Depuis plusieurs années, le théologien Simon-Pierre Arnold met en garde les communautés religieuses qui, confrontées à leur déclin, seraient tentées de «réparer le vieux tissu avec une toile neuve» et de «mettre le vin nouveau dans de vieilles outres». Un message qu’il a répété la semaine dernière devant des dirigeants de communautés canadiennes.
Les congrégations religieuses du Canada avaient en effet invité ce moine bénédictin d’origine belge à leur adresser la parole lors de l’assemblée générale de la Conférence religieuse canadienne.
Vendredi dernier, à Dorval (Québec), devant un parterre composé de 252 religieuses et de 25 religieux représentant 90 congrégations canadiennes, celui qui se définit comme un «petit moine théologien qui vit au Pérou depuis plus de quarante ans» s’est risqué à partager de vive voix «intuitions, inquiétude et utopies».
Le vieillissement accéléré des communautés est «un phénomène irréversible, estime le bénédictin, fondateur d’un monastère dans les Andes. Il y a plusieurs façons d’affronter cette situation.
«À la différence de beaucoup de congrégations du Sud, qui rêvent encore des gloires du passé, la vie religieuse canadienne semble avoir abandonné ces nostalgies», a-t-il pu observer au cours de ses séjours au Canada et aux États-Unis et par ses lectures.
«Malgré les chiffres alarmants de votre vieillissement et l’absence presque totale de recrutement canadien, du moins dans vos familles spirituelles plus anciennes, vous avez opté pour mourir prophétiquement ou pour devenir « minorité-ferment-dans-la-pâte » de votre société et de votre Église», a-t-il noté.
Il estime que les communautés canadiennes doivent continuer d’«explorer avec courage des voies inédites de présence et d’incidence ecclésiale et sociétaire».
Elles empruntent déjà ces avenues quand elles font «pression sur les grandes sociétés minières canadiennes, présentes dans le pays du Sud et généralement peu respectueuses des cultures, des peuples et de l’écologie».
Le bénédictin a aussi tenu à féliciter les congrégations féminines canadiennes qui s’engagent «aux côtés de vos soeurs des États-Unis, dans une recherche théologique neuve, même si cela vous vaut pas mal d’incompréhensions de la part des secteurs hiérarchiques de l’Église».
Mais il faut faire davantage, a-t-il averti les chefs de communautés féminines et masculines réunis à Dorval. Il y a «urgence de penser et de créer un nouveau style de présence au monde».
«Il nous faut renouer avec l’évangile, avec nos origines minoritaires, marginales, martyres et prophétiques». Une telle attitude obligera les congrégations religieuses à «dénoncer, comme le fait le pape, nos dérives cléricales, aussi bien chez les hommes que chez les femmes. Nous avons souvent oublié l’attention aux marges, pour nous consacrer, presque exclusivement, à la perpétuation du système ecclésiastique et de ses institutions.»
«Nous sommes nés aux marges du monde, dans le désert», a rappelé Simon-Pierre Arnold lors de l’assemblée générale de la Conférence religieuse canadienne.
«C’est là que Jésus et le monde nous attendent encore aujourd’hui».