Dans une vidéo mise en ligne le 19 janvier, l’archidiocèse de Québec détaille les changements qui toucheront l’organisation de ses équipes pastorales au cours de l’année. Alors que les ressources humaines et matérielles continuent de diminuer, il entend miser sur une réorganisation des équipes pastorales afin de mettre l’accent sur des activités missionnaires.
Ce ne sont pas moins de 75 % des paroisses qui seront affectées par ce changement, tant en milieu urbain qu’en milieu rural.
Comme c’est le cas depuis quelques années, le mot d’ordre est «mission». Celui-ci s’accompagne cette fois de constats lucides face aux limites du modèle actuel.
S’adressant à la caméra, le cardinal Gérald Lacroix, rappelle que l’Église de Québec est née de la mission. Une réalité d’autant plus marquante aujourd’hui alors qu’elle est largement délaissée par une majorité de la population.
«Nous ne pouvons plus nous satisfaire de donner de bons services pastoraux aux personnes qui participent fidèlement à nos assemblées et nos mouvements, déclare le cardinal Lacroix. Ces personnes représentent maintenant une infime partie de la population qui nous est confiée.»
L’évêque auxiliaire Marc Pelchat indique que ces dernières années, la vie des paroisses a reposé sur des équipes qui ont porté «presque tout» du fonctionnement quotidien, se concentrant souvent sur les «services attendus».
«Nous devons maintenant réorienter nos équipes pastorales vers une activité plus intensément missionnaire, tournée vers les personnes et les groupes que nous rejoignons trop peu», tranche Mgr Pelchat.
Cet appel à sortir des cadres habituels vise à «libérer des énergies» afin d’aller vers la population qui n’est actuellement pas atteinte par les propositions de sens de l’Église.
Il faut accepter, ajoute le cardinal Lacroix, que les ressources humaines en pastorale – c’est-à-dire les prêtres, les diacres et les laïcs – «envisagent de travailler à la diffusion du message évangélique à l’extérieur de nos cadres habituels», avec des nouveaux moyens, sur de nouveaux territoires.
C’est ainsi, explique-t-il, que l’archidiocèse a décidé de «reconfigurer à partir de maintenant les équipes pastorales qui sont réparties dans les divers milieux et de réviser leur déploiement sur notre territoire, en redéfinissant ainsi leur mandat».
Au cours de la dernière décennie, le nombre de paroisses est passé de 200 à 38 sur le territoire diocésain. Ces 38 paroisses ont ensuite été organisées en 29 grandes unités pastorales.
«Les ressources disponibles ne nous permettent plus depuis longtemps de nommer des pasteurs et d’autres collaborateurs pastoraux en nombre suffisant pour satisfaire les besoins de toutes les communautés», confirme Marie Chrétien, la coordonnatrice de la pastorale diocésaine. «Présentement nous manquons de ressources pour attribuer une équipe pastorale à chacune de ces grandes unités.»
Le diocèse constituera désormais des unités pastorales élargies, qui s’articuleront autour de nouvelles équipes qui collaboreront avec des personnes engagées dans les divers milieux.
Le cardinal annonce que, selon le scénario prévu, 21 des équipes pastorales actuelles seront «reconfigurées pour constituer neuf équipes missionnaire».
Jointe par téléphone mardi, la directrice des communications de l’archidiocèse de Québec, Valérie Roberge-Dion, précise que depuis l’enregistrement de la vidéo, une autre équipe est concernée. Autrement dit, 22 unités pastorales deviendront 10 unités missionnaires. Pour les sept autres unités restantes, la transition est déjà faite ou suivra plus tard, sans doute en 2022. «On parle de partage de ressources humaines», confirme-t-elle, affirmant qu’il ne s’agit pas d’un regroupement juridique de paroisses comme lors du processus qui s’est terminé en 2019.
Ces changements seront effectués pour la prochaine année pastorale qui débutera le 1er août 2021. D’ici là, le diocèse entend poursuivre les consultations pour «préciser les rôles et responsabilités de chacun» et déterminer selon quelles nouvelles ententes financières et administratives les paroisses continueront à opérer.
«Il y a du pain sur la planche», convient Mgr Martin Laliberté, lui aussi évêque auxiliaire à Québec, qui confirme que cela signifie que l’Église doit transformer ses façons de faire en profondeur. «Ces transformations-là, c’est pour assurer un avenir au Peuple de Dieu, corps du Christ, dans le monde d’aujourd’hui est qui est plus distant de ses racines religieuses», dit-il.
Le cardinal Lacroix estime qu’il faudra effectivement s’habituer à un «nouveau visage de l’organisation de l’Église». Il fait appel aux employés pour «accueillir favorablement» ces changements et les invite à se demander comment y collaborer.
Par ailleurs, l’archevêque de Québec a profité de l’occasion pour annoncer d’autres changements à anticiper pour l’avenir de l’Église de Québec. Ainsi, il évoque la possibilité que les célébrations eucharistiques soient éventuellement centrées autour de «quelques églises centrales».
«L’utilisation de nos lieux de culte et d’autres bâtiments devra être réévaluée. Car le poids financier de ceux-ci c’est alourdi et restreint considérablement notre capacité de remplir notre mission essentielle», dit-il. «Le nombre de célébrations eucharistiques devra également faire l’objet d’une révision, car les prêtres, beaucoup moins nombreux qu’auparavant, ne peuvent se limiter à multiplier les célébrations sacramentelles tout en négligeant d’autres formes de présence.»
Il faudra également s’attendre à ce que le diocèse ait «moins de personnel rémunéré» et «plus de personnes engagées au nom de leur foi parce qu’elles croient en la vie chrétienne communautaire».
Une personne bien au faît des dossiers diocésains, mais qui exige l’anonymat pour pouvoir s’exprimer librement, accueille ces annonces avec un mélange d’enthousiasme et de réalisme. D’une part, estime-t-elle, en procédant ainsi, l’Église de Québec évite d’ouvrir la boîte de Pandore que serait une réforme plus en profondeur de la Loi sur les fabriques. Elle évite aussi de se relancer dans un cycle de bouleversements juridiques entre les paroisses. «Pour ne pas toucher à ça, on opte pour regrouper les ressources pastorales d’un même secteur», constate-t-elle.
Quant aux chances de réussite de l’opération, elle a ses réserves, affirmant que ce ne sont pas les tentatives de changement et d’évolution qui ont manqué au cours des dernières années, mais que celles-ci se sont rapidement butées à «l’incroyable inertie du terrain».
Mise à jour: 18 h 09, le 19 janvier 2021. Ajout des propos de Mme Roberge-Dion.
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