Le spécialiste des mouvements intégristes québécois, Martin Geoffroy, n’est pas tendre à l’endroit de l’Opus Dei qu’il décrit comme un organisme catholique élitiste et avide de pouvoir. À la veille de l’élection du nouveau prélat, il fait le point sur cet organisme ecclésial qui suscite controverses et fantasmes.
Martin Geoffroy, qui a longtemps collaboré avec le regretté sociologue des religions Jean-Guy Vaillancourt, termine l’écriture d’un livre sur les groupes intégristes catholiques québécois. Pour lui, l’Opus Dei est «un mouvement conservateur. Ses membres ne sont pas des catholiques de gauche!»
Le directeur du Centre d’expertise et de formation sur les intégrismes religieux et la radicalisation au cégep Édouard-Montpetit considère que l’Opus Dei vit en marge de la société québécoise moderne.
«Les membres affirment le contraire en disant: ‘Nous avons un travail. Nous vivons dans le monde’. C’est la nouvelle image qu’ils veulent projeter. Cependant, il est clair qu’ils rejettent le style de vie moderne des Québécois. La seule chose que l’Opus Dei a modernisée, c’est l’accessibilité. Ils sont plus accessibles qu’auparavant. Cependant, ils sont toujours aussi attachés à la philosophie de leur fondateur», lance Martin Geoffroy.
Depuis la publication du roman Da Vinci Code, l’Opus Dei «est sous le mode damage control» affirme le spécialiste.
Pour cet expert des mouvements intégristes catholiques, l’Opus Dei «est la réponse de l’Église catholique au succès du fondamentalisme protestant à travers le monde. Il ne faut pas se leurrer, en Afrique et, particulièrement, en Amérique du Sud, l’Église catholique est en train de se faire grignoter du territoire par les groupes fondamentalistes protestants. Certains catholiques disent que c’est une forme de fondamentalisme protestant au sein de l’Église.»
Martin Geoffroy, qui a analysé le style de vie des membres de l’Opus Dei, souligne qu’ils vivent selon le régime en vigueur au sein de l’Église catholique des années 40.
«Les conseillers spirituels, qui conseillent les adeptes de l’Opus Dei, exercent sur eux le même contrôle que le curé du village exerçait sur ses ouailles à cette époque. Tu prends le curé du village d’antan et tu le greffes à l’Opus Dei. C’est le même pouvoir. J’ai interviewé des jeunes membres de l’Opus Dei. Ils m’ont tous déclaré que leur conseiller spirituel était très important pour eux. Ils le considèrent comme un deuxième père.»
Lorsqu’il aborde la question de la mortification encouragée au sein de l’Opus Dei, (certains de ses membres, surtout les prêtres, portent le cilice et peuvent s’infliger des coups de fouet), Martin Geoffroy ne mâche pas ses mots.
«Je ne vois pas de différences entre un sadomasochiste et quelqu’un qui, délibérément, ‘veut souffrir’ dans sa chair pour Dieu tous les jours. Le sadomasochiste souffre pour son propre plaisir, tandis que le membre de l’Opus Dei souffre pour le plaisir de faire plaisir à Dieu. Les deux ne vivent pas en concordance avec les valeurs dominantes de notre société qui veulent que l’on ne s’inflige pas du mal délibérément. La conception du plaisir du Québécois moyen n’est certainement pas la même que celle d’un membre de l’Opus Dei!»