«Depuis 50 ans, la Cisjordanie, Jérusalem-Est et Gaza subissent une occupation qui viole la dignité humaine, aussi bien celle des Palestiniens que des Israéliens. C’est un scandale auquel nous ne pourrons jamais nous habituer», déclarent des évêques catholiques d’Europe et d’Amérique du Nord au terme d’une mission de six jours en Terre Sainte.
Cette déclaration, forte et directe, le seul évêque canadien membre de la délégation, Mgr Lionel Gendron, ne la renie certainement pas.
«On n’a pas à prendre parti mais nos visites annuelles depuis 1998 nous ont fait observer que cette occupation entraîne des souffrances, tant pour les Palestiniens que pour les Israéliens. Assez, c’est assez», lance l’évêque de Saint-Jean-Longueuil au Québec, un habitué de ces séjours annuels en Terre Sainte.
Les membres de la délégation épiscopale s’opposent fermement à l’établissement de colonies juives sur le territoire palestinien. «Cette annexion de fait des terres compromet les droits des Palestiniens dans des territoires comme Hébron et Jérusalem-Est.» Ces opérations mettent «également en péril les chances de paix», préviennent les évêques.
«On ne fait ici que répéter ce que les pays membres des Nations Unies disent», ajoute le vice-président de la Conférence des évêques catholiques du Canada, joint à Amman en Jordanie.
Les douze évêques signataires de la déclaration épiscopale rappellent aux chrétiens qu’ils doivent se préoccuper du sort des habitants de la bande de Gaza, victimes d’«une catastrophe humanitaire».
«Nous avons la responsabilité d’aider le peuple de Gaza, qui vit plongé dans une véritable catastrophe humanitaire que l’homme lui-même a provoquée. Ses habitants ont maintenant passé une décennie sous le ‘blocus’, aggravé par une impasse politique alimentée par la mauvaise volonté qui sévit de tous les côtés», écrivent les évêques dans leur déclaration émise à la toute fin de leur séjour.
Mgr Gendron, qui s’est rendu dans la bande de Gaza la semaine dernière, reconnaît que la générosité envers la population gazaouie ne sera pas facilement acquise.
«Dans mon diocèse, je sens que beaucoup de nos gens sont craintifs devant tout ce qui touche aux musulmans. Je constate qu’il y a de l’hésitation à donner pour Gaza, notamment à cause du Hamas, le parti dirigeant qui est considéré par beaucoup d’États comme un groupe terroriste», dit-il.
«Mais la misère à Gaza est toujours aussi grande. Oui, il y a de la reconstruction qui se fait mais beaucoup de gens n’ont pas de demeure permanente», raconte l’évêque de Saint-Jean-Longueuil qui s’était aussi rendu à Gaza en 2016. Il veut partager, à son retour dans son diocèse, «ce que les communautés chrétiennes, et particulièrement les catholiques [y] font».
L’évêque s’est dit impressionné par des programmes d’aide qu’il a pu visiter. Ces programmes sont mis sur pied par l’organisme américain Catholic Relief Services, par Développement et Paix ou encore par l’Association catholique d’aide à l’Orient (CNEWA). Le directeur national de CNEWA, Carl Hétu, qui a accompagné Mgr Gendron lors de sa visite en Terre Sainte, ajoute que certains projets de développement dans la bande de Gaza sont financés par le gouvernement canadien.
Dans leur déclaration, les évêques appellent enfin à une «résistance non violente», une stratégie efficace pour faire «face à des injustices telles que la construction persistante du mur de séparation sur les terres palestiniennes, notamment dans la vallée de Crémisan».
Pour Carl Hétu, «cette déclaration des évêques ne doit pas être vue comme une attaque contre les juifs ou contre la société israélienne», mais «on doit reconnaître que l’occupation du territoire amène de la ségrégation et de la division dans la population. La cause des tensions actuelles dans la société israélienne, c’est l’occupation des terres. Cette situation est terrible, tant pour le moral des Israéliens que des Palestiniens.»
«S’il n’y avait pas d’occupation, il y aurait davantage de dialogue et d’échanges dans la population», croit le directeur de la branche canadienne de CNEWA. «Sans occupation, on aurait une chance de connaître la paix en Terre Sainte», ajoute Mgr Gendron.
Réaction de la communauté juive
«C’est très décevant de voir nos amis catholiques publier un communiqué si partial», réagit Richard Marceau, conseiller politique principal auprès du Centre consultatif des relations juives et israéliennes (CIJA).
Il ne comprend pas que dans la déclaration des évêques catholiques «les attaques terroristes palestiniennes soient occultées tout comme le refus constant de la part des Palestiniens de reconnaître la légitimité de l’État juif».
«Depuis des décennies, les études montrent que les Israéliens veulent la paix, une paix basée sur la solution de deux États pour deux peuples, et qu’ils sont prêts à faire les compromis nécessaires pour y parvenir».
La déclaration épiscopale mentionne précisément cette solution, fait-on remarquer au conseiller politique du CIJA. Mais ce qu’elle ne dit pas, répond-il, c’est que «depuis l’an 2000, les gouvernements israéliens ont fait trois offres globales qui auraient créé un État palestinien et que les trois ont été rejetées par les Palestiniens».
«Le fait que rien de cela n’a été mentionné dans le communiqué démontre un manque de compréhension fondamental des véritables barrières pour la paix», ajoute Richard Marceau, un ancien député du Bloc québécois.
«Franchement, nous nous attendons à mieux de la part du leadership d’une communauté religieuse pour laquelle nous avons beaucoup de respect», dit-il.