L’archevêque Christian Lépine veut comprendre pourquoi il a fallu près de vingt ans avant que les abus sexuels commis par Brian Boucher, un prêtre montréalais, ne soient connus des autorités diocésaines.
«Je veux savoir qui savait quoi et quand il l’a appris», lance Mgr Lépine lors d’une entrevue téléphonique. «Il y a des gens qui disent qu’ils ont communiqué avec le diocèse pour exprimer des réserves ou des questions. Ils se demandent quel suivi on a donné à leurs questionnements.»
L’archevêque de Montréal a l’intention de leur répondre. Il a demandé à la juge à la retraite Pepita G. Capriolo de mener une «enquête externe indépendante» sur les événements qui ont précédé l’arrestation du prêtre Brian Boucher en janvier 2017 et son éventuelle condamnation à huit ans de pénitencier le 25 mars 2019.
Mgr Lépine veut que la juge à la retraite «regarde l’ensemble de ce qui a été fait avant le procès au criminel ainsi que le procès canonique» entamé par les autorités religieuses.
«Quels sont les signaux qui ont pu parvenir au diocèse? Ont-ils été entendus? Comment un tel comportement peut-il passer inaperçu? On veut tout savoir sur ce qui a précédé les procès de 2019. Cela va nous permettre de voir à l’interne ce qui doit être amélioré dans nos processus, comment bien entendre les signaux qui nous sont envoyés et surtout comment éviter que de tel crimes se reproduisent», explique Mgr Lépine.
«Madame Capriolo aura accès à tous les moyens nécessaires pour procéder à une enquête approfondie», a indiqué ce matin l’archevêque qui promet aussi de rendre «publics les résultats dès que l’enquête sera terminée».
Reportage de la CBC
Au mois de juin 2019, le réseau anglais de Radio-Canada révélait qu’une victime de Brian Boucher avait été convoquée, fin 2016, à l’archevêché de Montréal, peu de temps après avoir porté plainte contre le prêtre auprès des policiers.
Il aurait été cuisiné durant plusieurs heures (grilled for hours) par neuf prêtres, dont certains, confie-t-il dans le reportage, cherchaient des incohérences dans la plainte qu’il avait formulée. La victime n’était pas accompagnée par son avocat lors de cette rencontre, qualifiée d’«horrible tentative pour obtenir des informations» par le dominicain américain Thomas Doyle, qui a témoigné en faveur de nombreuses victimes de prêtres en Amérique du Nord.
Lors de la diffusion de ce reportage, l’archevêché de Montréal avait refusé de commenter les allégations de la victime de Brian Boucher.
Ce matin, l’archevêque de Montréal n’a ni infirmé ni confirmé la tenue de cet interrogatoire entre une victime et des représentants de l’archidiocèse avant l’arrestation puis les aveux de culpabilité de Brian Boucher. Mais Mgr Lépine a déclaré que «l’honorable Capriolo a toute latitude à ce sujet».
«On va communiquer les résultats auxquels elle parviendra», promet Mgr Christian Lépine.
L’abbé Brian Boucher a étudié au Grand Séminaire de Montréal. Il a été ordonné prêtre le 7 juin 1996 à l’église St. John Fisher de Pointe-Claire.
En décembre 2015, après une dénonciation, les autorités diocésaines lui «ont immédiatement retiré de tout ministère sacerdotal et ont ouvert une enquête canonique» contre le prêtre montréalais.
En juillet 2016, le Vatican a autorisé Mgr Lépine «à entamer un processus pénal administratif». Ce procès ecclésiastique s’est terminé en mars 2019, au moment où il a été condamné à la réclusion par la Cour supérieure du Québec. La peine infligée par les autorités religieuses a été la laïcisation du prêtre.
«Comme cela est nécessaire dans tous les cas des abus sexuels sur mineurs, la décision doit être transmise à la Congrégation pour la doctrine de la foi au Vatican», a indiqué Erika Jacinto, attachée de presse de l’archevêque de Montréal.
«L’archidiocèse attend maintenant la réponse de Rome.»
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