«Ce n’est pas compliqué. On est passé d’un million d’impressions par semaine à zéro. En une seule journée.»
Lise Rinfret, du Semainier paroissial, se souviendra toujours de ce vendredi 13 mars 2020, «peut-être bien la pire journée» de sa vie, lance-t-elle.
«Jamais je n’aurais pensé que j’allais préparer autant de cessations d’emploi», explique la copropriétaire de cette entreprise familiale fondée en 1953. «Ce vendredi-là, je m’excusais auprès de chacun de mes 30 employés.»
La veille, le jeudi 12 mars 2020, Lise Rinfret avait pris connaissance du communiqué de l’Assemblée des évêques catholiques du Québec (AECQ) sur l’interdiction gouvernementale de tenir des rassemblements afin d’éviter la propagation de la COVID-19.
«Jusqu’à nouvel ordre, toutes les messes du samedi soir, du dimanche et les célébrations dominicales de la parole sont annulées», annonçaient alors les évêques. Quelques jours plus tard, ils prendront même la décision de carrément fermer les portes de toutes les églises puisque tous les rassemblements, peu importe le nombre de participants, devenaient interdits.
La fermeture temporaire, mais «jusqu’à nouvel ordre», des églises ne laissait aucun choix à Lise Rinfret. Elle perdait d’un coup tous les clients du Semainier paroissial et de l’imprimerie Litho St-Paul, les deux entreprises qui administrent, proposent des textes et impriment chaque semaine les bulletins d’un grand nombre de paroisses du Québec.
«Nous, on ne fait pas d’imprimerie commerciale. Ma semaine entière est occupée à préparer et à imprimer des bulletins d’église», dit-elle.
Une mécanique bien huilée
Quelque 500 lieux de culte du Québec recourent chaque semaine aux services offerts par les deux entreprises que dirige Mme Rinfret. Et pour que ce million de feuillets ou de petits livrets brochés soient déposés, au plus tard chaque vendredi, dans la boîte aux lettres des presbytères, c’est tout un processus doit être fidèlement observé, explique-t-elle.
Au début de chaque semaine, les paroisses font parvenir à son équipe les textes qui iront à l’intérieur des bulletins. Ce sont les intentions pour les messes de la prochaine semaine, un mot du curé, le résultat de la quête et les activités paroissiales ou municipales qui intéresseront les paroissiens. Si elles manquent de contenu, les paroisses peuvent aussi choisir un ou des textes parmi ceux que leur fournit chaque semaine le Semainier paroissial.
Une fois le contenu reçu, du personnel met en page chaque édition du bulletin. Des graphistes préparent ensuite l’illustration de la page couverture qui est toujours liée à l’évangile du dimanche tandis que des représentants publicitaires s’affairent à trouver des annonceurs locaux afin de financer entièrement l’impression et la distribution des feuillets.
«Le Semainier, ça ne coûte pas un sou aux paroisses», insiste-t-elle. «C’est une grande fierté pour nous mais aussi pour nos paroisses d’obtenir cette reconnaissance des commerces locaux.»
Déconfinement
Depuis le 13 mars, Le Semainier paroissial n’imprime donc plus de bulletins, et bien sûr, ne peut demander à ses annonceurs de payer pour des publicités qui ne paraissent tout simplement pas.
Actuellement, des imprimeries ont pu reprendre leurs activités. Mais pas les entreprises que gère Lise Rinfret. «Nous sommes à la merci de la décision du gouvernement. On attend leur OK pour la tenue des rassemblements. Dès que le gouvernement le donnera, ce sera au tour des évêques d’organiser la réouverture des lieux de culte.»
Elle croit que cette réouverture pourrait ne survenir qu’à la mi-juin. «Trois mois sans impression ni revenus», lance-t-elle en baissant la voix. «C’est long. Mais je n’attends qu’un signal de la part de l’Assemblée des évêques et on est prêt à repartir.»
Ne craint-elle pas que certains de ses clients, des paroisses sans revenus aussi depuis trois mois, puissent ne pas ouvrir leurs portes après la crise?
«C’est bien possible et ce serait bien dommage. Mais si une paroisse devait fermer, son territoire serait aussitôt annexé à un autre lieu de culte», fait-elle observer. Les fidèles auront alors accès au bulletin d’une autre église qui sera alors imprimé en plus d’exemplaires.
Ce qui l’inquiète davantage, c’est la réaction des annonceurs. Elle craint que certains commerces locaux, de fidèles commanditaires du Semainier, soient forcés d’abandonner leurs activités. D’autres pourraient bien décider de couper un moment dans leurs dépenses publicitaires.
«Mais peut-être qu’on observera un effet contraire. Un commerçant pourrait décider qu’il n’a plus les moyens d’acheter de la grosse publicité. Il choisira alors d’annoncer localement, dans la paroisse», dit la copropriétaire du Semainier paroissial. «On pourrait espérer un élan de solidarité pour favoriser l’achat local.»
«On est habituellement fermés en juillet. Mais cette année, j’aime penser qu’on sera au travail durant ce mois et qu’on imprimera tous nos bulletins paroissiaux», dit Lise Rinfret.
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