Évoquant un manque de soutien pour un dialogue ouvert et pour une ligne éditoriale dirigée par des femmes, la directrice et l’équipe éditoriale d’un magazine féminin du Vatican ont démissionné.
Mais le rédacteur en chef de L’Osservatore Romano, le journal du Vatican, qui publie le magazine féministe, a rétorqué qu’il avait accordé au personnel «la même autonomie et la même liberté» qui ont caractérisé son travail depuis ses débuts.
«Il y a un retour à l’auto-référentialité cléricale et un abandon de cette ‘parrhesia’ (courage) si souvent demandée par le pape François», a déclaré Lucetta Scaraffia, fondatrice et directrice de Donne Chiesa Mondo (Femmes Église monde), un supplément mensuel à L’Osservatore Romano.
En décembre, le pape François a nommé Andrea Monda, journaliste italien et professeur de religion, au poste de rédacteur en chef de L’Osservatore Romano.
La nouvelle direction du journal n’a pas apporté son soutien à la mission du magazine et a tenté de «l’affaiblir» en lançant des initiatives qui «semblent compétitives, avec le résultat de dresser les femmes les unes contre les autres, au lieu d’encourager une discussion ouverte», a écrit Scaraffia dans un éditorial qui devait être publié dans le numéro du 1er avril du supplément féministe.
Scaraffia a envoyé à l’agence Catholic News Service une copie de l’éditorial du 26 mars et une copie d’une lettre ouverte au pape François, expliquant leur démission.
Les nouveaux auteurs de Monda pour L’Osservatore Romano et ses propositions de nouveaux auteurs pour le supplément, a déclaré Scaraffia, suggèrent qu’elle et le comité de rédaction ne sont plus considérés comme dignes de confiance. Cela a fermé la porte à toute chance d’un dialogue en «vérité, libre et courageux», a-t-elle déclaré dans l’éditorial.
Dans une note publiée par le service de presse du Vatican, Monda a déclaré qu’il n’avait jamais tenté d’affaiblir le magazine, soulignant que son budget avait été entièrement approuvé et que ses traductions étaient garanties, malgré la nécessité de réduire les coûts au sein de la curie.
«Mon engagement a été et reste de renforcer l’édition quotidienne de L’Osservatore Romano, certainement pas en termes de concurrence mais de complémentarité avec le supplément», a-t-il écrit.
«En aucun cas je n’ai choisi qui que ce soit, homme ou femme, selon le critère de l’obéissance. Bien au contraire, en évitant toute ingérence dans le supplément mensuel, j’ai poussé le journal à créer un débat vraiment libre, non construit sur une dynamique d’un côté contre un autre» ou cliques fermées, a-t-il ajouté.
Monda a indiqué que le supplément mensuel continuerait «sans cléricalisme d’aucune sorte».
La publication a commencé par une insertion mensuelle dans le journal du Vatican il y a sept ans afin d’attirer l’attention sur la voix des femmes. Quand il a été relancé en 2016 en tant que magazine, le cardinal Pietro Parolin, secrétaire d’État du Vatican, a déclaré: «Si nous n’écoutons pas attentivement la voix des femmes dans les grands moments décisifs de la vie de l’Église, nous perdrons» la contribution cruciale du génie féminin dans l’Église.
Scaraffia a déclaré que le numéro du 1er avril serait le dernier pour elle et le comité de rédaction entièrement féminin, afin de «préserver leur dignité».
La publication, qui a reçu le soutien et l’encouragement des papes Benoît XVI et François, a-t-elle dit, a été fondée pour être autonome et dirigée par des femmes.
Dans sa lettre au pape François datée du 21 mars, Scaraffia a déclaré qu’elles «jetaient l’éponge parce que nous nous sentions entourées d’un climat de méfiance et d’une délégitimisation continue».
En raison de leur ouverture à explorer le monde des femmes dans l’Église et d’autres religions, Scaraffia a déclaré avoir été en mesure de couvrir et d’explorer de nombreux nouveaux sujets et expériences, y compris les sévices infligés aux femmes religieuses.
«Il semble maintenant qu’une initiative vitale ait été réduite au silence et qu’on renoue avec la coutume désuète et aride de choisir, du haut, le contrôle direct d’hommes et de femmes jugés dignes de confiance.»
Carol Glatz
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