La congrégation des Oblats de Marie-Immaculée dit que ses membres sont «dévastés par les témoignages troublants» publiés par Le Journal de Montréal concernant les agissements de leur confrère Alexis Joveneau, un oblat originaire de la Belgique qui a vécu à La Romaine (Unamen Shipu), en Basse-Côte-Nord, de 1953 jusqu’à son décès en 1992.
Depuis quatre jours, le nom du père Joveneau fait la une de toutes les éditions du Journal de Montréal. Il y est qualifié, en grosses lettres, de «monstre de la Côte-Nord» dans une enquête menée par la journaliste Magalie Lapointe.
Le quotidien montréalais a d’abord publié le vendredi 23 mars un premier texte où il annonce que «durant 39 ans, le père Alexis Joveneau a agressé des dizaines d’enfants et de femmes». Le Journal de Montréal explique alors que jusqu’au mardi 27 mars, il publiera des «témoignages accablants» de 19 victimes qui ont accepté de parler à visage découvert. Présentées aux responsables de la congrégation religieuse, les preuves recueillies ont «poussé la communauté des pères Oblats à s’excuser publiquement», indique le quotidien.
«Tolérance zéro», assure la communauté
Vendredi matin, la congrégation a publié une déclaration dans laquelle elle salue «le courage des victimes présumées».
«Leurs témoignages méritent accueil, attention et toute notre compassion», ajoute la déclaration qui n’est pas signée mais qui a été acheminée aux médias par Raymond Marquis, responsable de l’intégrité professionnelle auprès de la Province Notre-Dame-du-Cap des Missionnaires Oblats de Marie Immaculée et ex-vicaire provincial de la communauté.
«D’emblée, nous réaffirmons que nous condamnons toute forme de violence physique ou psychologique. En cette matière, nous sommes déterminés à appliquer une politique de tolérance zéro.»
Avant que des témoignages d’agressions sexuelles n’aient été publiés dans les éditions de samedi et de dimanche du Journal de Montréal, les Oblats de Marie-Immaculée, sans jamais mentionner le nom du père Joveneau, ont dit souhaiter «ardemment que toute la lumière puisse être faite sur ces allégations». La congrégation entend aussi «accompagner les victimes présumées pour les aider à surmonter leur douleur et enclencher le nécessaire processus de guérison».
Les autorités religieuses expliquent avoir mis en place une ligne 1‑800 (1-800-450-8701) afin de permettre «aux victimes potentielles de s’exprimer sur toute forme de violence physique ou psychologique qu’elles auraient pu subir».
«Un comité aura la responsabilité d’analyser les témoignages et d’assurer un suivi», mentionne-t-on, sans préciser si des autochtones et des avocats seront membres de ce comité. «La congrégation est aussi ouverte à offrir aux victimes présumées un soutien psychologique professionnel», ajoute-t-on.
Enquête journalistique
Le samedi 24 mars, Le Journal de Montréal publie plusieurs témoignages dont celui de Pierrette Mestenapéo, aujourd’hui âgée de 59 ans, qui raconte avoir été agressée sexuellement dès l’âge de 12 ans par l’oblat Alexis Joveneau. «L’agression s’est produite au confessionnal, l’un des endroits préférés du religieux pour abuser de ses jeunes proies», indique la journaliste Magalie Lapointe.
Elle a aussi rencontré Siméon Malleck, 36 ans, qui dit qu’à l’âge de 8 ans, le jour de sa première communion, il est entré au presbytère avant la cérémonie. Il a alors été déshabillé par l’oblat Alexis Joveneau qui s’est déshabillé à son tour et a caressé le jeune garçon. «Déterminé à assouvir ses pulsions sexuelles, Alexis Joveneau, qui avait alors 63 ans, a pris la tête du petit garçon et lui a indiqué quoi faire…», a écrit Le Journal de Montréal.
Samedi, deux des sept pages du journal consacrées au «monstre de la Côte-Nord» affichent le témoignage de Marie-Christine Joveneau, la nièce du missionnaire, qui dit avoir été agressée sexuellement plus de 200 fois par son oncle au début des années 1980. À l’époque, au terme de ses études en Belgique, elle a demandé à travailler avec cet oncle, missionnaire auprès des Autochtones, qui jouissait d’une grande notoriété dans sa famille. «Elle s’y est fait piéger et est devenue, bien malgré elle, le jouet sexuel du religieux.»
Aujourd’hui âgée de 57 ans, Marie-Christine Joveneau a décidé de raconter son histoire au Journal de Montréal après qu’elle ait appris que les femmes qui avaient témoigné contre son oncle, au mois de novembre 2017, lors des audiences de l’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées, avaient été «traitées de menteuses».
«Ce que ces femmes disent est vraiment vrai», a-t-elle déclaré dans une entrevue vidéo déposée dans le site Web du quotidien montréalais.
Réactions des autorités religieuses
La Conférence des évêques catholiques du Canada n’a pas voulu commenter les faits rapportés par Le Journal de Montréal. «La CECC ne commente pas les cas qui sont sous la juridiction des diocèses et/ou des communautés religieuses», a-t-on répondu.
Comme les faits allégués ont eu lieu dans une paroisse de l’actuel diocèse de Baie-Comeau, le journaliste de l’agence Présence a aussi demandé à l’évêque Jean-Pierre Blais de commenter.
«Mgr Blais ne commentera pas la série d’articles, mais comme il l’avait exprimé aux communautés innues de Pakua Shipi et de La Romaine en décembre dernier, il est profondément consterné et affligé face aux témoignages qui ont été livrés et il porte ces communautés dans la prière», a expliqué le service des communications du diocèse de Baie-Comeau.
Aucun commentaire n’a été émis par la Conférence religieuse canadienne (CRC), une association qui représente les supérieurs des congrégations de tout le Canada. «La direction de la CRC a reçu aujourd’hui le communiqué des pères Oblats de Marie-Immaculée. Elle ne souhaite ajouter aucun commentaire quant aux déclarations faites par la communauté religieuse», a-t-on répondu à la demande de l’agence de presse Présence.
Mgr Luigi Bonazzi, nonce apostolique au Canada, n’était «pas à son bureau aujourd’hui», a-t-on indiqué au journaliste qui demandait à la nonciature de commenter l’enquête journalistique.