Asia Bibi, la femme catholique acquittée de blasphème après avoir passé huit ans dans le couloir de la mort au Pakistan, se décrit comme «une prisonnière du fanatisme» dans son autobiographie récemment publiée.
La mère de cinq enfants a été condamnée à mort sur la base de preuves insuffisantes en 2010 après avoir été accusée de blasphème lors d’une dispute pour une tasse d’eau avec une collègue musulmane dans une ferme.
Salman Taseer, le gouverneur de l’État du Pendjab, et Shahbaz Bhatti, le ministre pakistanais des affaires des minorités, ont été assassinés pour l’avoir soutenue publiquement et avoir critiqué les lois pakistanaises sur le blasphème.
Bibi, âgée de 47 ans, a été acquittée par la Cour suprême du Pakistan en 2018 et vit maintenant en exil au Canada dans un lieu non divulgué après s’y être installée en mai dernier.
L’autobiographie de Bibi, Enfin libre!, a été écrite en français par la journaliste Isabelle-Anne Tollet, qui a fait campagne pour la liberté de Bibi et est la seule journaliste à l’avoir rencontrée au Canada.
«Vous connaissez déjà mon histoire grâce aux médias. Mais vous êtes loin de comprendre mon quotidien en prison ou ma nouvelle vie. Je suis devenue une prisonnière du fanatisme. Les larmes étaient les seuls compagnons dans la cellule», dit Bibi dans le livre.
Elle décrit le fait d’être enchaînée et de porter un collier de fer que les gardiens de prison pouvaient serrer avec un énorme écrou, précise ucanews.com.
«Au fond de moi, une peur sourde m’emmène vers les profondeurs de l’obscurité. Une peur déchirante qui ne me quittera jamais», dit-elle. «Je suis effrayée par le cri d’une femme. À mort! Les autres femmes renchérissent. Pendue! Pendue!»
Au Pakistan, pays à majorité musulmane, une allégation non fondée d’insulte à l’islam peut mener à un lynchage.
L’acquittement de Bibi a entraîné de violentes manifestations, menées par le chef politico-religieux Khadim Hussain Rizvi, qui ont paralysé le Pakistan.
Dans son livre, Bibi affirme que la minorité chrétienne est toujours persécutée au Pakistan.
«Même avec ma liberté, le climat ne semble pas avoir changé, et les chrétiens peuvent s’attendre à toutes sortes de représailles», dit-elle.
Bien qu’elle soit reconnaissante au Canada de lui avoir donné la sécurité et un nouveau départ, elle craint de ne pouvoir probablement jamais remettre les pieds dans son pays.
«Dans ce pays inconnu, je suis prête pour un nouveau départ, peut-être pour une nouvelle vie. Mais à quel prix?», demande Bibi.
«Mon cœur s’est brisé quand j’ai dû partir sans dire au revoir à mon père ou à d’autres membres de la famille. Le Pakistan est mon pays. J’aime mon pays, mais je suis en exil pour toujours.»
Elle qualifie les lois pakistanaises sur le blasphème d’«épée de Damoclès» suspendue au-dessus de la tête des minorités religieuses.
De 1987 à 2017, au moins 1 500 personnes ont été accusées de blasphème au Pakistan, tandis qu’au moins 75 personnes accusées de blasphème ont été assassinées, selon le Centre pour la justice sociale.
***