Le diocèse de Trois-Rivières abolit le poste de directrice des communications. En ce vendredi 1er février, celle qui l’occupe depuis 2006, Jasmine Johnson, s’arrête un dernier jour au bureau, histoire de finir de boucler ses dossiers et de saluer ses collègues une dernière fois.
Mme Johnson a travaillé 40 ans en communications pour le diocèse de Trois-Rivières.
«J’étais chez Distribution aux consommateurs. On m’a appelée pour me dire que l’abbé Roland Leclerc cherchait quelqu’un pour L’Église de Trois-Rivières», relate-t-elle. Sa candidature ayant été retenue, elle est entrée à l’emploi du diocèse en octobre 1978. Elle avait 22 ans et aucune formation en communications.
«Au départ, j’avais surtout été engagée pour produire L’Église de Trois-Rivières, une feuille brochée. Tout le journal était dactylographié. On découpait les sections et nous les montions sur une planche quadrillée et les collions avec des rouleaux de cire. Nous faisions nos titres avec une règle spéciale. S’il y avait une bavure d’encre, il fallait tout recommencer. C’était dans la moyenne de ce qui se faisait à l’époque. J’en avais l’entière responsabilité», raconte-t-elle.
Au cours de sa première année d’embauche, elle est allée se former en communications à l’Université Saint-Paul. Ses tâches ont fini par déborder la production du journal. On lui a confié le titre d’agente de pastorale en communication.
Elle a connu plusieurs directeurs des communications avant d’occuper elle-même ce poste au diocèse. Elle parle cependant avec admiration de Roland Leclerc, qu’elle n’hésite pas à qualifier de «mentor», bien qu’il ait quitté ce poste au tout début des années 1980.
«C’est quelqu’un qui m’a appris énormément. Il était transparent et disait les choses comme elles étaient, dit-elle. Il a longtemps questionné les positions de l’Église universelle et de son Église diocésaine. Il disait parfois son désaccord. Il avait une ligne éthique très intéressante: dans le traitement de la communication, c’était clair que le diocèse devait promouvoir les plus hauts standards d’éthique ainsi que la justice et l’équité. J’ai fait miennes ses préoccupations.»
Suivre l’évolution
Après quatre décennies à œuvrer au sein des communications diocésaines, elle est plus convaincue que jamais que l’Église gagne à être authentique, cohérente et transparente. Elle note que le rapport à la transparence a évolué au fil des années, et que celui-ci pouvait être «plus compliqué, surtout à l’époque». Elle se réjouit de voir que les mentalités ont évolué et que le personnel diocésain et les évêques sont désormais plus sensibles à cette réalité.
En revanche, elle note qu’au fil des années, certaines difficultés se sont accrues. C’est notamment le cas du langage, «qui est devenu très hermétique».
«À l’époque, on avait des journalistes qui étaient mandatés pour le fait religieux, rappelle-t-elle. Aujourd’hui, il y a beaucoup de jeunes journalistes généralistes, qui n’ont pas connu l’étape ‘judéo-chrétienne’, qui n’ont pas été formés aux sacrements, et qui ne comprennent pas le langage de l’Église», observe-t-elle, en s’abstenant de tout jugement. «Comme responsable, il faut mieux articuler le message. Mais il y a effectivement là une difficulté supplémentaire pour nous et les journalistes.»
Elle indique qu’au diocèse de Trois-Rivières, le service des communications a cherché à s’adapter en vulgarisant certains termes ou expressions, ce qui a eu du bon, même si les résultats demeurent parfois mitigés.
Mme Johnson s’estime heureuse d’avoir pu compter sur des collègues qui croyaient en l’importance des communications pour l’Église. Outre l’abbé Leclerc, elle salue l’engagement de Gilles Leblanc et de Mgr Martin Veillette, qui a été évêque de Trois-Rivières de 1996 à 2012.
Difficultés à venir
Elle raconte avec passion des initiatives diocésaines, dont le succès du projet La santé de l’Évangile, devenu L’aventure de l’Évangile, qui perdure encore aujourd’hui, et les efforts en vue du tournant missionnaire, qui consiste à repenser la manière dont s’articulent les communautés autour des paroisses.
Lorsqu’on lui a annoncé avant Noël que son poste serait aboli, elle n’a pas été très surprise. L’Office diocésain de pastorale du diocèse de Trois-Rivières a fait état de «contraintes budgétaires majeures», pour justifier cette décision.
«Je comprends: s’il y a un choix à faire entre abolir un poste d’agente de pastorale qui a une bonne formation et un poste plus technique… C’est un choix déchirant. Mais la mission de notre diocèse, c’est de faire de la pastorale», concède-t-elle.
Elle se fait cependant du souci pour l’avenir financier des diocèses québécois. Et plus particulièrement sur l’impact humain de tels choix difficiles. «Plusieurs auront l’obligation de faire des coupures pour des problèmes financiers. Je m’inquiète pour le carnet de santé de ces gens… Mes fonctions seront assumées par ceux qui restent. Et ils en ont déjà plein les bras.»
Ses fonctions seront essentiellement assumées dorénavant par Mélanie Charron, coordonnatrice de la pastorale d’ensemble du diocèse.
«J’ai demandé à ce qu’on ne souligne pas mon départ au diocèse. C’est un choix personnel, confie Mme Johnson. Je me sens émotive. Tu ne quittes pas un milieu après 40 ans sans y laisser une partie de ton cœur. J’ai toujours pensé que les hommages doivent être faits au personnel pendant qu’il est en fonction. J’ai aussi demandé à ne pas recevoir de cadeau: vous abolissez des postes pour des raisons financières, il faut bien que les bottines suivent les babines! C’est une question de cohérence. Mon cadeau, c’est d’avoir pu collaborer pendant 40 ans à la vie de mon Église. Et d’avoir pu collaborer avec des équipes extraordinaires qui travaillent très fort.»
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