiantes afin de leur présenter le programme ECR. Qu’est-ce que je vais bien leur dire?», demande Jean-Philippe Perreault. «Je ne le sais pas encore.»
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