«Ça fait de la peine», a spontanément lancé Marie-Claire Nadeau le samedi 19 novembre 2022, en levant sa main lors du vote qui a officialisé la dissolution de la Fondation de la Jeunesse ouvrière catholique (JOC).
Coopérante en Amérique latine, engagée auprès de groupes communautaires d’ici, Marie-Claire Nadeau rappelle avec fierté que c’est au sein de la JOC, au milieu des années 1960, qu’elle a fait ses débuts dans l’action sociale.
C’est aussi au sein de la JOC «que notre histoire d’amour, à Joseph [Giguère] et moi, a débuté», dit-elle. Un syndicaliste et un acteur important du monde de la coopération, son époux est décédé le 23 juin 2020.
À titre d’ex-jociste, Marie-Claire participe aux rencontres du conseil d’administration de la Fondation de la JOC. Ces derniers mois, elle a travaillé à la rédaction d’ententes avec deux organismes qui recevront les biens et les actifs de la JOC.
Samedi, une vingtaine d’ex-jocistes ont étudié puis approuvé ces ententes avec la Fondation Léa-Roback et l’organisme Mission inclusion. Puis, quelques instants plus tard, ils ont voté en faveur de la dissolution de la Fondation de la JOC.
«Ce fut un moment émouvant», reconnaît Marie-Claire Nadeau à propos de cet ultime vote. «Ce n’était pas triste, toutefois. On a posé un geste responsable. Ensemble, on a fait le constat que les conditions ne sont plus réunies pour rebâtir un mouvement de jeunes travailleurs au Québec. Alors on s’est demandé comment on pouvait aider le plus efficacement les jeunes et les militants d’aujourd’hui.»
Une même mission
La Fondation Léa-Roback, qui offre une aide financière à des femmes économiquement défavorisées et socialement engagées qui désirent poursuivre leurs études, recevra ces prochains jours une somme de 100 000 $, a-t-on décidé samedi.
Dorénavant, chaque année, «et jusqu’à épuisement de cette somme et des intérêts générés», cette fondation va remettre des bourses d’étude à des femmes de 16 à 30 ans en situation financière précaire. Ces bourses seront identifiées à la JOC.
«Nous sommes très heureuses de ce partenariat», a déclaré Lorraine Pagé, l’actuelle présidente de la Fondation Léa-Roback.
Première femme à diriger la Centrale de l’enseignement du Québec, devenue la Centrale des syndicats du Québec, Lorraine Pagé rappelle que Léa Roback (1903-2000) était une syndicaliste engagée en faveur de la formation des femmes du monde ouvrier.
«Il y a un lien très clair entre l’engagement de Léa Roback et la mission de la JOC depuis ses débuts», dit-elle. «Léa Roback, notre fondation et la JOC croient que l’éducation est un instrument essentiel pour que les personnes puissent se donner de meilleures conditions de travail et de vie.»
La piqûre de la JOC
«J’ai eu la piqûre de la JOC à l’âge de 16 ans. C’était un bon vaccin, il dure encore», dit Angèle Chagnon Legris, 98 ans, présidente nationale de la JOCF (la section féminine de la JOC) dans les années 1950. Samedi, elle a participé en ligne à l’assemblée générale de la Fondation de la JOC. Quelques jours plus tôt, elle a enregistré un message qui a été diffusé au début de la rencontre.
«Je ne suis pas triste, même si beaucoup de souvenirs et d’émotions remontent en ce moment», a-t-elle tenu à dire aux ex-jocistes présents.
Son engagement à la JOC aura transformé sa vie. «J’éprouve beaucoup de fierté et de satisfaction devant ce qu’on a accompli ensemble afin de changer la société.»
Elle a tenu à nommer les valeurs fondamentales de ce mouvement d’Action catholique qu’elle a longtemps présidé. Ce sont la dignité de la personne humaine, la présence au milieu, le travail d’équipe et l’engagement.
Au cœur de la JOC, ces valeurs auront aussi été au centre de toute sa vie, dit aujourd’hui Angèle Chagnon Legris.
Si elle constate que la JOC ne rassemble plus aujourd’hui les jeunes générations, «l’essentiel demeure» parce que la jeunesse d’aujourd’hui souhaite encore, comme celle d’hier, «changer le monde».
«La JOC ne meure pas. Elle va continuer de vivre d’une façon différente», a-t-elle dit samedi, un peu avant que la Fondation de la JOC, qu’elle a aussi longtemps présidée, ne soit dissoute officiellement.