Le gouvernement australien se prépare à présenter les premières lois sur la liberté de religion du pays, mais certains hauts dignitaires religieux catholiques craignent qu’elles n’aillent pas assez loin.
Des membres du Cabinet ont approuvé un ensemble législatif, encore confidentiel, le 20 août dans la capitale Canberra. Le procureur général, Christian Porter, a indiqué qu’il était encore nécessaire de procéder à plus de «modifications».
Des observateurs ont déclaré que ces discussions impliqueraient probablement d’intenses discussions dans les coulisses avec des membres plus conservateurs du gouvernement qui, comme l’Église, ont publiquement exprimé leurs préoccupations quant au fait que les lois ne seraient pas suffisantes.
«Nous sommes en faveur d’une loi sur la discrimination religieuse, mais il est important que ce soit une loi positive, pas une exception», a déclaré l’archevêque de Melbourne, Peter Comensoli, au quotidien national The Australian.
«Nous avons souscrit à un certain nombre de pactes internationaux concernant la liberté de religion en tant que droit fondamental de l’homme. Nous sommes impatients de voir comment en tenir compte dans notre législation.»
Un projet de loi – visant à refléter les lois antidiscrimination existantes en matière de race, d’âge et de handicap – devrait être publié dans les prochaines semaines, à l’issue de nouvelles consultations. Le Sénat, où le gouvernement n’a pas de majorité et s’appuie sur le soutien d’indépendants et de petits partis, tiendra également sa propre enquête une fois le projet dévoilé.
«Je suis sur le point de finaliser un projet de loi. Des ajustements sont en cours et je pense qu’un projet de loi sera publié dans les prochaines semaines, avant la reprise des travaux du Parlement en septembre», a déclaré Porter.
L’Archevêque de Sydney, Anthony Fisher, qui est devenu la principale voix conservatrice de l’Église australienne, a également exprimé sa crainte que les lois ne soient pas suffisantes.
Porter a rencontré Mgr Fisher au début du mois de juillet, après que le prélat eut critiqué le manque de consultation des groupes religieux et affirmé que le gouvernement précipitait son projet de loi.
Le premier ministre Scott Morrison, le premier dirigeant australien pratiquant de religion évangélique, a rencontré un groupe de 21 dirigeants religieux plus tôt en août. Ses deux prédécesseurs, Malcolm Turnbull et Tony Abbott, sont tous deux catholiques.
Question de discrimination
Certains groupes religieux reprochent à la législation de ne pas donner aux entreprises ou aux personnes le droit de discriminer certains groupes de personnes – tels que les homosexuels ou les transgenres – si traiter avec de tels groupes était contraire à leurs convictions religieuses.
«Ce que nous visons à réaliser a été décrit à juste titre par la présidente de la commission des affaires publiques anglicanes, Carolyn Tan, aujourd’hui comme étant un ‘bouclier’ contre la discrimination, et non une ‘épée’, a déclaré Porter. Les lois protégeront les personnes contre la discrimination, mais ne leur donneront pas l’autorisation de discriminer contre d’autres personnes.»
Le gouvernement et les groupes religieux ont manifesté leur soutien pour d’éventuelles nouvelles lois sur la liberté religieuse lors de l’âpre débat sur le mariage de même sexe en Australie en 2017. Le gouvernement, alors dirigé par Turnbull, remplacé par Morrison en août 2018, a été contraint de faire des compromis avec les factions conservatrices.
Un appui à ces nouvelles lois a émergé tant au sein du gouvernement que chez des groupes religieux en marge de l’âpre débat national sur le mariage de personnes en même sexe en Australie en 2017. Le gouvernement, alors dirigé par Turbull, remplacé par Morrison en août 2018, avait alors été contraint de faire des compromis pour satisfaire des factions plus conservatrices en son sein.
Au lieu d’un vote parlementaire direct sur le mariage homosexuel, le gouvernement a organisé un plébiscite non contraignant par la poste, qui a finalement conduit à la légalisation. Parallèlement, l’ancien ministre de la Justice et ministre de l’Immigration, Philip Ruddock, a été chargé de diriger un groupe d’experts sur la discrimination religieuse, qui a rendu un rapport au gouvernement en mai 2018.
«Le groupe d’experts a conclu qu’il était possible de protéger davantage et de mieux promouvoir le droit à la liberté de religion dans le droit australien et dans la sphère publique», a déclaré le gouvernement de l’époque.
Le rapport de la commission a formulé 20 recommandations visant à renforcer la protection du droit à la liberté de religion en Australie, à la fois par le biais de modifications de la législation nationale, d’États et de territoires et de mesures non législatives.
Outre les nouvelles lois, la Commission de réforme de la législation australienne étudie actuellement les exemptions religieuses aux lois en vigueur en matière de discrimination. Il s’agit de s’assurer que les exemptions législatives existantes à la discrimination fondée sur l’identité d’une personne sont limitées ou supprimées, tout en protégeant le droit des groupes religieux de fonctionner «conformément à leur philosophie religieuse», comme séparer les hommes et les femmes ou porter des vêtements traditionnels.
Malgré tout le tapage que suscite la législation, de plus en plus d’Australiens se disent non-religieux. Lors du dernier recensement national réalisé en 2016, près du tiers des Australiens – 30% – ont déclaré ne pas avoir de religion.
Michael Sainsbury
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